KTM et Husqvarna ont immatriculé 7523 et 2240 motos (-23,5 et +0,4%) en France en 2022. Pour Moto-Net.Com et ses lecteurs Premium, le directeur général dresse le bilan : Covid long, occasions en ébullition, location mise en avant, stationnement payant, deux-roues électrique, contrôle technique... Interview MNC de Raphaël Crambes.
Moto-Net.com : Le marché français du motocycle est en baisse... comparé à une année 2021 déconfinée. Le bilan 2022 est donc positif ?
Raphaël Crambes (directeur général KTM - Husqvarna en France) : En effet, le bilan est finalement loin d'être aussi négatif qu'on pouvait l'envisager plus tôt cette année au vu du contexte international, des différentes pénuries et de l'inflation.
MNC : Les multiples effets de la pandémie de Covid-19 restent sensibles. Lequel est le plus handicapant pour votre marque ?
R. C. : Peut-être l'impact psychologique, le marasme dont nous devons sortir. Nos distributeurs ont déployé de nombreuses solutions et services innovants pour redynamiser les points de vente et on sent que l'esprit est plutôt à retrouver le partage, le sens de la communauté motarde en roulant ensemble, en partageant même parfois plus qu'avant la pandémie. Notre KTM Adventure Rallye a rassemblé, pour la première fois en France, plus de 150 motards internationaux qui avaient soif de grands espaces et de convivialité.
MNC : À quel point les concessionnaires sont-ils bridés ? Leurs clients sont-ils compréhensifs ?
R. C. : Le 1er semestre 2022 a été difficile en raison de manques de disponibilité mais les clients ont en grande majorité été compréhensifs et on revient à la normalité.
MNC : Quels modèles ont particulièrement bien marché... pardon, roulé commercialement chez vous en 2022 ?
R. C. : Les 125 Svartpilen et 125 Duke, la gamme Tout Terrain Gas Gas qui s'étoffe et se fait connaître, la Norden 901 qui est notre grande nouveauté chez Husqvarna et qui a séduit par son look, son équipement et son caractère.
MNC : Lesquels ont été le plus impacté par les ruptures de stock ?
R. C. : Les roadsters étant le segment majeur du marché français, c'est aussi celui qui a le plus subi la pénurie de certains composants.
MNC : Le marché de l'occasion est-il toujours en ébullition ?
R. C. : Il est en régulation en ce moment, l'ébullition faisait suite au problème d'approvisionnement du neuf.
MNC : Pour la première fois en France, les particuliers ont davantage loué qu'acheté leur nouvelle voiture (51 % LOA/LDD en 2022, Vs 10 % en 2012). Quelle est cette proportion dans la moto ? Quelle incidence a cette évolution sur votre activité ?
R. C. : La LOA représente environ 20%, en forte progression en 2022. Le motard est aussi un automobiliste donc il duplique son comportement. S'il y trouve un avantage en auto, il l'adopte aussi en moto. Cela change forcement notre activité : on vit maintenant dans un environnement fait de mensualités (téléphone, TV, voiture...). On adapte donc nos offres commerciales, notre communication et finalement la perception de la valeur change : le "prix" final d'un objet devient secondaire. Cela change aussi le métier du distributeur qui lui aussi doit adapter son discours, faire face à de nouvelles demandes des motards et par conséquent aussi se former sur le sujet. Nous travaillons beaucoup avec KTM Finance sur les taux pour proposer des tarifs compétitifs, surtout dans cette période inflationniste. C'est un outil majeur pour démocratiser le deux-roues.
MNC : En conséquence et d'après AAAdata, le prix moyen d'une voiture neuve est passé de 19800 euros en 2010 à plus de 32000 cette année. La valeur des motos montent aussi en flèche, non ? Les motards montent en gamme, en cylindrée ?
R. C. : L'inflation est générale, la moto n'est pas épargnée. Nous sommes donc impactés par la hausse des matières premières, des coûts de transport. Les motards peuvent aussi parfois faire le choix de se doter d'une moto plus récente et plus équipée pour privilégier la moto comme moyen de transport quotidien afin de faire face plus facilement au coût de l'essence (on consomme moins en moto) et aux conditions de trafic urbain. La LOA sert aussi à cela, démocratiser par des mensualités faibles (on paie l'usage, pas d'immobilisation de trésorerie).
MNC : À quel point le stationnement payant dans Paris a touché vos concessionnaires franciliens ?
R. C. : C'est plus général mais effectivement, c'est un signal négatif supplémentaire : la période Covid, le parking payant et une période de manifestations ont posé de gros problèmes à nos distributeurs, notamment intra-muros (pour les manifestations). Cela impacte nos ventes effectivement mais le bénéfice temps et consommation reste bon pour la place du deux-roues en ville.
MNC : D'autres grandes villes ne perçoivent pas davantage l'intérêt du deux-roues motorisés ?
R. C. : Aujourd'hui, la réflexion est générale dans les grandes agglomérations sur le deux-roues urbain, le maillage et les transports en général. Quelque que soit la forme, le deux-roues fait partie de l'avenir du déplacement.
MNC : Chez les 125cc, certains équivalents électriques pointent dans les meilleures ventes. Mais ce sont des marques chinoises qui s'illustrent. Comment l'expliquez-vous ?
R. C. : C'est un phénomène économique de consommation et de transport, pas de passion donc pour un "commuter" désirant faire des trajets urbains, le prix est un facteur principal de décision d'achat et les marques chinoises proposent pour le moment des modèles électriques à des tarifs très attractifs. Pour les passionnés néanmoins, le marché 125 "thermique" reste stable et nous avons particulièrement bien performé avec la 125 Duke, déjà bien connue, et maintenant avec la Svartpilen 125 qui trouve son public grâce à son design urbain et ses équipements premium.
MNC : Le contrôle technique peut-il servir notre cause ? En coinçant les rares motos et scooters trop bruyants, par exemple.
R. C. : Oui car l'image publique de la moto passe par le bruit, surtout avec les politiques urbaines actuelles, donc c'est positif en terme d'image et démontre notre bonne volonté, dans un souci de démocratisation du deux-roues.
MNC : Le contrôle technique permettra aussi de mieux connaître le parc roulant français. Ces statistiques globales doivent intéresser les constructeurs, non ?
R. C. : Oui, forcément, mieux connaître le parc permet d'anticiper les besoins futurs, de constater des tendances dans l'utilisation ou les segments en verve (le trail...).
MNC : Quelles sont vos bonnes résolutions pour 2023 ?
R. C. : Rouler et gagner en compétition que ce soit en tout terrain ou en MotoGP avec nos amis de Tech3 qui porteront haut les couleurs de Gas Gas dans la discipline reine et avec Jack Miller qui rejoint Brad Binder chez KTM Factory Racing. On a bien commencé avec la victoire de Kevin Benavides au Dakar, on a même le podium complet avec Toby Price et Skyler Howes. Bravo aux teams !
MNC : Vous croisera-t-on au Salon de Lyon, qui lance traditionnellement la saison ?
R. C. : Nous serons présents au salon de Lyon, en soutien de nos distributeurs et avec des essais de nos nouvelles gammes 2023.
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