Le MotoGP vous semble déjà compliqué à suivre avec ses nouvelles demi-courses le samedi avant l'épreuve traditionnelle le dimanche ? Les promoteurs en rajoutent une louche pour 2024 avec une usine à gaz de concessions qui, pour résumer, pénalisent le leader Ducati et favorisent les distancées Honda et Yamaha… mais aussi les compétitives Aprilia et KTM.
L'idée de remodeler le système de concessions MotoGP était dans les tuyaux depuis plusieurs mois, c'est désormais chose faite : la saison 2024 verra la mise en place d'un nouveau dispositif de conditions avantageuses accessibles sous certaines conditions. Ce complexe système a été validé par la commission Grand Prix et tous les constructeurs en amont du GP de Valence.
Pour mémoire, le règlement actuel du MotoGP accorde des avantages (concessions) prévus à l'origine pour donner un coup de pouce aux nouveaux constructeurs. Objectif : permettre à des marques débutantes d'être compétitives dans un délai raisonnable et sans dépenser des fortunes. Ce système est notamment à l'origine de la progression d'Aprilia et KTM qui ont bénéficié d'un nombre supérieur d'essais, de moteurs et des mises à jour aérodynamiques.
La donne change en 2024 avec une nouvelle grille de concessions destinées non pas à aider les nouveaux venus, mais bien à secourir des habitués du plateau MotoGP en difficulté. En clair : le prometteur Dorna pond un nouveau règlement en faveur de Yamaha et Honda, respectivement avant-dernier et dernier du classement constructeurs 2023. Rappelons que la blason d'Iwata clôt une saison vierge de la moindre victoire, alors que son rival ailé n'en compte qu'une seule : celle d'Alex Rins sur la Honda privée LCR.
La Yamaha YZR-M1 n'est plus que l'ombre de cette référence passée sur laquelle Rossi et Lorenzo empilaient les titres, alors que Marc Marquez himself ne parvient plus à compenser les ruades de la vicieuse Honda RC213V. Au point que l'octuple champion du monde préfère casser son juteux contrat avec le HRC pour se casser tout court chez Ducati Gresini ! Les constructeurs japonais - trop conservateurs et/ou trop économes - sont distancés par leurs rivaux européens, Ducati et son armada de huit Desmosedici en tête…
Le nouveau dispositif classe les avantages accordés à chaque constructeur en fonction de ses résultats : plus ils performent, moins les concessions leur sont favorables. Logique ! Dans le détail, les marques sont classées en quatre catégories (A, B, C, D) selon le pourcentage de points obtenus. La classe A regroupe les fabricants qui totalisent plus de 85% des points distribués, la classe B ceux qui en ont obtenu de 60 à 85%, la classe C va de 35 à 60% et la classe D concernant les marques en dessous de 35% des points distribués (détails ci-dessous).
RANG | % DE POINTS | PNEUS TEST | TESTS PRIVÉS | CIRCUITS GP | WILDCARDS | MOTEURS | SPEC. MOTEUR | ÉVOs AÉRO |
A | >=85% | 170 | Pilote d'essais | 3 circuits | 0 | 7 ou 8 / saison | gelée | 1 |
B | >= 60% < 85% | 190 | Pilote d'essais | 3 circuits | 3 | 7 ou 8 / saison | gelée | 1 |
C | >= 35% < 60% | 220 | Pilote d'essais | 3 circuits | 6 | 7 ou 8 / saison | gelée | 1 |
D | <35% | 260 | Pilote essais et titulaires | Tous | 6 | 9 ou 10 / saison | libre | 2 |
Chaque catégorie se voit accorder un nombre limité de pneus à disposition pendant les essais - de 170 pour les A à 260 pour les D -, ainsi qu'un contingent de circuits du calendrier sur lesquels ils sont autorisés à tester leurs prototypes. De même, les constructeurs les plus aidés (classe D) peuvent faire participer leurs pilotes titulaires aux séances de tests privés, par exemple aux traditionnelles journées de "Shakedown" qui précèdent les premiers essais officiels prévus en Malaisie (Sepang).
L'air de rien, cela signifie que les marques de la classe D - comme "Distancées" ?! - vont pouvoir faire rouler leurs pilotes officiels et satellites pendant cinq jours contre trois pour les constructeurs des classes A, B et C. Ce nouveau règlement limite également le nombre de wild card accessibles à chaque constructeur, mais aussi le total de moteurs disponibles sur la saison. Par ailleurs, la classe "D" n'est pas limitée en développement mécanique en cours de saison, alors que les A, B et C n'ont aucun recours à ce niveau.
Pour - tenter de - simplifier : Ducati est le seul classé en catégorie A, ce qui signifie - sans surprise - que la marque italienne sera le plus bridée l'an prochain avec sa razzia sur les titres pilote, team et constructeur. Conséquence : contrairement à cette année, Ducati n'aura par exemple plus le droit de faire rouler son pilote essayeur Michele Pirro en wild card. De même, les Rouges n'auront plus que 170 pneus à disposition pour leurs essais privés, qui seront par ailleurs circonscrits à trois circuits du calendrier MotoGP.
D'après ce nouveau dispositif, Honda et Yamaha entrent dans la catégorie "D" : les deux constructeurs japonais pourront par conséquent développer à loisir leur 4-cylindres (en V côté Tokyo, en ligne côté Iwata) en cours de saison et disposent par ailleurs d'une solution de carénages supplémentaires (2 changements contre 1 seul pour A, B et C). De plus, Honda et Yamaha pourront utiliser 9 à 10 moteurs par saison contre 7 à 8 pour ses rivaux : de quoi booster un peu les mécaniques japonaises - à la traîne depuis plusieurs saisons - avec moins de contraintes en termes de fiabilité (les constructeurs limitent le nombre de tours sur les "vieux" blocs).
Enfin, les deux anciennes références du MotoGP auront les coudées franches pendant les essais privés avec en plus la possibilité d'y faire rouler leurs pilotes titulaires : Quartararo et Rins chez Yamaha, Mir, Marini, Zarco et Nakagami chez le blason ailé. Le tout avec plus du double de pneus à disposition : si avec ça, Yamaha et Honda ne remontent pas la pente ! Cela vous paraît excessif ? En réalité, cette générosité traduit surtout la crainte du promoteur Dorna de voir les deux marques japonaises faire une "Suzukade" : soit un retrait brutal sur fond d'économies.
Problème : si tous les constructeurs auraient validé ce nouveau dispositif à l'unanimité, selon le discours officiel, Ducati pointe déjà du doigt un aspect qui lui déplaît fortement… A savoir que Aprilia et KTM récupèrent également des avantages grâce à cette nouvelle nomenclature, puisqu'ils répondent aux critères de la catégorie "C" (35 à 60% des points distribués).
"Je suis convaincu de la justesse d'accorder des avantages aux constructeurs japonais parce que si le championnat devient encore plus beau, tout le monde en bénéficiera", estime le patron du service course des Rouges. "Mais là où je ne suis pas d'accord, c'est de donner des concessions à KTM et Aprilia - car nous leur en donnons -, soit des constructeurs qui ont gagné des courses cette année ou qui ont été presque constamment en lutte pour les gagner", s'insurge - légitimement - Luigi Dall'Igna.
"Nous faisons partie du spectacle et nous considérons que soutenir les constructeurs japonais est plus important que bloquer les concessions pour KTM et Aprilia", répond l'italien lorsqu'il lui est demandé pourquoi Ducati a approuvé ce nouveau règlement dans ces conditions. "J'ai essayé de bloquer les concessions pour KTM et Aprilia (...) mais il fallait trouver un compromis", résume Dall'Igna.
Tout cela vous parait bien compliqué ? Eh bien sachez qu'en plus, ce règlement est évolutif ! Les organisateurs prévoient de diviser la saison en deux périodes et de recalculer le ratio de poids inscrits par constructeurs à mi-parcours. Autrement dit : les constructeurs avantagés pendant les dix premières courses pourraient perdre les concessions, et vice-versa.
Et sinon, pourquoi ne pas déposer un parpaing sur la coque des motos jugées trop rapides et autoriser les plus lentes à prendre le départ quelques secondes avant tout le monde ?! Voilà une solution facile à mettre en oeuvre et efficace pour voir chaque marque et sponsor en tête, comme le souhaitent les promoteurs pour mieux vendre leur show.
Qu'elle semble loin l'époque où les courses motos répondaient à un principe simple : que le meilleur gagne, point barre. Pas d'artifices, pas de concessions, pas de compromis : le premier à l'arrivée remporte la timbale, les autres - pilotes et constructeurs - devaient se cracher dans les pognes pour l'égaler. Un discours de vieux c..s ? Possible. En attendant, qui se souviendra dans 5 ans, 10 ans et 20 ans du titre obtenu par le constructeur "A" face aux marques "B", avec un bonus pour les "C" grâce aux concessions trucmuches alinéa B ?!
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Plateau : Les pilotes et leurs motos 2024
10 mars : GP du Qatar
24 mars : GP du Portugal
07 avril : GP d'Argentine (annulé)
14 avril : GP des Amériques
28 avril : GP d'Espagne
12 mai : GP de France
26 mai : GP de Catalogne
02 juin : GP d'Italie
16 juin : GP du Kazakhstan (reporté)
30 juin : GP des Pays-Bas
07 juillet : GP d'Allemagne
04 août : GP de Grande-Bretagne
18 août : GP d'Autriche
01 septembre : GP d'Aragon
08 septembre : GP de San-Marin
22 septembre : GP d'Inde (annulé)
22 septembre : GP Kazakhstan (annulé !)
22 septembre : GP d'Emilie-Romagne
29 septembre : GP d'Indonésie
06 octobre : GP du Japon
20 octobre : GP d'Australie
27 octobre : GP de Thaïlande
03 novembre : GP de Malaisie
17 novembre : GP de Valence
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