Le contrôle technique pour les motos et scooters doit entrer en vigueur au premier trimestre 2024, après de longues tergiversations et de fortes mobilisations motardes. Deux et trois roues concernés, fréquence de contrôles, types d'examens, prix : MNC fait le point complet sous forme de questions-réponses.
Cette fois, c'est sûr : le contrôle technique moto et scooter devient une - triste - réalité au début de l'année prochaine, "entre le 15 janvier et le 15 mars 2024", annonce à nos confrères de France Info le ministre des transports, Clément Beaune, invité dans l'émission Brut du 24 juin (vidéo ci-dessous).
Cette décision a priori irrévocable met fin à un long bras de fer entre les pouvoirs publics et la communauté motarde. Bien que l'utilité de ce contrôle reste à prouver - y compris même auprès d'un contrôleur interviewé par MNC -, le Conseil d'État l'impose aux forceps sous la poussée de trois associations ouvertement hostiles aux deux-roues motorisés.
INFO BRUT - @CBeaune, ministre des Transports annonce sur Brut, le contrôle technique obligatoire des deux-roues à partir de début 2024, voici les annonces. pic.twitter.com/Yju9lleEqR
— Brut FR (@brutofficiel) June 24, 2023
Cette gestation conflictuelle et cyclique - le projet a été abandonné et remis sur le tapis des dizaines de fois - est à l'origine d'informations changeantes. La faute, notamment, aux habituelles "dissonances" dans les discours des politiques en charge du dossier : après plusieurs mois de messages rassurants destinés à éviter les manifestations motardes, le gouvernement entérine ainsi cette mesure au prétexte d'y être contraint et forcé !
Un rien ironique quand le même pouvoir en place impose sa réforme des retraites à coups de "49.3", l'article de la Constitution qui permet au premier ministre de passer outre toutes oppositions ! Passons aussi pudiquement sur les obligations vaccinales liées au Covid-19 ou encore les 80 km/h votés en force… Bref, la position officielle sur le contrôle technique renvoie à l'expression ironique "à l'insu de mon plein gré" de feux les Guignols de l'Info.
Toujours est-il que l'intervention de Clément Beaune constitue l'occasion de faire le point sur les tenants et les aboutissants du contrôle technique moto et scooter. MNC répond aux questions essentielles soulevées par cette nouvelle contrainte, à défaut cependant de connaître toutes ses modalités : plusieurs détails restent encore à peaufiner…
L'idée de soumettre les deux-roues motorisés au contrôle technique (CT) remonte à janvier… janvier 2000 (!), à l'initiative de l'Europe. A l'époque, l'idée était de vérifier le niveau d'émissions sonores et polluantes et, en creux, de mettre les motos et scooters sur le même plan que les voitures qui se soumettent au CT depuis 1992.
Le projet est évoqué pour la première fois en France par le Conseil économique et social en 2007. Démarre une saga qui va durer plus de 15 ans, durant laquelle le contrôle technique revient par la fenêtre à chaque fois qu'on le met à la porte. L'étau se resserre via le décret du 9 août 2021 qui acte son application pour 2023, mais le président Macron - en pleine crise sanitaire du Covid - l'annule dans la foulée.
Sauf que le Conseil d'État - sollicité par les associations Ras-le-Scoot, Paris sans voiture et Respire - balaie ensuite cette position du gouvernement ! Motif : la France ne peut se dispenser du contrôle technique moto qu'à condition de mettre en place des mesures alternatives, comme le stipulent les directives européennes.
Or, pour les "sages", cette condition n'est pas respectée : l'État est sommé de mettre en place le contrôle technique au plus tard "au 1er août 2023". Fin de la partie pour les motards et la FFMC, qui se sont mobilisés en masse pendant toute cette période pour lutter contre le contrôle technique…
Dans une interview réalisée dans la foulée de la décision du Conseil d'État, le ministre des transports annonce la mise en place le contrôle technique "en fin d'année 2023", le temps notamment que les centres de contrôle se forment et s'équipent en conséquence. Clément Beaune est revenu sur ce délai à peine un mois plus tard : le ministre évoque dans son entretien avec Brut une période comprise "entre le 15 janvier et le 15 mars 2024".
Rappelons que les centres de contrôle vont effectivement devoir investir dans de nouveaux équipements dédiés aux deux-roues, mais le jeu en vaut la chandelle : quelque 4 millions de deux-roues circulent en France ! On comprend mieux pourquoi des poids-lourds du secteur, comme Dekra au hasard, font de longue date pression pour l'appliquer aux motos !
Initialement - et assez injustement - seules les grosses cylindrées semblaient visées par le contrôle technique moto. Finalement, les motos, scooters et quads de moins de 125 cc devront aussi s'y soumettre selon les projets de décrets et d'arrêtés publiés sur le site officiel du gouvernement le 26 juin.
Ce document mis en consultation public évoque les "véhicules motorisés à deux ou trois roues et quadricycles à moteur (véhicules de catégorie L)". Soit, en ce qui nous concerne, toutes les motos y compris les 50 cc (cyclomoteurs). Confirmation de Clément Beaune : toutes les cylindrées sont concernées "les plus de 125 cc mais aussi ceux en-dessous des 125 cc".
Dans l'état actuel du texte, les motos tout-terrain avec plaque d'immatriculation - enduro - sont aussi concernées. En seraient exemptées les machines utilisées uniquement sur circuit, dans un cadre loisir et/ou compétition : motocross, trial et motos de piste. Ouf !
Reste à définir le cadre pour les motos préparées, souvent à des années-lumières de leur configuration d'origine. Le cas particulier des motos anciennes et de collection est aussi soumis à la réflexion du législateur...
Là encore, plusieurs hypothèses ont circulé : cinq ans, trois ans, deux ans… Mettre en place un contrôle technique uniquement à la revente d'un deux-roues a aussi été évoqué, sur le modèle de nos voisins belges. L'idée, vite abandonnée, n'était pourtant pas dénuée d'intérêt. Mieux qu'un contrôle systématique généralisé, en tout cas !
En définitive, l'exécutif opte pour un schéma assez traditionnel : les deux-roues doivent subir leur première visite dans les mois précédents leur cinquième anniversaire, puis tous les trois ans. Soit une année supplémentaire par rapport aux voitures (4 ans puis deux ans).
Clément Beaune se veut rassurant : le contrôle technique moto sera "fortement simplifié par rapport aux voitures, avec un nombre de points de contrôle divisé par quatre". Le projet d'arrêté apporte plus de précisions : "vérifications visuelles, mesures des émissions polluantes, vérification des émissions sonores et contrôle de la vitesse maximale limitée par la réglementation de certains véhicules".
MNC pressent que des aspects "critiqu(é)es" comme l'échappement feront l'objet d'une attention particulière : le bruit de certaines motos est dans le viseur depuis trop longtemps pour que les autorités laissent passer l'occasion de les mettre en sourdine ! Pas de "pot" pour les silencieux dépourvus de chicane et/ou dB Killer… Les échappements d'origine vont s'échanger à prix d'or dans les petites annonces !
Le ministre des transports souhaite un contrôle décrit comme "simple" et "le plus pragmatique possible". De belles formules qui n'engagent que ceux qui y croient : le Journal Moto du Net pense surtout que les enseignes spécialisées fixeront rapidement leurs exigences en matière de conditions et de prix…
"Autour d'une cinquantaine d'euros", répond justement le ministre des transports au sujet du tarif prévisionnel pour cet examen périodique. Clément Beaune répète à l'envie que le contrôle technique moto doit être "le moins coûteux possible". Suggestion MNC : ne pas le mettre en place, de cette façon ce sera gratuit !
Blague à part, ce prix - à confirmer - est en réalité assez élevé : à comparer aux 80 euros en moyenne demandés pour un contrôle technique voiture. Or, dans la mesure où le CT moto comprendrait quatre fois moins de points de contrôle, son prix devrait être divisé par quatre, non ? Soit une vingtaine d'euros, monsieur le ministre...
Lors de notre entretien avec l'animateur réseau du secrétariat national de la Fédération française des motards en colère (FFMC), l'idée d'introduire des contreparties avait été évoquée. Éric Thiollier révélait notamment que le gouvernement travaillait à faire homologuer pour les motos l'usage d'un boîtier éthanol, soit un kit "Flexfuel" compatible avec de l'essence contenant jusqu'à 85% d'éthanol d'origine végétale.
Objectif : calmer la grogne des usagers deux-roues vis-à-vis du contrôle technique. Sachant toutefois que la moto est tout de même sacrément à la traîne sur cette technologie : en l'absence de boîtier homologué, tous les montages sont en dehors de la loi. Injuste au regard de l'économie réalisée par les automobilistes en FlexFuel !
En outre, une prime à la conversion est aussi dans les tuyaux : le ministre Clément Beaune annonce un montant de "6000 euros d’aides à partir de début 2024 pour passer à un véhicule électrique ou très peu polluant".
Non, comme nous l'a expliqué le contrôleur technique interviewé par nos soins : l'agrément accordé aux contrôleurs les autorisent à déplacer un véhicule sans possession du permis de sa catégorie, dans le strict espace privé du centre. En clair : un contrôleur peut conduire une voiture sans avoir le permis B (auto). Même dérogation envisagée, a priori, pour une moto.
A noter que le déroulement du contrôle technique des motos pourrait être calqué sur celui des poids-lourds : le contrôleur ne conduit pas le camion pendant l'examen, mais demande au chauffeur - présent pendant tout le contrôle - de le manoeuvrer et de le positionner aux endroits indiqués.
De cette manière, nul besoin de recruter du personnel qualifié à la conduite de véhicules aussi spécifiques que des poids-lourds et, désormais, des motos ! Autrement dit : les centres de contrôle sont définitivement les grands gagnants de cette opération, au détriment des motards et scootéristes.
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