Le contrôle technique pour les motos et scooters se concrétise, malgré l'opposition généralisée des usagers du deux-roues motorisés. Comment les centres de contrôle s'y préparent-ils ? Quels sont les permis, formations et moyens nécessaires ? Réponses avec un contrôleur technique interrogé par MNC.
L'idée de soumettre les deux-roues motorisés au contrôle technique ne date pas d'hier : MNC en parlait déjà en janvier… 2000 (!), quand l'Europe mettait pour la première fois le sujet sur le tapis. A l'époque, l'Union européenne invoquait le besoin de vérifier le niveau d'émissions sonores et polluantes et, en creux, de mettre les motos et scooters sur le même plan que les voitures qui se soumettent au CT depuis 1992.
De l'eau coule sous les ponts avant que le "CT moto" ne soit réellement considéré en France, via une préconisation du Conseil économique et social en 2007. Démarre alors une tumultueuse saga durant laquelle le contrôle technique moto fait l'objet de moult débats, avec en toile de fond le rejet catégorique des motards et de la Fédération française des motards en colère (FFMC)… face aussi puissant lobbying de géants du secteur comme Dekra.
Pendant quinze ans, le contrôle technique revient par la fenêtre à chaque fois qu'on le met à la porte et parvient, finalement, à faire adopter sa mise en application pour 2023 grâce au décret du 9 août 2021... Mais ce décret est aussitôt annulé par le président Macron, déjà bien assez occupé sur le front des révoltes avec la crise sanitaire du Covid !
Le Conseil d'État - sollicité par les associations antimotos Ras-le-Scoot, Paris sans voiture et Respire - tâcle alors le gouvernement à deux reprises, au motif que la France ne peut se dispenser du contrôle technique moto qu'à condition de mettre en place des mesures alternatives adéquates. Or, pour les "sages", cette condition n'est pas respectée…
Le vent tourne en défaveur des motards, car de l'aveu même du ministre des transports il est impossible de passer au-dessus du Conseil d'État. Autrement dit : malgré d'énormes manifestations, le contrôle technique pour les motos et les scooters est en passe de se mettre en place, à horizon "juin 2023" prévoit même Clément Beaune.
MNC s'est tourné vers un professionnel du contrôle technique pour savoir comment cette nouvelle activité est perçue et préparée dans les centres. Michael, contrôleur dans un réseau franchisé, nous éclaire sur ce projet qu'il considère encore "très flou" en plus d'être sensible…. C'est pourquoi ce contrôleur expérimenté préfère conserver l'anonymat et sans photos. Interview.
Moto-Net.Com : En tant que professionnel du secteur, êtes-vous favorable au contrôle technique pour les motos et les scooters ?
Michael, contrôleur technique : Pas forcément favorable, dans la mesure où les motards entretiennent leurs motos. Et nous avons déjà suffisamment de travail, alors même que la profession manque de contrôleurs !
M. N. C : Pensez-vous que cette mesure s'inscrive dans une logique d'équité citoyenne puisque les automobilistes se soumettent au contrôle technique depuis 1992 (30 ans, déjà !) ?
M. : Ce principe d'équité peut effectivement se comprendre. Mais en réalité, l'objectif n'est pas seulement d'étendre le contrôle technique aux deux-roues mais à tous les véhicules immatriculés. Par le passé, il était même question de contrôler les tracteurs agricoles à l'image des poids-lourds… Mais, selon moi, cette mesure n'a pas d'intérêt pour les motos : la part d'accidents liés à une défaillance technique doit être vraiment faible (0,7% selon le rapport MAIDS de 2004, NDLR).
M. N. C : De nombreux usagers deux-roues s'y opposent au motif qu'ils suivent de près l'entretien de leur moto ou scooter. Etes-vous d'accord avec cet argument ? L'entendez-vous également de la part des automobilistes ?
M. : Oui, je le partage car les motards prennent soin de leur moto et l'entretiennent. Mais probablement que certains deux-roues ne sont peut-être pas aussi bien suivis que d'autres… C'est toujours le même problème, typiquement français : le manque de sérieux d'une minorité fait du tort à la majorité. Et ce constat est fait par certains de nos clients automobilistes qui nous présentent au contrôle des voitures soigneusement "bichonnées".
M. N. C : Le gouvernement envisage un contrôle "allégé" à partir de juin 2023, sur la base d'un simple contrôle visuel. Etes-vous prêt à vous livrer à ce type de contrôle ?
M. : En toute transparence, nous n'avons aucune information précise à ce jour. Nous sommes dans le flou tant pour des questions de modalités et d'échéance que les formations et matériels nécessaires. Même chose pour le tarif : à l'origine du contrôle technique moto il y a au moins dix ans (plutôt 20 ans, même si la volonté politique de l'appliquer remonte à 2007, NDLR), on évoquait un prix de 30 à 35 euros. Aujourd'hui, il est question de 50 euros ! Un cadre correctement réglementé est nécessaire avant d'entamer quoi que ce soit. Dans ces conditions, je n'envisage pas une mise en application avant, au mieux, fin 2023. Ceci étant, s'il devait être mis en vigueur cet été, nous serions disposés à le faire. Ne serait-ce que pour conserver notre clientèle : un motard est bien souvent aussi un automobiliste et si nous ne nous chargeons pas de sa moto, nous prenons le risque de le perdre pour sa voiture.
M. N. C : D'après vos informations, sur quels points portent ces vérifications visuelles ?
M. : Je le répète : nous n'avons aucune information précise ! Peut-être devriez-vous vous rapprocher de Dekra puisqu'ils sont à l'origine du contrôle technique deux-roues (MNC a contacté cinq centres de contrôle technique Dekra mais contrôleurs et gérants ont tous refusé de répondre à nos questions : à suivre !).
A titre indicatif, ces points de contrôles visuels pourraient concerner des "classiques" : éclairage, clignotants, usure des pneus, peut-être la tension de chaîne… Mais ces contrôles simplifiés ne seraient qu'une première étape avant des vérifications de plus en plus drastiques, à l'image de ce qui se pratique en voiture. Les vérifications auto sont de plus en plus pointues grâce aux statistiques qui remontent de tous les centres de contrôle. Des statistiques qui ont par ailleurs une double mission : identifier les points "à problèmes", mais aussi - l'air de rien - collecter des informations sur le parc roulant. En cela, le contrôle technique moto va permettre de recenser toutes les motos en circulation, et donc de compiler des informations précises les concernant.
M. N. C : Quels sont les investissements nécessaires pour réaliser un contrôle technique moto et scooter ?
M. : Difficile de répondre faute de cadre précis... Nous concernant, nous avons par le passé aménagé un petit local dédié à la moto lorsqu'il était question du contrôle technique deux-roues. Mais cette pièce répondra-t-elle aux critères d'aujourd'hui ? Certains centres avaient même investi dans du matériel spécifique coûteux, comme des bancs de freinage : ces outils, qui ont parfois une dizaine d'années, sont-ils encore valables et aux normes ? En aura-t-on seulement besoin ? Mystère !
M. N. C : En termes de formation, quelles sont les qualifications demandées ?
M. : Rien ne nous a été communiqué à ce sujet. Je suppose qu'une formation dédiée sera mise en place, à l'image entre autres de celle requise pour contrôler les véhicules spécifiques comme ceux fonctionnant au GPL (gaz de pétrole liquéfié, NDLR).
M. N. C : Le contrôleur devra-t-il être détenteur du permis A (permis moto) ?
M. : Non, je ne pense pas. A mon avis, le contrôle 2-roues se fera sur le même modèle que le contrôle technique poids-lourds, à savoir que le contrôleur ne prendra pas les commandes du véhicule. Dans le cadre du contrôle technique "PL", le contrôleur reste à l'extérieur du camion et demande au chauffeur d'avancer et reculer, et/ou de se positionner à l'endroit indiqué. Le contrôleur ne prend à aucun moment le volant du véhicule. Le contrôle technique moto pourrait se dérouler de la même façon : le propriétaire du deux-roues participera activement au contrôle, en déplaçant sa moto sous la direction du contrôleur. En clair : le contrôleur n'aurait pas besoin du permis moto pour contrôler un deux ou trois-roues. Actuellement d'ailleurs, le permis voiture n'est pas nécessaire pour contrôler une automobile : notre agrément autorise en effet les contrôleurs à déplacer une voiture dans le cadre du contrôle - dans un espace privé -, avec ou sans permis B. Ce format calqué sur le contrôle poids-lourds ferait sens : quand bien même les contrôleurs reçoivent une formation dédiée, la conduite d'une moto exige une certaine pratique, même si nôtre rôle se limite à déplacer la moto sur courte distance dans le cadre d'un contrôle technique. Exemple : manipuler une moto aussi volumineuse que la Goldwing n'est pas à la portée du premier venu. Sans un minimum de pratique, c'est chaud ! Personnellement, je ne m'y risquerais pas malgré mon expérience des deux-roues !
M. N. C : Les voitures sans permis seraient également concernées par ce CT : qu'en pensez-vous ?
M. : A mon avis c'est une bonne chose car beaucoup de ces "voiturettes" circulent en mauvais état, faute d'entretien. Cela me semble d'autant plus pertinent que les jeunes de 14 ans sont désormais autorisés à conduire ce type de véhicules avec le permis AM.
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