Rencontre avec Stéphane Duterne, pilote en Championnat de France Superbike

A partir de ce vendredi 28 mars au Mans, les fans de vitesse française pourront de nouveau admirer l'élite hexagonale ! Parmi eux se trouve, en catégorie reine, le champion de France 1000 Stocksport 2004 : Stéphane Duterne.

Après une année 2007 marquée par le manque de compétitivité et de fiabilité de sa MV Agusta F4 1000 R, le sympathique pilote revient le couteau entre les dents : au guidon de sa Yamaha YZF R1 préparée par la concession marnaise Sky Moto, Stéphane Duterne va tenter d'arracher la couronne à Guillaume Dietrich, Gwen Giabbani, Erwan Nigon, Denis Bouan et les autres...

Il faut dire que le Championnat de France prend tout doucement un envol certain, grâce à la qualité de son plateau et à son organisation de plus en plus calquée sur les modèles internationaux (voir le calendrier 2008 et l'encadré "Ce qui change en 2008").

Désireux de prouver que l'année passé ne fut qu'une erreur de parcours, le natif de Reims (51) a mis toutes les chances de son côté : renouant avec la marque qui lui a apporté le titre en 2004, Stéphane a su s'entourer de grands noms de la compétition moto et de personnes ultra motivées.

Entre le soutien inconditionnel de la concession Sky Moto, la reconnaissance de Yamaha Motor France, le soutien de son sponsor principal Pentax, l'appoint technique apporté par le talentueux Eric Delcamps et la préparation moteur mitonnée par Brancquart Compétition, le pilote de 30 ans s'est clairement donné les moyens de ses ambitions : le titre de champion de France Superbike !

Ajoutez à cela un palmarès éloquent (lire notre encadré "Stéphane Duterne en quelques dates"), une motivation sans faille, plusieurs séances d'essais prometteuses (notamment en Espagne) et un team au fonctionnement bien rôdé : tous les atouts semblent réunis pour que le vice champion de France 2006 aille taquiner les meilleurs...

Moto-Net.Com : Stéphane, tu as commencé la compétition en 1991 par la coupe "MBK Mob Shop". Quel a été l'élément déclencheur ?
Stéphane Duterne : En fait, la moto était bien ancrée dans ma famille. Mon père s'occupait de l'organisation des courses de cross dans la région, puis il a travaillé pour la Fédération dans le cadre de la commission des 50 cc de vitesse. Donc je me suis vite retrouvé dans l'univers de la compétition et j'ai eu envie d'essayer à travers les courses de mobylettes : au bout d'un an, je suis devenu le pilote officiel Derbi et j'ai terminé 3ème du championnat de France. Ensuite, je me suis mis à la moto en 1994 et dès 1998 je termine 4ème du championnat de France 125, le tout sans trop de moyens : c'est mon père et moi qui gérions la préparation de la machine et le reste.

M.-N.C. : Des conditions délicates qui t'ont d'ailleurs contraint à arrêter la compétition en 2000...
S. D. : Oui, en 2000 mes parents et moi n'arrivions plus à suivre, surtout financièrement ! Je n'ai pu disputer que deux courses : les 24 Heures du Mans, que je termine 14ème, et une course de 250 Open où je me suis inscrit avec une Aprilia que j'avais louée. Résultat : je fais la pole et je gagne ! Par la suite, je me suis mis aux 4-temps grâce à Thierry Rogier, à qui je dois beaucoup, jusqu'à obtenir le titre en Stocksport 1000 en 2004, ce qui m'a permis de courir les manches de WSBK à Magny-Cours : là, je finis 10 et 11ème dans des chronos honorables.

M.-N.C. : Avec des résultats aussi prometteurs, les propositions ont dû affluer ?
S. D. : Oui et non, car tu trouveras toujours des gens pour relativiser tes performances : c'est le syndrome français ! Qui plus est, je me blesse au Mans alors que j'avais signé un contrat avec le SERT et je passe un mois à l'hôpital ! J'en ressors encore plus fort dans ma tête, mais je n'ai pu participer à aucune course... En 2006, je souffre encore de mes blessures et ce n'est qu'à partir de la mi-saison que je peux me mesurer à David Muscat : je gagne au Vigeant et je termine deuxième du championnat.

M.-N.C. : Ce résultat te place logiquement en favori pour le titre 2007, mais tu délaisses pourtant une Suzuki ultra compétitive pour une MV Agusta de conception plus ancienne, qui a tout à prouver... Pourquoi ?
S. D. : En fait, je n'avais pas de réelles propositions de la part de Suzuki et MV m'a proposé cette F4 1000 R avec tout le soutien technique et logistique derrière. Après, ce qu'il faut voir c'est qu'en championnat européen, c'est une machine qui gagnait des courses et qui avait constamment les meilleures vitesses de pointe. Le problème, c'est que je n'ai jamais eu le suivi escompté et que la moto s'est avérée peu fiable, même si son moteur fonctionnait plutôt pas mal. Le hic, c'est qu'en Italie les gens qui me suivaient ne faisaient rien pour améliorer les choses : la vérité, c'est que je garde une certaine rancune de cet épisode...

M.-N.C. : Petite parenthèse pour conclure le chapitre sur les italiennes : David Muscat qui ne peut pas s'inscrire avec une Ducati 1098 R à 35 000 euros, ça t'inspire quoi ?
S. D. : C'est un faux problème. Le règlement FFM stipule que les motos ne doivent pas excéder 22 700 euros. Ce n'est pas pour pénaliser qui que ce soit, c'est simplement pour limiter les coûts dans la catégorie. Qui plus est, il est très difficile d'établir un règlement équitable lorsque le prix d'une machine de série va du simple au double suivant la marque ! Cependant, je trouve regrettable qu'un pilote comme David Muscat ne vienne pas animer le championnat cette saison, simplement pour une histoire de règlement...

M.-N.C. : Cette année tu repars avec une Yamaha R1. Quelles sont tes premières impressions vis-à-vis de la machine et quelles sont tes ambitions ?
S. D. : En 2008, je repars avec mon team et le soutien financier de Pentax qui va me permettre d'avoir les moyens techniques et le budget pour me battre devant. Du coup, je vais en profiter pour faire rouler Philippe Le Gallo dans ma structure, afin qu'il puisse bénéficier de notre expérience et de notre organisation : cela va permettre aussi de professionnaliser le team et d'accroître sa reconnaissance dans le milieu. La préparation des deux machines sera similaire : Brancquart pour le moteur / injection, suspensions Delcamps, etc. (voir notre tableau "Le coût de la préparation"). Maintenant, j'ai réalisé d'excellents essais à Almeria avec des chronos intéressants et je me suis senti très bien avec la machine : j'ai compris pourquoi l'an dernier, beaucoup de pilotes étaient rapides avec une Yam ! C'est une super machine qui bénéficie d'un équilibre châssis / moteur vraiment bien accordé. Qui plus est, les suspensions fonctionnent très bien et grâce à tout le travail réalisé sur le moteur, on sort environ 190 ch au vilebrequin. Dans ces conditions, l'objectif, c'est le titre !

M.-N.C. : Une fois le titre en poche, comment vois-tu la suite ?
S. D. : En fin de saison, j'aimerais de nouveau rouler en WSBK à Magny-Cours (en tant que pilote invité), et pourquoi pas participer à quelques courses d'Endurance. Dans les années à venir, mon but serait de détecter et accompagner un jeune pilote français grâce à l'expérience et aux acquis du team et l'aider à gravir les échelons jusqu'en mondial. Cela m'intéresserait beaucoup de créer une sorte de "filière" qui aiderait les jeunes pilotes talentueux à percer au niveau mondial. Aujourd'hui, les coûts que l'on demande à un pilote sont trop élevés pour être supportés par un jeune qui débute, sans expérience et sans moyens : c'est à ce niveau que j'aimerais m'investir dans l'avenir.

Lucide et déterminé, Stéphane Duterne possède de sérieux atouts pour briller dans un championnat de France Superbike au niveau toujours plus relevé : premier verdict dimanche 30 mars... sur Moto-Net.Com, bien entendu !