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LE PETIT PRINCE
Paris, le 14 juin 2023

Pierre-Yves Bian au TT 2023 : adoubé par Peter Hickman !

Pierre-Yves Bian au TT 2023 : adoubé par Peter Hickman !

On ne monte pas sur le podium du Tourist Trophy par chance ou hasard... OK, d’excellents pilotes ont abandonné la seconde course Supertwin du TT 2023, mais la deuxième place de Pierre-Yves Bian est amplement méritée car soigneusement calculée. Le poulain de Peter Hickman monte en régime et bientôt, en cylindrée. Interview.

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Salut Pierre-Yves, félicitations pour ta deuxième place en Supertwin 2 ! Tu deviens bien le premier français à monter sur un podium au Tourist Trophy, depuis sa création en 1907 ?
Pierre-Yves Bian :
Oui je te confirme, je suis bien le premier français. Je suis aussi le premier européen (continental, NDLR) depuis 1986.

MNC : La STW2 était ta dernière chance... Et tu en as un peu de chance, avec les abandons de Michael Dunlop et Mike Browne. Tu sais quels soucis ils ont eu sur leur moto, une Paton comme toi ?
P-Y. B. :
Dunlop a fait un sur-régime et ses soupapes ont lâchées. Browne a explosé l’embrayage.

MNC : Ils y sont allé trop fort ? Quand tu roules sur ta Supertwin, est-ce que tu gardes une petite marge de sécurité, sur le plan mécanique ?
P-Y. B. :
Justement, comme les machines de Supertwin sont beaucoup moins fiables que les Supersport et Superbike, je me suis contenté de faire un seul tour en qualif avec mon moteur (un Twin Kawasaki de 650 cc qui crache environ 100 chevaux, NDLR). Mes adversaires eux, ont enquillé des bornes. On a préféré assuré car depuis cette année, il y a deux courses dans chaque catégorie. J’ai fait ce que j’ai pu en première manche... Et juste avant la seconde manche, j’ai quand même participé au Warm-Up et mon chrono était était déjà 15 secondes plus vite que mon meilleur tour en course STW1. Je savais en plus que des motos auraient forcément des ennuis. Donc j’ai attaqué dès le premier tour et comme par hasard, certaines motos ont pété. Pour préserver mon moteur en STW2, j’ai tiré un tout petit peu plus long, ce qui explique ma vitesse de pointe en retrait. J’ai joué la sécurité.

Pierre-Yves Bian au TT 2023 : adoubé par Peter Hickman !

MNC : Tu devais quand même te méfier de Josh Brookes, l’australien double champion de BSB !
P-Y. B. :
T’inquiète pas que dans le dernier tour, j’ai oublié les sur-régimes (rires).

MNC : Tu connais les gars de l’usine Paton, ils vendent beaucoup de S1-R chaque année ?
P-Y. B. :
Ils n’en vendent pas beaucoup et c’est volontaire, comme pour les belles montres par exemple. Tu peux en commander une demain si tu veux, en t’adressant aux bonnes personnes, mais il y aura de l’attente.

MNC : Hickman a gagné sur une Yamaha R7 qu’il découvrait tout juste. Ça te donne envie de l’essayer ?
P-Y. B. :
Peter m’a proposé de l’essayer, pour monter un projet. Mais j’ai vécu tellement de choses formidables avec Paton (victoire au ManxGP en 2019, podium au TT cette année, NDLR), je ne lâche pas les gens comme ça. On a beau te proposer un peu mieux ailleurs, il ne faut jamais oublier ceux qui t’ont aidé. Je suis ouvert, on peut discuter, mais à l’heure actuelle il est clair et net que je veux poursuivre avec Paton.

Pierre-Yves Bian au TT 2023 : adoubé par Peter Hickman !

MNC : Avec la Triumph 765, tu fais 18ème en première manche... et en souffrant. Pourtant à la fin de la 1ère journée d’essai, tu nous disais que ton pied allait bien.
P-Y. B. :
Oui, le pied... mais c’est vite monté au genou. Je n’avais plus aucune force dans la jambe gauche. À la presse, je n’arrivais pas à pousser 50 kg. Rouler aux essais, sur un tour, ça allait. Mais avec les courses de 3, 4 tours je n’avais plus de bras...

MNC : ... car tu devais compenser, à ce point-là ?!
P-Y. B. :
Pour tout te dire, après un demi-tour sur la Triumph, j’ai pensé abandonner. Je n’arrivais plus à la tenir, je ne passais plus les cassures rapides à fond, je n’accélérais plus à toc... J’ai hésité pendant 5 minutes. Et puis je me suis ravisé en pensant au team, aux partenaires. Il a fallu que j’accepte de rouler beaucoup moins vite, pour finir la course. Je l’ai terminé, j’ai vomi, je suis resté allongé une demi-heure et compagnie... Mais je suis fier, je me suis donné à 120 %. Et puis un Top 20 n’est pas si dégueu que ça.

MNC : Tu allais mieux physiquement en fin de semaine ?
P-Y. B. :
J’ai eu la chance de bénéficier de deux jours de coupure. J’ai bien profité de la clinique mobile du circuit, j’ai passé 2-3 heures avec eux, ils m’ont vraiment beaucoup aidé. Sur la Supertwin, beaucoup plus légère et moins rapide, tu as moins besoin de forcer, donc la deuxième course s’est bien passée. Pour la SSP2, ça s’annonçait franchement super bien, j’étais relâché, mais je n’ai pas eu de bol...

MNC : Tu as abandonné la Supersport 2 sur quel type de problème de freins ?
P-Y. B. :
Je suis passé beaucoup plus vite dans la descente après Ago’s Leap, ce qui a écarté les pistons dans les étriers. Donc je me suis retrouvé sans aucun frein sur les deux virages suivants.

Pierre-Yves Bian au TT 2023 : adoubé par Peter Hickman !

MNC : Ce n’est pas revenu en pompant ?
P-Y. B. :
Justement non, au troisième virage le levier était encore tout-mou-tout-mou. Un piston ne s’est pas remis correctement, mais Peter m’a dit après que les freins reviennent au bout du trois-quatrième virage, c’est normal ("What The Flûte, NDLR!). Put***, sauf que moi je ne savais pas ! Quand tu te retrouves sans frein au TT, je peux t’assurer que ton coeur bat à 220. Quand j’ai pris le levier et qu’il s’est plaqué au guidon, je ne faisais pas le malin. J’ai pompé, pompé, tout en utilisant le frein moteur, c’est revenu mais elle me l’a refait au deuxième freinage... Peter m’a confirmé que c’était presque normal, les pilotes qui vont très vite à cet endroit là mettent du temps à retrouver les freins...

MNC : Après chaque coup de guidon, tu dois pomper par sécurité !
P-Y. B. :
Exactement. Sauf que je ne le savais pas. J’étais très, très déçu par mes deux courses Supersport alors que j’étais 16ème chrono des qualifs au général, j’avais fait 18’ 36 départ arrêté en doublant 6-8 mecs dans la montagne... En faisant un tour clair, je pouvais espérer les 18’ 15, 18’ 20, un truc bien !

MNC : Sur le papier, cela t’aurait permis d’accrocher le Top 10 ?
P-Y. B. :
Top 12 disons. Alors que je continue d’apprendre.

MNC : Au final, tu es heureux, frustré, soulagé, triste que le Tourist Trophy soit fini ?
P-Y. B. :
Non je repars plus qu’heureux (rires) ! Avec la course Supertwin, je n’ai jamais autant vibré sur un dernier tour de course. J’avais trois panneaux sur le parcours et quand j’ai vu "P2", c’était génial. Surtout qu’on s’est tiré une belle bourre avec Josh Brookes : il m’a doublé au tout premier virage mais je l’ai redoublé au troisième un peu méchamment (rires). Je me suis dit : "un mec comme ça avec son expérience, faut lui montrer que t’es là !" J’étais un peu chaud mais je voulais le contrôler, il n’était pas très content... Il est repassé, j’ai riposté et après j’ai été intelligent : il m’a eu dans une cassure rapide à l’aspiration et je lui ai dit "OK vas-y, je me fatiguerai moins". Il s’est éloigné petit à petit et quand j’ai vu qu’il n’était qu’à 4 secondes à l’attaque de la montagne, j’ai su que ça devenait chaud car je savais qu’il y était un peu plus vite. Sur les deux derniers secteurs, j’ai vraiment attaqué comme j’aime, je me suis fait plaisir en passant des cassures à fond pour la première fois. Je termine avec deux secondes d’avance, trop, trop bien ! Après la course il est venu me dire "les français ont la tête dure !" et m’a fait un gros "check". C’est franchement un bon gars.

Pierre-Yves Bian au TT 2023 : adoubé par Peter Hickman !

MNC : Le retour dans le parc fermé, c’était mémorable.
P-Y. B. :
Ah oui, je pensais pas être autant apprécié par les gens. Ça fait chaud au coeur.

MNC : Tout le monde a une pensée pour Raul Torras Martinez bien sûr... Et une anecdote sympa peut-être ?
P-Y. B. :
En fait, je connais très, très bien son frère Angel qui a donné le départ de la STW2. Mais Raul, quasiment pas. C’était un pilote très réservé, timide même, qui ne parlait pas beaucoup. Pas à moi en tout cas. On se saluait, mais je n’ai pas eu de grande discussion ou de grosses rigolades comme avec son frangin. J’ai séjourné chez une espagnole à Douglas, une des meilleures amies d’Angel. J’étais là quand il a débarqué suite à l’accident : je lui ai fait un gros câlin, je lui ai dit que j’étais désolé. Il m’a répondu que son frère était mort en faisant ce qu’il aimait le plus. Et il a enchaîné direct en me disant qu’il espérait mourir au pieu avec une gonzesse, sans aucun regret. Tu vois le genre ! Reste que ça nous a tous touchés, peut-être un peu plus les non-britanniques car nous ne sommes pas nombreux et qu’on se connaît tous. Mais on sait ce qu’on risque, c’est la dure loi de cette course.

MNC : Sans transition, que penses-tu du nouveau format avec plus de courses, le Senior TT le samedi, etc ?
P-Y. B. :
J’ai adoré ce format. Après on a eu beaucoup de chance cette année, on n’a pas eu un jour de pluie, on a roulé tous les jours. Et j’aime quand il y a beaucoup de courses. Heureusement qu’il y a eu cette deuxième course Supertwin d’ailleurs (rires). Blague à part, c’est intéressant aussi car il faut s’économiser...

MNC : Gérer son effort, prendre soin de la mécanique comme tu l’as dit.
P-Y. B. :
Oui, surtout en Supertwin. Les Supersport et Superbike tiennent le coup, il n’y a vraiment pas beaucoup de casse. En SSP1 où je fais 18ème, il n’y a eu aucun abandon devant, pas de problème technique, ni de chute...

Pierre-Yves Bian au TT 2023 : adoubé par Peter Hickman !

MNC : Quel sera ton meilleur souvenir du TT 2023 ?
P-Y. B. :
Mon dernier tour en Supertwin, car je pense que rouler en 18’ 51 avec une moto de 100 ch, ce n’est pas arrivé à grand monde. Ça permet de signer le doublé pour le team PHR derrière Peter, le podium étant complété par Josh, son coéquipier en 1000cc chez FHO Racing. Et puis il y aura aussi le deuxième tour la STW1, lorsque Peter m’a doublé à Ballaugh Bridge : nos deux motos sont en l’air, on a la photo, elle est magique (cf. notre image d’ouverture, NDLR). Tout de suite après, il a tapé sur l’arrière de sa selle pour que je le suive. J’ai beaucoup appris derrière lui, enfin sur les 2-3 kilomètres où j’ai réussi le suivre car après, il s’est barré (rires).

MNC : Repars-tu de l’Ile de Man avec un petit/gros regret ? En Supersport ?
P-Y. B. :
Oui un peu, même si je suis en phase d’apprentissage. Gregg Black qui était sur place

(et que MNC a croisé et vainement tenté de suivre fin avril à Magny-Cours sur le lancement du Pirelli Diablo Supercorsa V4, NDLR) m’a secoué après la 1ère course SSP parce que j’étais super déçu. Il m’a dit : "t’avais trois options : continuer à essayer de rouler fort et te faire mal, ou abandonner comme un lâche, ou t’adapter et finir la course. T’as bien de faire choisir la troisième". Peter aussi m’a rassuré, il était content que je termine dans le Top 20 malgré tout. Il m’a confirmé que j’avais du potentiel et qu’il ne m’avait pas pris pour rien.

MNC : C’est rassurant, encourageant même !
P-Y. B. :
Ah ouais ! Donc finalement, je n’ai aucun regret car j’ai fait une semaine de qualif vraiment bonne, en course j’ai roulé 30 secondes plus vite que l’an dernier en Supertwin. Je réduis vraiment l’écart : Michael Dunlop a tourné en 18’ 34 sur sa Paton, j’ai tourné en 18’ 51 sur la mienne. Donc 17 secondes de plus sur un tour de près de 19 minute, c’est honnête.

MNC : Tu seras au TT en 2024...
P-Y. B. :
Oui c’est clair, et dans de nouvelles catégorie (rires).

Pierre-Yves Bian au TT 2023 : adoubé par Peter Hickman !

MNC : Ah dis-nous, sur quelle moto ?
P-Y. B. :
Tu te doutes du modèle... On laisse passer quelques jours là, de toute façon Peter est déjà reparti à Knockhill pour le BSB. On se retrouve dans deux semaines à Imatra en Finlande, pour sa première en IRRC. Et cet été je commencerai les premiers essais sur BMW pour préparer Macao.

MNC : Avec ton statut de pilote professionnel, tu ne retombes pas dans le train-train... moto-moto quotidien ?
P-Y. B. :
Mon calendrier est vraiment chargé cet été, avec des tests, de l’entraînement, quelques courses, un peu de tout ! Je suis vraiment heureux. Ça génère du stress c’est sûr : avant chaque départ du TT j’avais la boule au ventre. Mais j’en rêvais il y a à peine dix ans.

MNC : Merci Pierre-Yves, je te laisse tranquille, ça fait déjà...18’ 50 qu’on discute, un tour de l’Ile de Man ! Rentre bien, prudence sur la route...
P-Y. B. :
(rires) C’est cool, merci à toi !

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