Honda a immatriculé 38 988 motocycles (-9,3%) en France en 2024. Pour Moto-Net.Com, le directeur général de la marque japonaise analyse le marché 2024, évalue l'effet Euro5+, dresse les tops et flops de sa gamme, fixe les premiers rendez-vous 2025... Interview MNC de Frédéric Puybareaud.
Moto-Net.Com : En 2024, les ventes en France de 125cc ont baissé de (-8,4 % à fin nov), les 3-roues ont reculé de (-5,6%) et les gros cubes se sont maintenus (+0,4%). Comment analysez-vous ces tendances ?
Frédéric Puybareaud, directeur Honda Moto France: S'il y a un recul général du marché, nous sommes parvenus à sortir de l’année 2024 avec un bilan positif. Mais l’analyse en détail du marché nous invite cependant à rester prudent et à bien analyser les nuances.
D’abord, la baisse des immatriculations pour certaines marques majeures nous a permis de récupérer de la volumétrie. Ensuite, il y a une baisse sur les segments Touring, moto 125cc et scooters. Or si le reste est positif, les immatriculations sur l’ensemble du marché ont été dopées entre novembre et décembre par la nouvelle réglementation Euro5+ et la norme OBD-II. Il y a eu sur le marché des immatriculations de masse, qui ont eu pour effet de masquer l’impact réel de l’arrivée de cette norme.
Du côté de Honda, nous avons progressé avec un plan produit qui a mis l’accent sur les mises à jour de modèles importants et leur disponibilité en concession. Sur ce point, il a fallu trouver un équilibre en fin d’année entre l’arrivée de la nouvelle réglementation et les nouveautés 2025.
MNC : Quelles corrections doivent être appliquées en raison du passage en 2025 à la norme Euro5+ ?
F. P. : Pour moi, le marché aurait dû infléchir sur 2024, et c’est, je pense, ce qu’il se passera en 2025, de l’ordre de -6% donc aux alentours des 190 000 unités. Honda France a su contrôler la situation des stocks pour éviter de se retrouver coincé par cette nouvelle réglementation et avoir une surabondance des immatriculations et des stocks en 2024. Il s’agissait donc de les minimiser et de bien gérer les disponibilités, ce qui devrait permettre de remonter les volumes en 2025.
D'un point de vue technique, Euro5+ est surtout une mise à niveau de la norme Euro 5, avec un nouveau système de diagnostic embarqué (OBD-II). Il doit permettre une analyse plus poussée des émissions polluantes, quelle qu’en soit la nature. Dans l’ensemble, nos modèles répondent aux normes en vigueur et cela n'a pas posé de problème majeur pour nous adapter à cette évolution.
On constate que la demande pour les véhicules thermiques se maintient mieux que ce qu’on espérait, il y a encore un an ou deux, avec la mise en place des nouvelles réglementations, notamment pour les villes. Les volumes se maintiennent à des niveaux acceptables sur le marché et l’on remarque que l’effet de mode des véhicules électriques en France est en train de faiblir.
Pour autant, les véhicules électriques ne vont pas disparaître, car cela reste une technologie qui permet de répondre aux besoins de décarbonation. Pour Honda, ce ne sera pas la seule solution, d’ailleurs, nous avons des produits qui sont tout à fait acceptables en termes de production de CO2 sans pour autant être "zéro émission". La moto dans son ensemble, par sa production et sa faible consommation de carburant, n’est pas le moyen de mobilité à pointer du doigt sur le marché. C’est même une belle alternative avec un moteur thermique.
De son côté, le véhicule électrique permettra de réduire la carbonation, mais ce sera un peu décalé dans le temps par rapport à nos prévisions, puisqu’actuellement le marché se contracte. Tous les constructeurs ne sont pas encore prêts à proposer des batteries accessibles à tous. La technologie coûte encore cher à cause des investissements importants en recherche et développement, il est donc difficile de proposer des produits accessibles pour des clients qui, de leur côté, ne sont pas encore prêts à franchir le pas complètement. Quoi qu’il arrive, nous travaillons sur différentes solutions, car Honda tient à garder en ligne de mire son objectif de "Zéro" carbone d’ici à 2040. Atteindre cet objectif sera possible à travers des solutions à multivoies.
MNC : Quel est le bilan de votre année 2024 en France ?
F. P. : C’est un bilan contrasté. D’un côté, nous sommes satisfaits de garder le leadership sur le marché du deux-roues. Mais il faut bien comprendre que la situation est différente d’avec celle de 2023 et 2024. Après l’euphorie post-pandémie, on est revenu à une situation normale, avec un retour à la saisonnalité qui se confirme. Et l’on se retrouve avec une offre tarifaire plus dynamique qu’espéré, face à laquelle il a fallu s’adapter. De manière générale, Honda a su réagir à ces politiques tarifaires et ainsi résister à la poussée de fin d’année des immatriculations, en raison de la nouvelle réglementation, tout en gérant notre avance. Maintenant, il s’agira de garder le cap sur 2025.
MNC : Dans votre gamme, quels modèles ont bien "roulé" en 2024 ?
F. P. : Nous avons fait une très belle année, avec environ 8000 unités d’avance sur nos premiers concurrents. Nous sommes leaders sur certains segments comme le scooter 125 et c’est une vraie satisfaction pour la marque. Nous avons malgré tout perdu un peu de grip du côté des roadsters, avec des indisponibilités durant l’année. Mais 2024 était une année de transition pour nous et nous travaillons sur 2025 pour reconquérir des parts de marché, avec notamment une grosse nouveauté incarnée par la Hornet 1000.
S’il faut designer les bons élèves, on peut parler du X-Adv 750, du Forza 125 et du PCX 125. Du côté des motos, la petite CB125R a été une bonne élève derrière les routières NT1100 et Gold Wing, avec des beaux scores de ventes pour ces deux motos amirales de la marque. La mythique Africa Twin a aussi vécu une belle année, avec l’arrivée des suspensions électroniques Showa EERA, et pour sa version Adventure Sport de la roue avant de 19 pouces.
MNC : Quels autres modèles étaient en sous-régime, et pourquoi ?
F. P. : Cela concerne les MTT1, principalement à cause de l’annonce des nouveautés en 2025 et donc du besoin que nous avions de gérer les stocks, sans renouvellement prévu. Nous avons de ce fait relâché un peu la bride, mais cela n’a pas empêché Honda de rester leader pour les scooters et les motos 125cc.
Ailleurs, nous avons de gros efforts à faire sur les roadsters et des trails, afin de reconquérir une partie de nos utilisateurs face à une concurrence qui a su proposer des produits novateurs et importants, surtout sur les deux plus gros segments du secteur. Mais dans l’ensemble, le bilan est positif, surtout quand on sait que certains facteurs extérieurs n’ont pas aidé le réseau et l’économie, que ce soit les Jeux Olympiques, qui a été un événement incroyable, mais pas sans contraintes, ou la météo très pluvieuse toute l’année.
Mais étonnamment, malgré ces obstacles, nos clients étaient au rendez-vous et nous avons su garder notre ligne de conduite durant toute l’année en restant compétitif sur un marché plus compliqué.
MNC : Quelles sont vos bonnes résolutions pour 2025 ?
F. P. : Honda a une grosse actualité produit encore cette année. Nous avons une dizaine de nouveautés et d’évolutions pour 2025. Il y aura les incontournables comme la Hornet 1000 qui sera le fer de lance. La gamme 750, scooters (X-Adv et Forza) et motos (Hornet et Transalp), reçoit une belle mise à jour au niveau du style qui devrait plaire. Il y a de nouveaux écrans TFT qui arrivent sur différents modèles, notamment sur les 125cc comme le PCX.
On se lance aussi sur de nouveaux segments, avec particulièrement la belle néo-rétro GB350S, qui arrive à un prix très compétitif de 4599 euros. On aura aussi le scooter électrique CUV e :, un équivalent 125cc avec des batteries amovibles, qui va renforcer notre offre "zéro émission". Nous avons déjà eu un aperçu plus large de ce que Honda prépare pour l'avenir de côté-là, avec l’EV Fun Concept et le Urban Concept qui ont été dévoilés au salon de Milan à l’EICMA. Ces véhicules qui vont compléter la gamme électrique pour nos clients à moyen et long terme. Honda cherche à être un leader naturel de la mobilité au sens large, y compris électrique. La décarbonation fait partie de la stratégie du futur, avec des produits de qualité qui répondront aux besoins du marché et des clients. Or Honda prépare cette transition sans pour autant abandonner le moteur thermique, avec notamment un moteur V3 aperçu aussi à Milan, qui viendra compléter la gamme. Sur le moyen et long terme, Honda élargit son scope de produits, tout en restant un leader dynamique de la mobilité à deux roues.
En 2025, on espère donc être plus ambitieux et dynamique qu’en 2024 ! Des ambitions qui vont trouver un écho en compétition, puisque Honda France engage une équipe en World Supersport, et ce n’est pas rien ! On cherche à élargir notre spectre et ainsi élargir notre communication. Le "Racing" fait également partie de l’ADN Honda et nous tenons à faire vivre notre marque au travers du sel de la course.
MNC : MNC : Quels sont vos grands rendez-vous au 1er semestre ?
F. P. : Ce sont d'abord les grands rendez-vous sportifs, avec l’Enduropale du Touquet ou encore notre présence dans le FIM World Superbike, au sein de la catégorie SSP. Mais aussi l’EWC avec le team F.C.C. TSR et le team National Motos, ou encore la nouvelle édition des 7h60, notre petite endurance en CB125R.
Au niveau des événements, ce sera le salon de Lyon qui donne le coup d’envoi de la belle saison et vous pourrez y découvrir pour la toute première fois le gilet airbag Honda, développé en collaboration avec In&Motion. Et tout au long de l'année, nous avons le Honda Dreams Tour, qui se déplace au plus près des clients et qui permet d'essayer une grande partie de la gamme et des nouveautés.
Il y a aussi 50e anniversaire de la Gold Wing, l’arrivée en concession de la Hornet 1000 et un peu plus tard, en juillet, le scooter électrique CUV e: pour la deuxième partie de saison. Une année qui s’annonce riche à tous les niveaux, et c’est ce qui fait la force de Honda !
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