Dans sa rubrique Des mot(o)s et débats, MNC décortique un thème lié à la pratique du deux-roues et confronte ses idées avec celles d'acteurs du monde de la moto. Deuxième sujet traité : la problématique de l'assurance des activités sur circuit...
MNC s'est aussi longuement entretenu avec le directeur juridique de la FFM pour connaître les détails et les conséquences (actuelles et à venir) de la problématique de l'assurance sur circuits.
Alex Boisgrollier, directeur juridique de la Fédération française de motocyclisme
"Avant toute chose, il est important de revenir sur le principe de l'assurance en lui-même. Beaucoup de personnes, pratiquants ou clubs, ne sont pas toujours au fait de l'intérêt et des limites des contrats d'assurance. Dans le cadre d'une licence FFM (voir encadré ci-dessous), vous avez deux grandes types de garantie : la responsabilité civile (RC), couvrant les dégâts causés à autrui, et l'individuelle accident (IA), qui prend en charge les dommages corporels subis par son souscripteur. Cette assurance comprend notamment l'indemnisation d'une invalidité consécutive à ce type de sinistre, mais aussi l'indemnisation de la famille de la victime d'un accident ayant entraîné son décès.
Pratiquer le circuit : les options proposées par la FFM |
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L'assurance la plus importante, celle qui est fondamentale et obligatoire dans le cadre de la pratique de la moto sur circuit, est l'assurance en responsabilité civile, qui est chargée de couvrir les dégâts causés par son souscripteur à autrui. Elle est obligatoire dans notre discipline à double titre. D'une part, car le code des assurances l'impose pour tout véhicule terrestre à moteur. De l'autre - et c'est une obligation bien souvent oubliée -, car toutes les associations, sociétés et fédérations sont tenues d'assurer leurs pratiquants en responsabilité civile dans le cadre d'activité sportive, conformément à l'article L. 321-1 du code du sport. Cette obligation concerne toutes les disciplines sportives (foot, tennis, judo ou moto), qu'il s'agisse d'une pratique compétitive (course moto, par exemple) ou non (entraînement ou journée de roulage).
Le défaut à cette obligation d'assurance de la part d'un organisateur est puni pénalement. Or, et c'est là où le bât blesse, cette responsabilité civile contractée par l'organisateur peut désormais être engagée lors d'un sinistre, quand bien même celui-ci n'a aucune responsabilité dans ce sinistre. Exemple : un participant à un roulage sur circuit percute, suite à une erreur de pilotage, une autre personne et la blesse. Si ce participant possède une licence (lire encadré ci-contre), pas de soucis puisqu'elle inclut une responsabilité civile. En revanche, si le responsable du sinistre n'est pas licencié, comment va-t-il s'y prendre ?
"Faire jouer la responsabilité civile de l'organisateur"
En toute logique, la personne incriminée va contacter son propre assureur pour lui faire part du sinistre, afin de faire jouer les garanties du contrat souscrit pour son véhicule. Mais dans ce cas, son assureur va lui appliquer un malus, une franchise et ce sinistre lui coûtera du temps et, surtout, de l'argent. Dans ce cas de figure, l'assureur peut désormais suggérer de faire jouer la responsabilité civile de l'organisateur de l'événement. Ainsi, pas de soucis administratifs, pas d'augmentation de la prime d'assurance, de franchise ni de malus !
Si cette situation est aujourd'hui rendue possible, c'est en raison de la remise en cause de la théorie de l'acceptation du risque par la Cour de cassation (encadré en page 3). C'est ce revirement de jurisprudence qui est à l'origine des menaces pesant aujourd'hui sur notre sport : les juges ont changé le droit pour appliquer une politique sociale. L'objectif, compréhensible et défendable, est que quelqu'un ayant subi un sinistre soit pris en charge correctement. Mais on cherche en contrepartie à tout prix un responsable pour indemniser : c'est ce que certains appellent le diktat de l'indemnisation, et cela entraîne des graves dérives.
Nous avons même dû faire face à un cas où un pratiquant a attaqué un de nos clubs pour "défaut de contrôle" après s'être gravement blessé lors d'un roulage motocross sur lequel il s'est sciemment rendu de façon frauduleuse sans avoir souscrit de licence. Et aussi surprenant que cela puisse paraître, la Cour de cassation a engagé la responsabilité du club à hauteur de 50% pour "fautes de négligence et d'imprudence" !
Voila pourquoi la Fédération française de motocyclisme recommande à ses clubs d'imposer obligatoirement la licence pour la pratique du sport moto, seul moyen de répondre totalement aux obligations de la loi et de la jurisprudence. C'est aussi pour cette raison que nous avons récemment exigé de nos licenciés qu'ils ne participent pas à des roulages auxquels des non licenciés seraient présents : afin d'éviter l'envolée des prix due à certains abus...
Jusqu'à présent, l'assurance de la licence couvrait en effet le pratiquant quel que soit le type de roulage, même durant un événement non fédéral, à partir du moment où l'événement se tenait sur un circuit homologué. Mais depuis l'affaire Guittet, le coût de l'assurance a tellement augmenté que nous ne pouvons plus nous permettre de prendre à notre charge des incidents qui se produisent en dehors du cadre de la fédération. Donc depuis 2014, lorsqu'un licencié participe à un événement qui n'est pas organisé par la FFM, la couverture en responsabilité civile comprise dans sa licence ne fonctionne plus. Il conserve néanmoins son individuelle accident. Rappelons que, dans ce cas, c’est l’organisateur (et non la FFM) qui a l’obligation de souscrire cette garantie en responsabilité civile.
En revanche, les sociétés commerciales qui jouent le jeu de la fédération bénéficient encore de l'ancien système, à partir du moment où elles ne font rouler que des licenciés FFM. Car nous considérons que cette société - qui peut être un circuit, un organisateur privé ou encore un moto-club non affilié à la fédération - développe le sport moto".
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