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DES MOT(O)S ET DÉBATS MNC
Paris, le 18 septembre 2014

L'assurance sur circuit : le sport moto sur une mauvaise piste ?

L'assurance sur circuit : le sport moto sur une mauvaise piste ?

Dans sa rubrique Des mot(o)s et débats, MNC décortique un thème lié à la pratique du deux-roues et confronte ses idées avec celles d'acteurs du monde de la moto. Deuxième sujet traité : la problématique de l'assurance des activités sur circuit...

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La responsabilité civile sur circuit

Jusqu'à présent, la responsabilité civile ne pouvait être engagée sur circuit qu'en cas de faute caractérisée, qu'il s'agisse d'une séance d'entraînement sur un terrain de motocross, d'un roulage libre sur une piste de vitesse ou d'une compétition de side-cars organisée par un club.

Théorie de l'acceptation du risque :
origines et remises en cause...

L'affaire remonte à juillet 1991, lors d'une séance d'entraînement sur le circuit du Mans (72). Un pilote tombe en panne et se fait aider par un autre participant, M. X. Arrive à ce moment M. Y., qui ne peut éviter l'accrochage et percute M. X. Celui-ci est immédiatement emmené à l'hôpital avec une grave blessure à la jambe. Estimant avoir été victime d'une erreur médicale qui aurait abouti à son amputation, M.X. attaque l'hôpital pour recevoir un indemnisation. Il obtient gain de cause, mais juge celle-ci insuffisante : M.X. assigne alors en indemnisation M. Y. en se basant dans un premier temps sur la loi Badinter du 5 juillet 1985, relative à l'indemnisation des victimes d'accidents de la circulation sur la route.

La Cour d'appel de Paris déboute le plaignant au motif que l'incident s'est déroulé sur un circuit fermé, "entre concurrents à l'entraînement lors d'une séance dédiée à l'activité sportive". Bref, pas question d'appliquer sur un circuit des règlements prévus par le Code la route. Logique. Autre point sur lequel s'appuie la Cour de cassation : la théorie de l'acception des risques, une jurisprudence voulant que chaque participant à une activité sportive soit conscient des risques pris lors de cette activité. Cette notion veut que, sauf en cas de faute caractérisée, un participant à une activité sportive ne puisse voir sa propre responsabilité civile engagée. S'ensuit alors une longue bataille juridique qui aboutit fin 2010 à une remise en cause de cette théorie d'acceptation des risques lors d'un second passage devant la Cour de cassation.

"La notion d'acceptation des risques de l'activité sportive est inopposable au sportif victime d'un dommage causé par une chose dont un autre sportif a la garde". La chose en question désignant ici une moto. Suite à ce revirement de jurisprudence, M.X. obtient gain de cause : la responsabilité civile de M.Y. est engagée, créant un précédent sur lequel se reposent désormais tous les conseillers et avocats de victimes de dommages lors d'une pratique sportive (la moto mais aussi le squash ou le foot).

Cette affaire, nommée "jurisprudence Guittet" (du nom du plaignant) par les juristes et les familiers du dossier, doit passer l'année prochaine une nouvelle fois devant la Cour de cassation. Plusieurs fédérations sportives (moto, auto, golf, rugby ou encore char à voile), réunies en front commun sur ce dossier épineux, espèrent que cette nouvelle comparution aboutira à un retour de l'application de la théorie de l'acceptation des risques...

Concrètement, votre RC n'était pas automatiquement engagée en cas d'accrochage sur piste - sauf bien entendu en cas de contact volontaire. Même chose pour les organisateurs d'événements, tenus légalement d'assurer la manifestation et ses participants en responsabilité civile (encadré ci-dessus).

A moins de prouver leur défaillance (circuit non conforme, par exemple), il était jusqu'à présent impossible d'engager leur responsabilité en cas de sinistre. Là encore, rien d'illogique : un club ou une société privée organisant un roulage n'y est pour rien si un pilote tombe par manque de concentration ou à cause d'un excès de confiance.

De fait, même s'il n'est jamais agréable d'y penser, la chute et la blessure font partie intégrante de la pratique du circuit, en vitesse comme en tout-terrain, quel que soit le niveau du pratiquant. Il s'agit d'un risque pris en toute connaissance de cause dans le cadre d'une activité sportive. En droit, cette notion de risque assumé se nomme "théorie de l'acceptation des risques" (lire encadré ci-contre).

Jusqu'ici appliquée partout dans le monde, cette jurisprudence valable dans tous les sports (foot, tennis, rugby, sports mécaniques, etc.) implique que les participants soient pleinement conscients de ses risques inhérents et, surtout, qu'ils les acceptent. Par exemple, un boxer - même amateur - accepte l'idée d'avoir un jour le nez fracturé par un direct parfaitement correct sur le plan sportif.

Mais depuis le dernier épisode de "l'affaire Guittet" (encadré ci-contre), cette acceptation des risques est juridiquement remise en cause. En clair, en se basant sur ce revirement de jurisprudence, un sinistré peut désormais engager - et gagner - une procédure même en l'absence de faute.

A la base, cette initiative visant à éviter qu'un sinistré se retrouve démuni est louable... sauf qu'elle entraîne une recherche de responsabilité sans précédent. Car pour indemniser une personne, encore faut-il pouvoir désigner un responsable. Et si possible un responsable solvable, tant les sommes peuvent rapidement crever le plafond de la plupart des contrats d'assurance...

"En cas de tétraplégie, un pilote peut toucher 4 à 5 millions d'euros d'indemnisation, une somme qui a doublé en 20 ans", nous révèle Alex Boisgrollier. Conséquence : les assureurs ont revu leurs tarifs à la hausse, annonçant dans la foulée des augmentations annuelles allant de 25 à 100% ! Et ces hausses touchent aussi bien les couvertures contractées par les pratiquants que celles des organisateurs.

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