La situation de KTM, placé en restructuration judiciaire, ne semble pas s'arranger en cette fin d'année 2024 à la grande inquiétude de ses clients, fournisseurs, salariés et pilotes. Sa maison-mère, Pierer Mobility, charge un spécialiste financier d'une mission vitale : trouver des investisseurs !
"Pierer Mobility AG nomme Citigroup Global Markets Europe AG pour réorganiser sa structure actionnariale", dévoile le groupe autrichien dans un communiqué envoyé le 17 décembre 2024, un mois après avoir révélé les difficultés financières de sa marque principale KTM. Rappelons que Pierer Mobility englobe KTM, GasGas, Husqvarna et MV Agusta.
Pour mémoire, KTM est placé sous le régime d'une restructuration judiciaire en raison de "besoins de financement qui sont actuellement de plusieurs centaines de millions d'euros", estiment ses dirigeants. Cette procédure, à ne pas confondre avec un redressement judiciaire, court pendant 90 jours. En clair : KTM a jusqu'à fin février 2025 pour présenter des garanties économiques satisfaisantes à ses créanciers.
La nomination de Citigroup Global Markets Europe AG - spécialiste des redressements restructurations et gestions de crise - révèle que le groupe Pierer étudie toutes les alternatives pour renflouer KTM au plus vite. Et pour cause : les comptes seraient brutalement passés du Orange au rouge avec un déséquilibre budgétaire qui se chiffrerait en milliards d'euros !
La solution la plus évidente, dès le départ évoquée par KTM, est de faire entrer des investisseurs au capital dans le but d'échanger des actions contre des liquidités ou des annulations de créances. Mais le temps presse : la côte de KTM ne cesse de dégringoler sur les marchés financiers, suite à l'accumulation de signaux négatifs.
"Pierer Mobility AG est actuellement en pourparlers avec des investisseurs stratégiques et financiers potentiels. Il s'agit à la fois de partenaires existants et de nouveaux investisseurs stratégiques et financiers", précise le document émis par le groupe autrichien. Notez l'emploi des termes "existants" et "nouveaux"...
Cette différenciation indique que KTM est à la fois en discussion avec ses partenaires CF Moto et Bajaj Auto, mais également avec d'autres structures possiblement intéressées pour entrer au capital. Rappelons que le constructeur chinois CF Moto fabrique les plateformes 790 et 890 de KTM, alors que l'indien Bajaj construit toutes ses Duke de 125 à 390 cc.
Problème : ni CF Moto ni Bajaj ne seraient particulièrement emballés par une prise de capital supplémentaire, voire par le rachat pur et simple de KTM. Ce qui, à ce stade, semble l'issue la plus probable au regard du montant estimé des dettes autrichiennes. Reste donc la piste de nouveaux investisseurs… mais encore faut-il les trouver, puis les convaincre : c'est la mission de Citigroup Global Markets Europe AG !
Ces tractations se négocient sur fond de mauvaises nouvelles en provenance du siège à Mattighofen (Autriche). Les syndicats de l'entreprise témoignent notamment de difficultés à percevoir des salaires, alors qu'une cinquantaine de licenciements supplémentaires sont évoqués. Sans surprise, treizième mois et autres primes de fin d'année sont gelés.
Au total, la masse salariale - 3620 employés, toutes filiales confondues - aurait fondu de quelque 800 postes depuis les premiers signaux d'alertes lancés fin 2023. Des retards sont également mentionnés auprès des fournisseurs, dont certains craignent d'être aspirés par la chute de KTM. Notamment les fabricants des roues, carénages, pièces et composants électriques des milliers de motos invendues qui plombent le bilan de KTM.
Par ailleurs, MV Agusta ne serait plus considéré comme "un actif stratégique" : KTM envisagerait de s'en séparer pour récupérer de la trésorerie, solution mentionnée par MNC dès les premières annonces préoccupantes. En cas de crise, dernier racheté : premier revendu.
"J'attends de KTM des réponses claires sur la manière dont on a pu passer si rapidement d'une situation bénéficiaire et de bonnes perspectives, à une procédure de redressement", tonne le ministre autrichien de l'économie, Martin Kocher, au micro du média public ORF.
Le ministre n'est pas le seul à exprimer son indignation : "de nombreux employés de KTM, mais aussi des personnes qui vivent à Mattighofen et dans les environs, pour qui cette entreprise est si importante, ne comprennent absolument pas ce qui s'est passé", témoigne le directeur du Service public pour l'emploi autrichien (AMS).
"Les employés paient le prix de décisions de gestion manifestement erronées", s'insurgent de leur côté les principaux représentants syndicaux. "Il sera certainement nécessaire d’examiner comment une situation aussi dramatique a pu se produire, et qui en est responsable".
Outre qu'elles témoignent du même sentiment de surprise, ces déclarations partagent la volonté d'exiger "des comptes" aux dirigeants de KTM. A commencer par le fondateur et PDG de KTM, Stefan Pierer, qui garde le silence depuis l'annonce de la restructuration via son allocution vidéo du 26 novembre 2024.
Parmi les salariés KTM inquiets de la tournure des évènements, citons aussi Pedro Acosta. Le jeune prodige de 20 ans redoute d'inévitables coupes sur les quatre prototypes de Grands Prix : deux officielles et deux Tech3. Or, la RC16 doit évoluer significativement au regard de ses performances 2024 (0 victoire et 1 pole)...
Le manager du n°37, Albert Valera, se dit lui-aussi pris de court par l'annonce de ces difficultés : "Personne ne nous a prévenus de cette possibilité lorsque nous avons signé le contrat en mai : on nous a vendu que KTM était un géant avec une énorme puissance financière. Pour nous, cela a été une surprise absolue".
Valera l'avoue sans détour : les promesses de KTM seront dorénavant prises avec des pincettes. Dans l'attente d'un investisseur et/ou repreneur, cette posture de défiance risque hélas de se propager... Et ce, malgré la communication résolument optimiste du blason d'outre-Rhin (ci-dessous).
KTM, Ready to fight ! |
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