Le team Luc1 Motosport a retenu l'attention de Moto-Net.Com lors du show mécanique du GP de France 2019. Aussi brillante en compétition Supermotard que sur les réseaux sociaux, l'équipe vient d'embaucher un talentueux stunter, Arttu Stenberg. Interview du patron, Ludovic Lucquin.
Double champion de France Motocross 500 et champion Supercross 250 à la fin des années 80 - en pleine période Bayle, désormais coach de Johann Zarco ! -, Ludovic Lucquin s'est ensuite essayé au Supermotard pour le plaisir. Or c'est dans cette discipline peu médiatisée qu'il a connu le plus de succès, en tant que patron du Team Luc1 Motosport (27 titres inter/nationaux !).
Malheureusement pour ses pilotes et sa structure, la compétition ne rapporte pas : pour (sur)vivre, les sponsors sont indispensables ! Afin de les attirer et les récompenser, l'équipe basée à Troyes suit des pistes parallèles aux circuits : en ce moment, ce sont les réseaux sociaux qui marchent le mieux...
Et c'est justement pour doper les nombres d'abonnés, de vues et de "J'aime-beaucoup-beaucoup" que le team a recruté un nouveau talent. Non, ce n'est pas un quatrième pilote de Supermotard. Et ce n'est pas à proprement parler un stunter non plus ! Présentations de Ludovic, de son team, de leurs activités et d'Attur Stenberg dans cette nouvelle interview MNC.
Moto-Net.Com : Première question toute simple, comment ça va ?
Ludovic Lucquin : Bah nickel, ça va bien.
MNC : Le team revient du GP de France. Comment s'est passé le show mécanique ?
L. L. : Ca a été compliqué, dans le sens où des gouttes d'eau ont commencé à tomber au moment où nous sommes rentrés sur la piste... On a donc vraiment abrégé la partie Supermotard pour vite laisser la place à Artuu Stenberg. Sachant que derrière, il y avait aussi le show Freestyle... Avec leurs pneus cross et la rampe en ferraille, ils craignent aussi la pluie. Donc on n'a pas eu le temps de présenter tout ce qu'on voulait, mais le principal a été assuré : participer et montrer notre nouveau freestyler. Arttu était frustré naturellement, mais ça reste une bonne opération pour le team. Lundi on a fait un saut à Nantes pour un petit événement.
MNC : Revenons au début. Sur le site du team, on apprend que tu as 31 années d’expérience dans le milieu de la compétition sportive. Tu as notamment été double champion de France MX500 et champion SX250. Tu as essayé d'autres disciplines ?
L. L. : Je me suis mis au Supermotard en fait. C'était pour m'amuser, pour le fun. Ce qui m'a beaucoup plu, c'était la découverte. C'est comme dans toutes les disciplines, au début tu tâtonnes, puis tu découvres des petites choses qui te font énormément progresser. Après, si ma carrière de cross était derrière moi, mon expérience m'a quand même servi. Mais j'ai adoré réapprendre à rouler.
MNC : Tu as toujours roulé Honda ?
L. L. : Beaucoup oui, presque toute ma carrière. J'ai débuté sur KTM en championnat de France Junior, la même année que Jean-Michel Bayle. Il avait fait 3ème et moi 2ème. On s'est croisé plusieurs fois dans la loge Honda ce week-end au Grand Prix, on a discuté, c'était sympa.
MNC : Comme toi, le team Luc1 Motorsport n'a pas débuté sur Honda...
L. L. : La première année, en 2007 donc, on était sur Sherco. Je voulais mettre en avant le savoir-faire français !
MNC : L'année suivante, vous passez sur Honda et les premiers titres tombent...
L. L. : Tout doucement, oui. J'essayais de profiter de mon expérience personnelle en tant que pilote.
MNC : Tu es titulaire du brevet d’Etat éducateur sportif. Tu as encadré des stages plus orientés "loisir" ? Tu as songé créer une école de pilotage ?
L. L. : Ce qui me plaît c'est le perfectionnement, la performance de haut niveau. Et je n'aurais pas le temps d'organiser des stages plus "grand public" disons. J'aime coacher les pilotes, il y a une dimension mentale qui est capitale. J'ai beaucoup discuté de cette part psychologique dans le sport avec Dani Pedrosa notamment, qui est venu plusieurs fois chez nous. Il y a des choses que tu dois avoir vécu toi même pour bien comprendre. Tu sais que le pilote a parfois besoin d'un certain discours qui ne reflète pas forcément la réalité mais en même temps, il faut savoir installer une relation de confiance... L'entourage doit savoir absorber une partie de la pression, aider le pilote à aborder et dépasser les moments de doute, ce qui arrive à tout le monde, faut pas rêver.
MNC : Pourquoi Luc1 Motosport est engagé en Supermotard plutôt qu'en Motocross ?
L. L. : Le Supermotard est vraiment une discipline qui me plaît. Et faut avouer que l'ambiance est plus sympa qu'en Motocross ! Aujourd'hui on est bien impliqué dans le championnat de France qui est le meilleur championnat de la planète. Ce n'est pas comme en Supercross où tu dois aller aux États-Unis pour t'exprimer. On a été champion Supermoto aux USA, en Espagne, en Suisse, mais on a un peu fait le tour...
MNC : La référence est le championnat français ?
L. L. : Bah c'est à dire que Thomas Chareyre roule en championnat de France, or il est six fois champion du monde (sourire). Donc oui, ça nous donne une bonne référence ! Et puis c'est une discipline que tous les mecs de vitesse pratiquent.
MNC : Les titres de champions de France et du monde permettent-ils aux pilotes et à la structure de vivre correctement ?
L. L. : Non...
MNC : Qui est Owatrol, votre sponsor titre ?
L. L. : C'est un fabriquant de peintures, de traitements... Ils commercialisent la marque Rustol par exemple, très connue des anciens car ils mélangeaient ça aux peintures en tant qu'antirouille. En fait chez Luc1 Motosport, on a toujours eu la volonté de nous associer avec des produits vraiment performants. Ca m'a d'ailleurs compliqué la tâche et mis des bâtons dans les roues parce que j'ai toujours sélectionné de bons produits et de belles marques. L'idée, c'est que les gens qui utilisent les produits qu'on promotionne soient toujours satisfaits, et qu'ils sachent que ce qu'on utilise ou ce qu'on met en avant, c'est toujours "top".
MNC : Pourquoi vous soutient-il ?
L. L. : J'ai connu Owatrol via un ami qui les connaissait. En fait, son oncle possédait un magasin de motos et il me parlait toujours de ses produits parce qu'ils étaient fabuleux. Je les ai sollicités, on s'est rencontré et ça a "matché". C'est une entreprise très familiale comme nous, qui vise toujours le maximum, comme nous.
MNC : Votre activité "événementiel", c'est indispensable ?
L. L. : On ne fait pas beaucoup d'événements en fait, quelques opérations avec Honda ou avec Claude Michy (organisateur du GP de France notamment, NDLR). On cherche à développer ça avec Arttu justement.
MNC : C'est un bon moyen de dégager des recettes, ce que ne permet pas la compétition ?
L. L. : Notre plus grande source de revenus, c'est la visibilité que l'on offre aux sponsors. Mais tu as raison, mis à part le MotoGP ou le World Superbike dans une moindre mesure, la compétition moto ne profite pas d'une grosse couverture médiatique. Même le championnat du monde Motocross reste assez confidentiel. C'est pour ça qu'on s'est tourné vers les vidéos diffusées sur les réseaux sociaux. Si tu regardes dans la rue, tout le monde a les yeux rivés sur son smartphone. C'est presque plus intéressant que de passer à la télévision, surtout que pour regarder le MotoGP il faut un abonnement spécial. YouTube, Instagram ou Twitter, c'est en libre service et on en profite.
MNC : Votre chaîne YouTube est très suivie, en France bien sûr, mais quasiment autant au Brésil et en Indonésie. Pour quelle(s) raison(s) ?
L. L. : On a fait une démonstration en Indonésie il y a deux ans. On était invité par l'organisateur d'une compétition de Supermotard sur le circuit de Sentul, où les GP se disputaient il y a quelques années (1996 et 1997, NDLR). Là-bas les gens nous suivent sur les réseaux et ils veulent nous voir. On risque d'ailleurs d'y retourner pour des représentations et d'autres Grand Prix. On sera peut-être à Sepang. La Malaisie, l'Indonésie... Ce sont des pays qui nous intéressent beaucoup car ce sont d'énormes marchés en termes de ventes de motos, environ 30 fois ce qu'on vend en Europe. Ca attire aussi les marques avec lesquelles on travaille.
MNC : Vous irez avec votre nouvelle recrue, Arttu Stenberg ?
L. L. : Oui, ce ne sera d'ailleurs qu'avec lui. Au Grand Prix de France on a fait rouler nos trois pilotes mais c'était exceptionnel.
MNC : Arttu a le même statut que vos pilotes de Supermotard ?
L. L. : Non, il ne vient que pour les shows. Il reste en Finlande où il travaille encore.
MNC : Quelle est sa profession ?
L. L. : Il est chauffeur routier (comme Michael van der Mark à ses débuts, NDLR !).
MNC : Tu l'as comparé à un félin. Il retombe vraiment toujours sur ses pattes ?
L. L. : Franchement oui. Vraiment très souvent. Même quand ça se passe mal, il saute de la moto et arrive à se débrouiller pour ne pas tomber. C'est ce que je lui ai dit lundi : "en France, on pourrait te comparer à un chat car tu retombes toujours sur tes pattes !" En plus il est très fin, très longiligne et gracieux. Il a un ressenti hyper fin aussi. J'en parlais aussi à Jean-Michel Bayle ce week-end, je lui ai montré des vidéos d'entraînement et il a halluciné. Il pense même qu'on devrait le mettre à la compétition. Sauf qu'on n'a pas grand intérêt, et puis ce n'est pas sa passion.
MNC : Il pourrait participer à des compétitions de stunt, non ?
L. L. : Oui, mais ce qu'il fait n'est pas vraiment du stunt. Les figures qu'il réalise sont un peu à part. Arttu est un peu à part d'ailleurs. Il a une telle maîtrise de la moto, un peu comme JMB qui a travaillé de la même manière, à faire des roues arrière sans moteur, à ne faire plus qu'un avec la moto. À mons avis, c'est aussi ce dont est capable Marquez aujourd'hui. On en parlait aussi ce week-end : quand tu vois Marc rouler en Motocross, tu vois qu'il y a passé des heures parce qu'il a des attitudes de mec de cross. Tu sais j'ai l'oeil, je vois tout de suite en fonction de la position si le mec vient de la vitesse, avec le cul en arrière. Marquez lui, a franchi un cap en Motocross. Finalement, il puise dans toutes les disciplines : un coup de Cross, de Dirt-track, de Supermotard, un peu de tout, et c'est ce qui le rend très, très fort.
MNC : Qu'est-ce qui t'impressionne le plus : les cabrioles de Stenberg ou les rattrapages de Marquez ?
L. L. : La vitesse de Marquez en MotoGP m'impressionne vraiment beaucoup. Mais comparer les deux n'est pas évident. Arttu a 21 ans, mais il a commencé à 3 ans. On voit bien qu'il a 18 ans de moto dans les pattes. Quand on regarde nos vidéos où il fait des demi-tours, saute sur la roue avant ou la roue arrière, on s'aperçoit qu'il est en avance sur beaucoup de monde dans son domaine. Un peu comme Marquez finalement. Ils ont tous les deux un feeling de fou, et ont beaucoup travaillé aussi. Ce qui les différencie, c'est leur caractère. Marquez a toujours la banane, alors que Stenberg est finlandais...
MNC : Les Finlandais sont généralement moins expressifs que les espagnols !
L. L. : Oui, après Arttu se régale dans ce qu'il fait. Mais Marquez est un excellent communiquant, c'est une très belle image pour la moto parce qu'on sent sa joie de vivre, il répond à tout le monde... On a fait des vidéos avec Dani Pedrosa, Sébastien Loeb, Karel Abraham. Ce serait top de faire une vidéo avec lui !
MNC : Tu n'as pas pu négocier ça au GP de France ?
L. L. : Non, je suis passé dans le box mais les pilotes sont à fond dans leur course, je sais très bien comment c'est. Donc je n'allais pas l'ennuyer.
MNC : Il faut l'inviter sur votre sortie enduro, l'hiver prochain !
L. L. : Oui, oui, pourquoi pas (sourire).
MNC : Dans la vidéo de l'entraînement 2019, on voit qu'Arttu a dû s'équiper plus sérieusement qu'avant. Ça ne lui déplaît pas trop ?
L. L. : Très franchement, je n'aime pas le côté basket, jean, chemise des stunters. Je trouve que ça ne donne pas une bonne image de la moto. C'était une des conditions que j'avais imposées.
MNC : C'était non négociable ?
L. L. : Bah, il a mis deux jours pour mettre la combinaison. Mais une fois essayée, il ne l'a plus quittée. J'étais prêt à faire une petite concession sur les bottes, je lui permettais de garder ses petites chaussures Alpinestars. Mais là aussi, il s'est vite habitué. C'est une bonne chose, y compris pour les pilotes. Déjà là, ils peuvent s'entraîner tous ensemble en Supermotard, ils voient quelqu'un habillé comme eux, qui est dans le même esprit. Beaucoup de pratiquants Supermotard regardent ses vidéos, c'est top.
MNC : Moto-Net.Com et ses lecteurs aussi regardent vos vidéos. Et on vous félicite pour leur grande qualité !
L. L. : Merci ! Lundi encore à Nantes, on a participé à une journée de roulage avec environ 80 personnes. Au briefing le matin, ils étaient nombreux à venir nous voir pour nous dire qu'ils s'étaient mis au Supermot' parce qu'ils avaient vu nos vidéos. Je trouvait ça vraiment cool de leur avoir donné envie de découvrir cette discipline. C'est dommage qu'elle ne soit pas plus reconnue, ni promue. En France il n'y a plus de promoteur et la Fédération fait ce qu'elle peut. Le championnat du monde cette année ne compte qu'une seule épreuve. Il faudrait un bon promoteur. Comme c'est le cas en Grand Prix avec la Dorna, qui a un beau championnat Moto3, Moto2 et MotoGP. Bien mieux qu'il y a dix ou quinze ans, grâce à un gros travail sur les règlements, les motos, etc. Aujourd'hui, c'est le plus beau sport mécanique, bien mieux que la Formule 1 par exemple. Même si Marquez domine, il y a toujours de la bagarre, le niveau des machines est homogène, y compris entre "usine" et satellite.
MNC : En parlant de MotoGP, le petit doigt de Moto-Net.Com croit savoir que ton type d'expertise est très recherchée, notamment dans les pays d'Asie du Sud-Est dont on parlait tout à l'heure...
L. L. : Oui tout à fait, ils m'ont déjà contacté (sourire)...
MNC : Tu as des projets précis ?
L. L. : Pour le moment je n'ai rien lancé. J'écoute et je reçois. Je ne veux pas faire n'importe quoi, je n'ai pas envie de me cramer non plus. Mais je suis effectivement en contact avec plein de monde, je suis super pote avec Lucio (Cecchinelo, NDLR), il aimerait qu'on fasse des choses ensemble.
MNC : On reste donc connecté, comme on dit ! Merci pour ton temps.
L. L. : (Rires) Oui ça marche. Pas de problème. Ciao !
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