Les restrictions d'accès se durcissent en 2025 dans les Zones à faibles émissions, surtout dans les agglomérations de Paris et Lyon, tandis que de nouveaux radars ZFE apparaissent. Moto-Net.Com décortique les motivations et contraintes de cette usine à gaz réglementaire. Dossier MNC.
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Apparues en 2017 à Paris, les Zones à faibles émissions (ZFE) - aussi appelées Zones à faibles émissions mobilités (ZFE-m) - gagnent du terrain malgré leur impopularité. En cette fin décembre 2024, douze agglomérations s'en servent pour bloquer leur accès aux véhicules jugés trop polluants en fonction de leur classement Crit'Air.
Un procédé pour le moins discriminatoire, dans la mesure où il favorise les propriétaires de véhicules récents et sanctionne les autres. Sans compter que déplacements et stationnements sont bien mieux optimisés à motos et en scooters qu'au volant d'un SUV de 1,5 T : raison pour laquelle la Fédération française des motards en colère (FFMC) milite activement pour que les deux-roues échappent aux ZFE.
2025 marque une nouvelle étape puisque Paris et Lyon vont durcir l'accès à leurs ZFE : seuls les véhicules Crit'Air 2 seront autorisés à partir du 1er janvier prochain. Et pas question de frauder puisque l'État va déployer son "joujou" préféré : un radar capable de reconnaître le classement Crit'Air ! D'autres villes vont par ailleurs rejoindre le mouvement, comme Bordeaux.
Moto-Net.Com fait le point sur ces Zones à faibles émissions, leur évolution et leurs contraintes sous la forme de questions-réponses…
Les Zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m) sont des périmètres d'agglomérations où l'accès des véhicules thermiques est conditionné à leur période de fabrication. La circulation des véhicules jugés polluants - car trop "vieux" - y est interdite du lundi au vendredi, de 8h00 à 20h00, sauf jours fériés et exceptions propres à chaque collectivité.
Ces ZFE s'étendent des centre-villes aux banlieues proches, en passant par les axes qui les desservent. A Reims (51), par exemple, la voie express qui contourne la Cité des Sacres - entre Tinqueux et Cormontreuil - est comprise dans sa ZFE. A Paris, la ZFE est délimitée par l'A86. Une extension souvent ignorée, en toute bonne foi, au risque d'être verbalisable…
Bon à savoir : la mise en place de ZFE est imposée à toutes les métropoles sujettes à des problématiques de qualité de l'air via la Loi d'orientation des mobilités 2019 (LOM). En clair : elles sont contraintes de mettre en place une Zone à faibles émissions, que cela leur plaise ou non. Cela ne relève pas d'un "caprice écolo", comme certains le suggèrent parfois. À tort !
Ce dispositif vise à abaisser les émissions polluantes dans les villes et leurs agglomérations "pour améliorer la qualité de l’air", peut-on lire sur Service-public.fr. Pour y parvenir, ces zones se ferment aux modèles vétustes et ne s'ouvrent qu'aux plus récents. En voilà une bonne nouvelle pour les ventes de véhicules neufs !
"La ZFE vise ainsi à accélérer le renouvellement du parc roulant, avec des étapes progressives", explique le site officiel de la Métropole du Grand Paris. A terme, l'idée est d'accepter uniquement les motorisations électriques ou jugées "propres" (hydrogène, par exemple). Paris envisage cette bascule à l'horizon 2030...
"Déjà adoptée par 315 villes ou métropoles européennes, la ZFE est reconnue comme particulièrement efficace pour réduire les émissions de polluants provenant du trafic routier", assure le Grand Paris."Leur mise en place est discriminatoire plutôt qu’une incitation à réduire l’empreinte carbone", rétorque la FFMC !
La agglomérations actuellement soumises au régime des Zones à faible émissions comprend, au 19 décembre 2024, douze métropoles référencées ci-dessous par le site gouvernemental Service-public.fr :
A partir du 1er janvier 2025, cette liste va s'étendre à toutes les agglomérations de plus de 150 000 habitants où la qualité de l'air n'est pas conforme aux préconisations de l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Soit la bagatelle de 42 "agglos" selon le ministère de la transition écologique. La Corse, en raison de sa faible densité de population, n'est pas concernée par exemple. Quelle beauté, cette île !
Cette liste a été mise à jour en mars 2024 lors du troisième comité ministériel pour la qualité de l'air. Sur les 42 examinées, 40 sont placées en "Territoires de vigilance" : leurs niveaux de pollution sont en dessous des seuils de l'OMS, ce qui allège leurs obligations en matière de ZFE. Grâce à des relevés favorables, Marseille, Rouen et Strasbourg accèdent notamment à cette formule "Light" : les interdiction d'accès dans leurs ZFE deviennent moins restrictives à partir de 2025.
En revanche, Paris et Lyon restent considérées comme "Territoires ZFE effectifs" en raison de leur "dépassement régulier des seuils limites". Ce qui signifie que les agglomérations parisienne (77 communes) et lyonnaise (58 communes) sont tenues de renforcer leurs restrictions de circulation dans leurs ZFE conformément au calendrier officiel ci-dessous…
L'accès aux Zones à faibles émissions est assujetti à la vignette Crit'Air, ce petit macaron à 3,77 euros qui doit être installé de façon visible sur tous les véhicules. Sur le pare-brise des voitures, camions et autres camionnettes, sur les fourreaux de fourche ou le tablier pour les motos et scooters. Certains le collent sous la selle… à la libre appréciation des forces de l'ordre !
Cette vignette Crit'Air, entérinée par l'arrêté du 21 juin 2016, classe les véhicules selon leur âge et leur normalisation européenne. Mise en place en 1988, celle-ci prend la forme de la mention "Euro" suivie d'un chiffre. Plus ce chiffre est bas, plus votre véhicule est considéré polluant : Euro1 désigne les voitures produites jusqu'en 1996, époque où les catalyseurs commencent à se généraliser.
Cette vignette Crit'Air ne sert pas qu'à réguler l'accès aux Zones à faibles émissions : les autorités peuvent aussi s'appuyer dessus pour temporairement limiter ou alterner la circulation en cas de pics de pollution. Mieux vaut avoir sa vignette Crit'Air, même si ses trajets du quotidien n'incluent pas de ZFE !
Au 19 décembre 2024, la circulation dans toutes les Zones à faibles émissions de France est autorisée avec des véhicules classés à partir de Crit'Air 3 (vignette orange). Les motos et scooters acceptés sont ceux produits du 1er juillet 2004 au 31 décembre 2006 (normes Euro2). Soit des machines avec deux décennies au compteur.
A noter que les restrictions de circulation se sont mises en place progressivement : les véhicules Crit'Air 5 se sont vus interdire l'accès aux ZFE au 1er janvier 2023, puis les véhicules Crit'Air 4 au 1er janvier 2024. Prochaine échéance fixée par la loi "Climat et résilience 2021" : le 1er janvier 2025...
Au 1er janvier 2025, l'accès aux Zones à faibles émissions des "Territoires ZFE effectifs" est interdit aux véhicules Crit'Air 3. Pour rappel, seules les agglomérations de Paris et Lyon sont classées "Territoires ZFE effectifs" en raison de leur pollution élevée, donc elles seules sont contraintes de suivre ce calendrier. Là encore, ce ne sont pas les mairies de Paris et de Lyon qui font du zèle mais bien le cadre légal qui s'applique.
Autrement dit, au 1er janvier 2025, la vignette Crit'Air 2 (jaune) est obligatoire pour circuler et stationner dans les agglomérations de Paris et de Lyon ! Soit les motos et scooters Euro3 immatriculés à partir du 1er janvier 2007. Votre deux-roues date de décembre 2006 ? C'est cuit ! Concernant les voitures, Crit'Air 2 correspond aux moteurs diesels à partir de 2011 (Euro5 et Euro6) et aux blocs essence à partir de 2006 (Euro4).
Quant aux 40 agglomérations répertoriées "Territoire de vigilance", deux cas de figures au 1er janvier : celles qui n'ont pas encore créé de ZFE - soit 30 agglos - sont tenues de le faire puis d'y interdire la circulation des véhicules dits "Non classés" par Crit'Air. Soit les motos immatriculées avant le 31 mai 2000 et les voitures produites avant le 31 décembre 1996.
C'est le cas notamment de la métropole de Bordeaux, qui va inaugurer sa ZFE-m au 1er janvier 2025. Réaction immédiate de l'antenne locale de la Fédération des motards en colère : un recours contentieux au Tribunal administratif ! La raison ? L'inclusion des motos et scooters dans la ZFE girondine alors que des études - et le bon sens - indiquent "qu'une plus grande proportion de 2/3 RM favoriserait l’amélioration de la qualité de l’air en zone urbaine et avec 50% de moins de CO2 par rapport à une voiture".
Quant aux dix agglomérations restantes parmi les "Territoires de vigilance" qui ont déjà mis en place leurs ZFE, pas de changement en 2025 : "elles ont toutes au moins mis en place ou prévu les restrictions minimales prévues par la loi et n’ont plus d'obligation de renforcer leurs restrictions actuelles", explique le ministère de la Transition énergétique.
Cela n'empêche pas certaines agglomérations de faire du zèle, à l'image de Grenoble Alpes Métropole qui projette d'appliquer l'interdiction des véhicules Crit'Air 3 dans ses treize communes au 1er janvier 2025, alors que rien ne l'y oblige réglementairement parlant !
D'après Service-public, circuler sans respecter les restrictions imposées dans les zones à faibles émissions "ou lors de l’instauration de la circulation différenciée pendant les pics de pollution" expose à une contravention de 3ème classe pour les véhicules légers. Soit une amende de 68 euros.
Le PV passe en 4ème classe pour les poids-lourds, avec 135 euros d'amende à la clé. Ces sanctions sont en toute logique applicables aux véhicules "non équipés d'un certificat qualité de l'air" (vignette Crit'Air, NDLR). Ceux qui font l'impasse sur leur vignette s'exposent à la prune, quand bien même leur moto ou voiture est parfaitement conforme !
Précision utile : ces règles valent aussi pour les stationnements. Eh oui ! Le texte prévoit de sanctionner "le fait de stationner en zone à faibles émissions mobilité (lorsqu'elle est active) sans certificat qualité de l’air avec un véhicule qui y est éligible". Le tout conformément aux articles R. 318-2 et R. 411-19-1 du code la route.
Pour autant, les contrôles liés à ce certificat Crit'Air ne sont pas légion en bord de route et en centre-ville. Y compris en région parisienne où nous circulons à moto et en voiture ! Mais cette situation risque de sensiblement se durcir dans un avenir proche avec les radars ZFE…
L'État, conscient du manque à gagner, prévoit de déployer dès 2025 des dispositifs capables d'identifier le classement Crit'Air des véhicules en circulation dans les ZFE. Comment ? Fastoche : ce système autonome, sous forme de boîtier, va scanner les plaques d'immatriculations puis les comparer au fichier général Crit'Air. On arrête pas le progrès !
Dans un premier temps, ce nouveau type de radars sera "pédagogique" : comprenez que la détection d'un véhicule non autorisé n'entraînera pas de verbalisation. Un message va s'afficher sur un panneau pour annoncer l'infraction, sur le modèle des avertissements de vitesse à l'entrée de certaines agglomérations ou de non-respect des distances sur certaines autoroutes.
Mais cette pédagogie cesserait dès 2027 : les radars ZFE seront vraisemblablement raccordés à l'Agence nationale de traitement automatisé des infractions (ANTAI) pour déclencher une verbalisation dématérialisée de l'infraction. Et le petit doigt de MNC lui souffle que le montant de l'amende sera discrètement revu à la hausse d'ici là !
La Fédération française des motards en colère remarque par ailleurs que cette échéance 2027 intervient, comme par hasard, "après l’élection présidentielle et avant que l’Union européenne ne diminue de moitié les seuils de pollution autorisés en ville à partir de 2030". La FFMC n'est pas dupe : "le déploiement initial de radars pédagogiques reflète une intention de préparer progressivement les usagers aux futures restrictions,tout en accordant un temps supplémentaire pour adapter les infrastructures et les comportements".
Petite observation en passant : selon le mode opératoire de ces "radars ZFE", les motos et les scooters pourraient passer à travers les mailles du filet. Pourquoi ? Car la reconnaissance automatique des plaques d'immatriculations s'effectue généralement par l'avant des véhicules !
Toutes les associations d'usagers sont montées au créneau pour dénoncer le caractère inique et discriminant des nouvelles interdictions de circulations prévues au 1er janvier dans toutes les ZFE de France, en particulier au sein des ZFE "effectives" de Paris et Lyon.
La proportion de véhicules concernés est énorme : entre 500 000 et 1 million de Crit'Air 3 circuleraient actuellement dans les Zones à faibles émissions ! A partir du 1er janvier, ce parc roulant n'est plus autorisé dans les ZFE de Paris et Lyon : ils font comment les gens qui travaillent en centre-ville ou à proximité sans avoir les moyens de racheter un véhicule neuf ?!
Résultat, l'État et les agglomérations concernées ont rapidement pondu une série de dérogations. C'est très français, ça, comme façon de faire : on interdit, puis on se rend compte des conséquences, alors on déroge ! Le plus simple ne serait-il pas de réfléchir collectivement puis de légiférer avec bon sens par le biais d'un seul cadre réglementaire ? Plutôt que de voter des dizaines d'obligations, restrictions et exemptions qui créent la confusion ?!
Toujours est-il que plusieurs catégories d'usagers sont éligibles à une dérogation ZFE, notamment les propriétaires de moto ou voiture de collection de plus de 30 ans. Les personnes handicapées titulaires de la carte de stationnement pour mobilité inclusion stationnement (CMI-S) peuvent aussi circuler dans les ZFE "quelle que soit la classe Crit’Air du véhicule utilisé".
Idem pour les véhicules de transport en commun qui "assurent un service de transport public régulier", les véhicules du ministère de la défense, les véhicules particuliers affectés aux associations agréées de sécurité civile et, pour faire court, tous les véhicules considérés d'intérêt général (police, gendarmerie, ambulance, douanes, etc.).
Ces exemptions nationales sont par ailleurs complétées par des dérogations locales, propres à chaque collectivité. Vous avez dit "Usine à gaz" ?! Exemple avec le "Pass ZFE" lancé par la Métropole du Grand Paris : cette dérogation autorise à circuler ponctuellement (24 jours par an) dans la Zone à faible émission parisienne. Initialement, Paris prévoyait 12 jours de dérogation avant de "généreusement" doubler ce contingent. Deux jours par mois : c'est trop, merci !
Le Grand Lyon accorde de son côté 52 jours de dérogation avec son Pass "Petit Rouleur". Cette dérogation s'adresse principalement aux résidents dans la Zone à faible émission, qui se servent de leur véhicule Crit'Air 3 pour y entrer et en sortir. L'agglomération de Rouen met aussi en place un système de dérogations. Bref, chacun fait un peu à sa sauce !
Autre exemple de cette réglementation à multiples vitesses : les restrictions de la ZFE de l'agglomération de Reims ne s'appliquent qu'aux voitures, camions, bus et utilitaires légers. Elles ne concernent pas les "deux roues, tricycles et quadricycles à moteur, les motocycles et les cyclomoteurs ainsi que les tracteurs agricoles", révèle le site du Grand Reims.
En clair : circuler dans la ZFE rémoise avec une moto Crit'Air 1 ou 2 est parfaitement légal ! Une ville "Tarmo", Reims ?! Non, pas plus qu'ailleurs... En réalité, chaque municipalité est libre d'inclure ou d'exclure certaines catégories de véhicules de sa ZFE, notamment les deux-roues motorisés. D'où les recours déposés par la FFMC à l'encontre des ZFE interdites aux motos.
Autant de cas particuliers impossibles à lister ici de façon exhaustive, d'autant qu'ils évoluent au fil de l'eau. L'interprétation des textes de loi et leur mise en application diffèrent parfois... Chacun doit donc se renseigner sur les contraintes ZFE de sa propre ville et les éventuelles dérogations accordées. Bon courage !
Dernier "détail" : ce qui est valable à Lyon ne l'est pas forcément à Paris, et encore moins à Marseille, Brest ou Toulouse. En clair : traverser la France devient un véritable casse-tête puisque votre véhicule autorisé dans telle ZFE peut être interdit dans la suivante ! Ce ne sont plus des Zones à faibles émissions, mais des Zones à forts embêtements… pour rester polis !
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