Marc Marquez, l'homme à battre et Jorge Lorenzo, l'homme à abattre ? Les deux pilotes officiels Honda ont marqué le GP de Catalogne 2019, le premier en remportant sa quatrième victoire de la saison et le deuxième pour avoir envoyé au tapis Dovizioso, Rossi et Viñales dès le deuxième tour... Réactions et analyse.
Jorge Lorenzo se souviendra longtemps de son premier GP de Catalogne aux couleurs Honda-Repsol, terminé à plat ventre à cause d'un freinage trop optimiste... Problème : sa perte de l'avant est également à l'origine de la chute éliminatoire des deux pilotes officiels Yamaha Maverick Viñales et Valentino Rossi et de l'officiel Ducati Andrea Dovizioso, premier poursuivant du leader au provisoire Marc Marquez !
A cause de ce premier résultat blanc, Dovizioso voit son écart passer de 12 à 37 points sur l'officiel Honda, qui a profité de cette improbable mise au tapis de quatre de ses rivaux pour décrocher "tranquillement" sa 48ème victoire en MotoGP (74 en tout) devant le brillantissime Fabio Quartararo.
Concrètement, que s'est-il passé au deuxième tour dans ce fameux virage 10 ? Dovizioso, parti en pneus tendres à l'avant et à l'arrière, était pris en chasse par Marquez, Viñales, Lorenzo et Rossi après avoir rapidement pris les commandes malgré son départ depuis la cinquième place sur la grille.
"Après un bon départ, j’ai pris la tête et j’étais dans une position stratégique pour réaliser la course que nous avions prévue", explique le n°4. "Le pneu arrière n’était pas encore parfaitement chauffé, donc je ne poussais pas encore le rythme mais nous étions des prétendants pour la victoire".
Marc Marquez détecte cette relative prudence de "Dovi" et constate un léger écart dans la piégeuse épingle à gauche : le tenant du titre plonge illico à l'intérieur et s'empare des commandes. Sa stratégie est claire : tirer profit du grip de son pneu tendre arrière (hard à l'avant) pour s'échapper dès les premiers tours.
Le n°93 ne le sait pas encore, mais ce dépassement opportuniste sera la clé de sa quatrième victoire en sept courses !
Son coéquipier Jorge Lorenzo, survolté, tente de l'imiter et retarde son freinage pour taxer Viñales. Mais le n°99 en demande trop à son train avant qui se dérobe et... vient accrocher l'infortuné Dovizioso !
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"Il n'y a pas beaucoup d'options quand on freine un peu trop tard comme je l'ai fait", avoue piteusement Lorenzo. "C'est ma faute, c'est mon erreur et je m'en excuse. C'est vraiment fâcheux de sortir Dovi, Maverick et Valentino. Ce n'était absolument pas de leur faute, même si c'est très difficile de ne pas faire d'erreur dans ce type de virage", plaide-t-il en rappelant qu'il a "toujours trouvé ce virage dangereux".
Maverick Viñales, resté sur l'extérieur, n'a pas le temps de réagir que déjà la Honda couchée au sol le fauche ! Puis c'est au tour de Valentino Rossi d'être percuté par la RC213V : le Docteur ne peut rien faire non plus, encore debout sur les freins suite à son dépassement aux forceps sur Danilo Petrucci !
"Malheureusement j'ai dépassé Petrucci précisément dans ce virage et j’allais un peu vite", raconte l'italien qui enregistre son deuxième résultat blanc consécutif après son désastreux GP d'Italie. "Au même moment s'est produit le crash devant moi : je n'ai pas pu éviter la moto de Jorge et je suis tombé".
"C’est vraiment dommage car je me sentais fort : nous avons bien travaillé pendant les séances d’essais (5ème en qualifs, NDLR) et fait un bon choix de pneus (tendre et dur comme Quartararo, NDLR). Je me sentais vraiment à l’aise sur la moto et cet après-midi mon rythme était encore meilleur", regrette la star transalpine, cinquième au provisoire avec désormais 68 points de retard.
A la régulière, ses espoirs de coiffer sa dixième couronne mondiale à 40 ans semblent s'être envolés aussi sûrement que sa M1 hier à Montmelo... Rattraper un tel retard paraît inconcevable, surtout face à un Marquez au top et sur une Yamaha avec laquelle le n°46 ne s'est plus imposé depuis presque deux ans (GP des Pays-Bas 2017).
Pourtant, Rossi ne jette pas la pierre à son ancien coéquipier : "Que dire ? Ce n'est pas la première fois que ça arrive et sans doute pas la dernière", philosophe l'italien en soulignant que "Jorge traverse une période difficile : les choses ne se passent comme il le voudrait, alors aujourd'hui il était devant et il a essayé".
La compréhension du génie des Alpages s'explique en partie par le fait que sa carrière compte également quelques "accrochages", comme celui avec Stoner au GP d'Espagne 2011 qui lui avait valu la mémorable pique de ce dernier : "ton ambition a dépassé ton talent"... A cette époque, Rossi galérait sur la Ducati et s'était précipité pour jouer un coup sur piste humide : un déroulement qui renvoie à la bourde de Lorenzo.
"L'erreur, d'un point de vue du pilotage, n'est pas si grosse car il s'agit d'un virage difficile, serré, et négocié en première après une longue ligne droite", reconnaît par ailleurs Andrea Dovizioso, conscient des difficultés d'appréhender correctement ce type de virage en début de course avec les pneus neufs et le réservoir plein.
"Mais c'est le fait de faire ça dans le deuxième tour qui est une grosse erreur", accuse le n°4. "De la part d'un champion comme lui c'est une grosse faute : beaucoup de pilotes en train de se battre pour le championnat se sont retrouvés avec un zéro pointé, et pendant ce temps Marc a gagné. Donc c'est très mauvais".
"Demain (lundi, NDLR), nous avons un autre test important ici et nous essaierons d'améliorer notre base", se projette le pilote italien en soulignant qu'au moment de sa chute, "la course était sous contrôle : nous aurions pu être des prétendants pour la gagne".
Que Dovizioso évoque le statut de "champion" de Lorenzo n'est pas innocent : il fait en réalité référence - poliment - à cette manie agaçante prise par "Loren-show" de souligner son palmarès. "Je ne suis pas un pilote, je suis un champion", avait-il notamment claironné l'an dernier avec une pointe de condescendance.
"Un débutant peut faire une telle erreur, pas un quintuple champion du monde comme il aime souvent le répéter", tacle aussi sévèrement Lin Jarvis en exprimant ce sentiment partagé chez Ducati et Yamaha. "Je suis très en colère : c'est une faute de débutant", assassine le patron du team officiel Yamaha.
Paolo Ciabatti, directeur sportif Ducati, enfonce le clou : "Jorge était comme possédé, comme s'il voulait vivre d’un coup toutes les satisfactions qu’il n’avait pas eues jusque-là. On ne s'attend pas à une telle erreur de la part de quelqu’un comme lui"...
Pour le dirigeant italien, Lorenzo serait même un pilote qui, "dans certaines situations, n’a pas beaucoup de lucidité : il pourrait être plus intelligent" ! Une pique qui n'est pas sans rappeler le GP de Valence 2017, quand Lorenzo avait refusé de laisser passer Dovizioso alors en lice pour le titre. Visiblement, Ducati ne l'a toujours pas digéré !
Cette manifestation de contrariété est également partagée par Maverick Viñales, pour une fois auteur d'un bon début de course puisqu'il était remonté de la sixième à la troisième place. L'espagnol pouvait décemment espérer un bon résultat à domicile, d'autant que les Yamaha étaient très compétitives.
Au lieu de cela, "Mack" a fini par terre suite à l'erreur d'un adversaire pour la... troisième fois en sept courses : Morbidelli l'a déjà éjecté pendant le GP d'Argentine, puis Bagnaia au GP de France ! Trois résultats blancs indépendants de sa volonté : la coupe est pleine pour Viñales !
"J'ai vu quelqu'un arriver très vite à l'intérieur et j'ai essayé de redresser pour éviter la chute", raconte le coéquipier de Rossi, relégué à la 10ème place au provisoire. "Dovi était devant moi et je pensais qu'ils allaient se percuter... mais malheureusement la moto de Jorge a touché mon pneu arrière et je me suis envolé".
Viñales, furieux, est aussitôt allé se plaindre à la direction de course pour exiger une sanction à l'encontre de Lorenzo : un moindre mal pour le pilote Yamaha, qui s'était fait rétrograder de trois places sur la grille pour avoir involontairement gêné Quartararo et Petrucci en fin de qualifications.
"J'espère que Lorenzo va partir depuis la dernière place sur le prochain GP (à Assen dans deux semaines, NDLR)", tempêtait-il après la course. "On nous dit à nous, les pilotes MotoGP, que nous devons donner l'exemple à ceux du Moto3 : or ce n'est pas le cas avec cette image qu'on renvoie aujourd'hui".
Mais les responsables ne l'entendent pas de cette oreille : l'accrochage, aussi spectaculaire et perturbant pour le championnat soit-il, est classé comme un "fait de course", ce qui signifie que Lorenzo - qui avait aussi gêné Marquez en FP3 - ne recevra aucune sanction.
Précisons à ce stade que Maverick Viñales était le seul à exiger une sanction envers Lorenzo : Dovizioso et Rossi sont prudemment restés en retrait, excusant même la maladresse du majorquin dans le cas du n°46. Son actuel voisin de box, lui, ne décolère pas !
"Ce freinage est toujours difficile (la preuve avec le montage ci-dessus, NDLR !), mais quand tu es quatrième et que c’est le début de course...", signale Viñales pour qui Lorenzo aurait pu laisser passer quatre virages supplémentaires pour profiter de la puissance de sa moto et le dépasser en ligne droite.
"Il pouvait me dépasser dans la ligne droite : nous sommes lents dans les lignes droites ! Il faut réfléchir sur la moto. Lorenzo un bon pilote, talentueux, mais on ne gagne pas la course après deux tours", assure-t-il en rappelant que son erreur entraîne la mise hors course de trois autres pilotes, dont le vice-champion du monde Dovizioso...
"La seule chose qui compte réellement dans cette chute, c'est que j’ai malheureusement fait tomber trois autres pilotes", reconnaît effectivement Jorge Lorenzo, sincèrement désolé après sa gaffe.
"Mais à part ça, c’est un week-end où nous avons pu progresser et pendant lequel je me suis montré constant", analyse le coéquipier de Marquez qui se réjouit des pièces rapportées de son séjour au HRC au Japon.
Dommage que ces avancées soient gâchées par son erreur d'appréciation, à mettre au compte des boulettes commises pour avoir confondu vitesse et précipitation. Car Jorge Lorenzo est un compétiteur, et c'est justement sa capacité à saisir l'opportunité qui l'a mené aux sommets de la catégorie reine.
"Certains vont bien sûr dire qu'il ne s'est pas contrôlé", estime pour sa part Marc Marquez, qui juge son coéquipier certes entièrement responsable de ce gâchis, mais un peu "malchanceux car il perd l'avant sur la bonne trajectoire et entraîne trois autres pilotes".
Reste que le pilote chanceux dans l'histoire est bien Marc Marquez, qui non seulement évite la collision de quelques secondes mais prend le large au championnat grâce à l'élimination de son rival direct pour le titre !
— Antonio Cantele (@tonino97) 16 juin 2019
De quoi alimenter les réseaux sociaux où certains ironisent - plus ou moins - sur ce coup de pouce involontairement donné par le n°99 au n°93. Et dire que beaucoup craignaient que la cohabitation "Lorenzo-Marquez" n'affecte la domination du champion en titre...
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Plateau : Les pilotes et leurs motos 2024
10 mars : GP du Qatar
24 mars : GP du Portugal
07 avril : GP d'Argentine (annulé)
14 avril : GP des Amériques
28 avril : GP d'Espagne
12 mai : GP de France
26 mai : GP de Catalogne
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16 juin : GP du Kazakhstan (reporté)
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04 août : GP de Grande-Bretagne
18 août : GP d'Autriche
01 septembre : GP d'Aragon
08 septembre : GP de San-Marin
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22 septembre : GP Kazakhstan (annulé !)
22 septembre : GP d'Emilie-Romagne
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06 octobre : GP du Japon
20 octobre : GP d'Australie
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