Après chaque course Moto GP, retrouvez les déclarations et les résultats des principaux protagonistes de la catégorie reine, ainsi que l'analyse de leurs réussites (et de leurs échecs) par la rédaction de Moto-Net.Com. Débriefing du GP du Qatar 2014.
La question s'est posée dès les essais libres du premier Grand Prix de la saison 2014 au Qatar, quand Aleix Espargaro a mis tout le plateau à l'amende au guidon de sa Yamaha Open. Y compris les cracks comme Lorenzo, Marquez, Pedrosa et Rossi avec leurs "chers" prototypes Factory...
Comptes rendus MNC des courses au Qatar |
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Pour les pilotes du team officiel Yamaha, la pilule est d'autant plus dure à avaler qu'Espargaro pilote une M1 "low cost", presque identique à leur moto officielle mais dont le moteur et le châssis sont de génération antérieure. Ce qui se traduit notamment par une vitesse de pointe moins élevée (environ 10 km/h de moins que les Yamaha Factory et près de 15 par rapport aux Honda Factory et aux Ducati).
En outre, Aleix Espargaro utilise - comme tous les pilotes Open - la fameuse centrale électronique unique et tous les logiciels officiels, dont le degré de sophistication est théoriquement moindre que celui des petits bijoux d'ingénierie développés par les services courses Yamaha et Honda.
En théorie du moins, car depuis que Ducati fait profiter ses motos de la réglementation Open, le package électronique officiel a singulièrement progressé : de toute évidence, le constructeur italien a fourni ses données à l'organisateur afin que Magneti Marelli puisse progresser dans le développement de son système. Logique après tout, d'autant que l'emploi obligatoire de cet ECU unique sera étendu à toutes les MotoGP dès 2016 (lire MNC du 18 mars 2014 : le nouveau, nouveau règlement des Grands Prix).
En attendant cette échéance, les constructeurs "Factory" - et leurs pilotes - pensaient garder l'avantage sur les Open : ce début de saison au Qatar leur a prouvé que la partie allait en réalité être beaucoup plus serrée, au plus grand bonheur de l'organisateur qui fait et défait les règlements quasiment chaque semaine avec cet objectif précis en tête.
Car l'intérêt de Dorna est naturellement de vendre le MotoGP au plus de spectateurs possible. Et quoi de plus vendeur, justement, que du spectacle en piste, des hiérarchies bousculées et des coups de gueule en coulisses ? Et tant pis si certains crient au scandale sur le plan sportif, en s'offusquant de voir Aleix Espargaro - qui n'a jamais remporté un seul Grand Prix depuis sa première course en 2004 et qui ne compte qu'un podium en Moto2 en 2011 - faire la nique à de multiples champions du monde comme Lorenzo et consorts...
"Comme je le disais il y a un ou deux mois, les motos de la catégorie Open ont trop d'avantages. Il était nécessaire de créer un meilleur spectacle pour les fans mais dans l'avenir, le championnat devrait être plus égal", râle ce même Lorenzo dont la M1 officielle n'apparaissait qu'au neuvième rang des premiers essais libres, à 1,467 seconde de la M1 Open d'Espargaro !
"Ça va être difficile parce qu'ils ont 0,5 à 0,6 sec d'avantage avec le pneu tendre, mais ce qui nous inquiète vraiment c'est leur rythme", poursuit l'officiel Yamaha. " Aleix et Andrea (Iannone, du team Ducati Pramac, NDLR) sont plus rapides que nous avec le même choix pneu et c'est vraiment difficile à comprendre"...
Comme la plupart des observateurs, Lorenzo et son équipe pensaient en effet que les motos Open ne seraient en mesure de claquer de bons chronos uniquement en utilisant le pneu arrière extra tendre qui leur est réservé. Or Aleix Espargaro mais aussi Andrea Iannone sur sa Ducati Factory / Open ont réitéré leurs exploits en essais avec le pneu médium, la gomme que pratiquement tous les pilotes avaient prévu d'utiliser en course.
Plusieurs facteurs expliquent cette compétitivité surprenante. D'une part, Aleix Espargaro et plusieurs autres pilotes - dont Bautista, très à l'aise tout le week-end avant de chuter en course - ont tourné à Losail il y a 15 jours dans le cadre d'essais officiels. Ils bénéficiaient donc d'un petit avantage en termes de mise au point de leur motos, avantage qui s'est progressivement résorbé : en qualifications, Marc Marquez a dicté sa loi tandis que Lorenzo (cinquième) n'était qu'à seulement 0,154 seconde du champion en titre. Longtemps en lice pour la pole position, Aleix Espargaro a de son côté chuté deux fois coup sur coup et finira au neuvième rang des qualifs.
D'autre part, techniquement, les Open bénéficient aussi d'un surcroît de carburant (4 litres de plus) qui joue aussi un rôle important dans leur compétitivité. Pas directement en termes de consommation puisque ce facteur n'entre pas en compte durant les essais, quand les motos ne sont pas bridées comme en course. Mais sur le plan de la facilité de pilotage, ces 4 litres peuvent faire une différence.
En réaction à la baisse régulière de la contenance des réservoirs depuis plusieurs saisons, les constructeurs ont en effet développé des logiciels de gestion de l'alimentation très précis. Renseignés par les capteurs GPS, ces systèmes savent exactement où se trouve la moto sur la piste et donc quels sont ses besoins en essence. Lorsque le pilote freine, par exemple, le mélange est appauvri pour économiser quelques précieuses gouttes de carburant.
Le revers de la médaille est que ces systèmes de gestion entraînent une certaine brutalité mécanique, comme si - de manière extrêmement simplifiée - l'injection était totalement coupée en entrée de courbe, même en conservant un filet de gaz. Grâce aux 4 litres supplémentaires qu'elles emportent, les motos Open ne sont pas confrontées aux mêmes contraintes et peuvent donc utiliser des programmations moteur plus douces.
Ce point fait bouillir de rage Lorenzo, lui dont le pilotage coulé exige justement une connexion la plus transparente possible entre l'accélérateur et la roue arrière ! Le Majorquin aurait même demandé à Yamaha de tester la M1 Open d'Espargaro pour mesurer cet écart jugé important. Cette demande est naturellement restée sans réponse de la part de son employeur : imaginez que Lorenzo préfère la "sous-M1" !
Cependant, malgré toutes ces polémiques et les craintes de voir les plus capés des pilotes Factory dominés par des pilotes au palmarès plus modeste, le sport a repris ses droits dimanche au Qatar : en course, la victoire s'est jouée entre Marquez et Rossi, avec un Pedrosa très compétitif alors qu'il n'aime pas Losail... même s'il réside en Suisse !
Certes, Aleix Espargaro termine quatrième sur sa M1 Open mais il compte 11,6 secondes de retard sur le vainqueur. Et sans les bourdes commises par Lorenzo, Bautista, Smith et Bradl sur leur moto Factory, il y a fort à parier que l'Espagnol aurait terminé quelques rangs plus loin. "Tout ça pour ça", serait-on tenté d'écrire au vu de ce dénouement...
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