En 2012, des équipes Moto GP appelées Claiming Rule Teams pourront s'engager en catégorie reine avec des 4-cylindres de 1000 cc issus de la série. Le point sur cette nouvelle réglementation à deux vitesses avec le président de l'IRTA, Hervé Poncharal.
Évoquée à mots couverts par les instances dirigeantes des Grands Prix depuis plusieurs saisons, l'idée d'ouvrir la catégorie reine à des machines semi-prototypes (moteurs de série préparés et châssis libres) sera mise en application dès la prochaine saison Moto GP 2012.
Concrètement, la nouvelle réglementation édictée par la Fédération internationale de motocyclisme (FIM) autorise des structures bénéficiant d'un statut particulier à utiliser un moteur 4-cylindres issu de la série pour construire une "Moto1" (dénomination officieuse) qui pourra s'engager aux côtés des "full prototypes" alignés par les constructeurs actuellement présents en MotoGP (Ducati GP12, Honda RC212V, Yamaha YZR-M1 et Suzuki GSV-R).
Cette démarche suit la tendance initiée par le Moto2 (moteur de Honda CBR600RR et partie cycle libre) et par le choix d'un retour aux 1000 cc (lire MNC du 18 décembre 2009) : équivalente à celle des Hypersports du commerce, cette cylindrée facilite l'arrivée des Moto1, contrairement aux 800 cc en vigueur depuis 2007.
Moteur de série et châssis libre
Il suffit donc de prendre un 4-cylindres performant, éventuellement de le réaléser en respectant le seuil réglementaire (81 mm maximum), puis de l'insérer dans une partie cycle totalement prototype pour entrer dans cette nouvelle "sous-catégorie".
C'est déjà la démarche entreprise par le team Marc VDS Racing avec un bloc de BMW S1000RR - qui affiche d'origine, comme un fait exprès, 80 mm d'alésage - et un châssis inédit fabriqué par Suter (lire MNC du 29 novembre 2010).
Toutefois, conscients qu'un moteur de série même bien préparé ne sera pas de taille face à une motorisation prototype, les organisateurs ont décidé d'accorder quelques avantages techniques non négligeables aux structures intéressées : durant la saison, leurs pilotes pourront utiliser deux fois plus de moteurs qu'un team utilisant une MotoGP entièrement fabriquée par une usine (douze moteurs contre six) et leurs machines pourront embarquer 24 litres de carburant au lieu de 21 pour les autres.
L'avis de Jeremy Burgess |
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Bien entendu, ces équivalences font déjà jaser : les promoteurs du World Superbike n'apprécient guère le fait que le MotoGP vienne marcher sur ce qu'ils considèrent comme leurs plates-bandes, certains acteurs de la catégorie reine craignent que le MotoGP perde son statut de vitrine de haute technologie, et cette réglementation à deux vitesses pourrait devenir difficilement lisible aux yeux du (télé)spectateur lambda...
Enfin, plusieurs observateurs redoutent que ces multiples changements de règlement (des 500 cc 2-temps aux 1000 cc 4-temps en passant par les 990 cc 4-temps et les 800 cc 4-temps en dix ans !) soient contre-productifs et puissent finir par se montrer plus coûteux que les économies qu'ils sont censés engendrer (lire encadré ci-contre)...
Interrogé par Moto-Net.Com, le président de l'IRTA (l'association des teams en Moto GP) estime que "dans la conjoncture actuelle, il n'y pas de solution pour permettre d'engager plus de motos : Honda et Ducati ne peuvent en aligner que six, Yamaha quatre et Suzuki une, voire deux. Soit 17 à 18 motos maximum".
"Effectivement, la mise en place de ce nouveau règlement ne constitue pas la panacée et fera polémiquer, je suis le premier à le reconnaitre. Mais on ne peut pas d'un côté regretter la pauvreté de la grille et de l'autre remettre en cause chaque mesure prise pour tenter d'améliorer la situation", poursuit Hervé Poncharal qui estime qu'autoriser l'emploi de moteurs issus de la série ne constitue pas un coup bas envers le World Superbike.
"C'est une polémique stérile car la FIM connaît parfaitement chaque clause des contrats qui la lient avec le World Superbike et le MotoGP : si le feu vert a été donné, c'est donc en toute légitimité et dans le respect des règles", tranche le team manager de Tech 3.
"En outre, même si rien dans le règlement actuel n'oblige la MotoGP à n'aligner que des prototypes, les machines concernées par la nouvelle réglementation n'utiliseront qu'une base moteur venant de la série : non seulement ce moteur recevra une préparation, mais tout le reste, du châssis au support de selle, sera entièrement prototype", souligne le président de l'IRTA.
Les "Claiming Rules" Teams
Pour juguler les envolées technologiques et tenter de conserver une équivalence de performances entre les "purs protos" et les machines utilisant un moteur dérivé du commerce, la Dorna (la société en charge des droits du MotoGP), la MSMA (l'association des constructeurs), l'IRTA et la FIM ont décidé d'appliquer la règle du "Claiming Rules".
Déjà en vigueur dans certains championnats américains et en Moto2, ce procédé contraint chaque participant à accepter de vendre - à un tarif fixé au préalable - des composants de sa moto à l'issue d'une course.
Dans le cas du MotoGP, une structure qui s'engagera avec le statut de "Claiming Rules Team" (CRT) pourra être amenée à céder son moteur à l’un des quatre membres de la MSMA (Ducati, Honda, Suzuki et Yamaha) à un prix fixé à 20 000 € pour l’ensemble moteur-transmission et à 15 000 € pour le moteur sans transmission.
Quatre moteurs maximum pourront être demandés à un team CRT au cours de la saison, et un membre de la MSMA ne pourra pas demander plus d’un moteur à un même CRT au cours de la saison. Évidemment, cette règle est à sens unique : ainsi, chaque avancée technologique réalisée par une équipe CRT sera accessible aux constructeurs membres du MSMA qui conserveront, eux, toute latitude pour continuer à développer secrètement des moteurs à grands renforts de millions d'euros.
"Cette mesure permettra d'éviter les dérives, et notamment de veiller à ce qu'un constructeur actuellement non inscrit en MotoGP ne s'engage pas de manière "officieuse" avec une machine CRT pour profiter des avantages techniques qui leurs sont accordés", explique encore Hervé Poncharal : "ainsi, s'il s'avère qu'un moteur examiné s'avère trop proche d'une configuration prototype par le biais d'un développement direct d'un constructeur, la Commission Grand Prix se réserve le droit de reclasser cette équipe CRT en team Factory".
Autre point du nouveau règlement présenté par la FIM : si une machine CRT devenait "trop performante" face aux prototypes Honda, Yamaha, Ducati ou Suzuki, ses avantages techniques pourraient être revus à la baisse sur décision de la Commission Grand Prix.
"La capacité maximale du réservoir pour les motos inscrites par les CRT pourra être modifiée pendant la saison par décision unanime de la Commission Grand Prix, afin d’assurer une compétition juste", précise en effet la réglementation 2012.
Pour certains intéressés, qui redoutent de voir leur moteur racheté pour un montant jugé trop faible et de perdre leurs avantages techniques en cas de compétitivité jugée excessive, ces dispositions ont tendance à surprotéger les équipes "Factory" déjà en place. A tel point que le nombre de structures souhaitant s'engager en tant que Claiming Rules Team est passé de quatorze à six depuis le début de la saison ! Selon la FIM, seules restent actuellement en lice les équipes By Queroseno Racing, Forward Racing, Kiefer Racing, Marc VDS Racing Team, Paddock GP Racing et Speed Master.
Les CRT seront-ils compétitifs ?
Selon Hervé Poncharal, plusieurs de ces désistements sont toutefois uniquement dûs au manque de budget de certains dossiers sélectionnés : courir en MotoGP coûte très cher, quelle que soit la formule retenue !
Perspectives : qui fait quoi en 2012 ? |
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La question de la compétitivité se pose également : comment séduire des sponsors sans avoir la certitude que les CRT n'en soient réduits à faire de la figuration, loin derrière les prototypes officiels ou les satellites comme ceux de Tech 3, Gresini, LCR, Aspar, AB Cardion et Pramac ?
"Cette réglementation a été étudiée par des techniciens de la Commission Grand Prix et des ingénieurs qui gèrent la partie technique chez Ducati, Honda, Suzuki et Yamaha. D'après eux, les avantages techniques accordés aux teams CRT devraient offrir un équilibre satisfaisant avec les Factory, et peut-être même un gain en puissance pure grâce à la contenance plus grosse de leur réservoir", rétorque Hervé Poncharal.
"Maintenant, il y a deux autres paramètres qu'on ne maîtrise pas encore à l'heure actuelle : le premier concerne l'électronique, une partie prépondérante dans la performance des MotoGP. De toute évidence, aucune structure CRT ne disposera de l'expérience et des budgets nécessaires à la mise au point de systèmes électroniques aussi sophistiqués que ceux actuellement employés en catégorie reine".
"Le deuxième point est lié à la compétitivité des pilotes engagés au sein des teams CRT. On peut estimer qu'en 2012, la grille MotoGP offrira trois crans de performances : les équipes CRT, les équipes satellites qui bénéficient du soutien des usines et les équipes d'usine. Or, les meilleurs seront dans les teams "Full Factory", tandis que les rookies les plus doués continueront à faire leurs armes chez les teams satellites", résume le patron d'Edwards et de Crutchlow en MotoGP et de Smith, Simeon et Di Meglio en Moto2.
"Les autres, ceux qui n'auront pas pu obtenir de guidon Factory ou satellite, s'engageront au sein des structures CRT. Donc pour moi, les machines CRT seront probablement derrière, mais pas nécessairement en raison d'handicaps techniques. Prenez l'exemple de la Suzuki : beaucoup estiment que c'est la moins bonne moto du plateau, mais qu'en serait-il si un top pilote comme Casey Stoner en prenait le guidon ?", s'interroge le team manager français...
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