Présentée au Mondial de Paris en septembre dernier, la CBF 1000 intrigue car la ligne, la partie cycle et la philosophie paisibles du nouveau roadster semi caréné de Honda tranchent avec le bloc-moteur de la CBR1000RR qui l'équipe... Ange ou démon ?
Point d'orgue des nouveautés Honda 2006 (lire Moto-Net du 29 septembre 2005), la CBF 1000 complète la gamme des CBF et se distingue des gros roadsters actuellement disponibles sur le marché.
Chez Honda, le leitmotiv "Just Fit" consiste dans les faits à cerner les besoins et les envies des acheteurs potentiels. Ainsi, d'après les études réalisées par le constructeur japonais, les motards désireux de remplacer leur première moto cherchent en priorité une moto "Just for Fun".
La CBF 1000 a donc pour mission de fournir à ces acquéreurs cinq caractéristiques qui constituent - selon le numéro un mondial - l'essence du "Fun" : facilité d'utilisation, sécurité, prix contenu, performances adaptées et style moderne et sportif.
CBF "Ein Tausend"
Mais les designers de la marque japonaise n'ont peut-être pas le même sens de la sportivité que la majorité des motards... Ni laide ni belle - selon les goûts - la CBF passe partout. Alors que les roadsters au look acéré voire agressif réalisent les meilleures ventes en France, Honda propose au motard français une moto au dessin tout ce qu'il y a de plus convenu et sage.
"Au motard français" ? En fait, pas vraiment... Les marques connaissent sur les marchés européens des succès inégaux qui entrainent des politiques différentes. Yamaha, premier constructeur en France toutes cylindrées confondues, porte ainsi une attention particulière à notre marché tandis que Honda, qui truste les premières places chez la majorité de nos voisins européens, néglige davantage l'Hexagone au profit notamment de nos voisins allemands !
D'où cette nouvelle CBF 1000 - la 600 marche très fort de l'autre côté du Rhin - au look discret, aux couleurs classiques - ternes ? - et davantage orienté vers le confort et le "tourisme" plutôt que l'allure et la performance pure. "Et encore, heureusement que les pays du sud - la France en tête - ont obtenu le coloris orange", nous confie Bruno Chemin, responsable de la communication chez Honda.
Indisponible en Allemagne, cette couleur chaude et quelques accessoires - habillage de carter, pièces d'aspect carbone, dosseret monoplace - dopent une moto qui esthétiquement pèche par son manque d'originalité et de... "Fun".
Complète et accueillante
Au-delà de ces considérations esthétiques qui restent finalement subjectives, on apprécie que la CBF 1000 offre plusieurs réglages : le guidon et la bulle possèdent deux positions et la selle trois.
On regrette juste, comme c'était déjà le cas sur la Deauville (lire Moto-Net du 2 mars 2006), que les manipulations prennent trop de temps et nécessitent une clé.
Le tableau de bord est complet - compteur de vitesse, compte-tours, deux totalisateurs partiels et un totalisateur total, horloge, jauge à essence et autres témoins lumineux - et les commandes offrent une position de conduite droite et confortable, n'en déplaise aux sportifs. Les pilotes aux longues jambes pourront être gênés par l'extrémité arrière du carénage, mais un positionnement légèrement reculé sur la selle protègera leurs rotules.
Le passager dispose quant à lui d'une selle accueillante - pour sa catégorie -, de larges poignées de maintien et de repose-pieds placés suffisamment bas pour lui permettre d'envisager de longues promenades.
Un moteur rempli
Le son que procure le moteur et ses deux pots diffère de celui de la CBR1000RR (lire Essai Moto-Net du 24 août 2004). Plus feutré, il accentue l'image tranquille que possède la moto. Pourtant, dès les premiers tours de roue on se rend compte que le bloc hérité de l'hypersportive n'a pas perdu de son souffle !
En fait, le 1000 de la CBF est plus rempli à bas et moyen régime (par rapport à la version 100 ch). Les ingénieurs japonais sont parvenus à donner à cet ex-cracheur de chevaux une douceur mêlée de vigueur qui excelle sur route.
Dès 1 500 tr/min, le quatre-cylindres entraîne sans broncher les 250 kg (tous pleins faits) du roadster. Entre 2 000 et 5 000 tr/min, le moteur enroule avec conviction, permettant de se concentrer sur la route - toujours grasse et poussiéreuse autour d'Athènes ! - plutôt que sur ses rapports. On réalise à cette occasion que pour la guider, la CBF demande un peu plus d'engagement dans la direction que certaines de ses comparses.
Si l'envie vient d'accélérer le rythme, il suffit de tomber un ou deux rapports et la tranche de 5 000 à 8 000 tr/min déboule. Dans le feu de l'action, on jette tout de même un vif coup d'œil au compteur... pour réaliser que la vitesse à laquelle on évolue est également à réserver à nos voisins allemands sur leurs portions d'autoroutes libres !
Des sensations cachées
Pourtant, la bulle en position basse ne protège ni la tête ni le haut des épaules, même pour des bustes de taille moyenne. Et quand on y prête davantage attention, les mains doivent être solidement agrippées au guidon - pas simplement posées dessus - car le décor file à grande vitesse autour de soi et les virages arrivent très rapidement !
La difficulté à percevoir la vitesse réellement atteinte tient au fait que le moteur livre ses chevaux de manière silencieuse et linéaire - trop, pourront objecter certains. Mais la facilité de prise en main a également sa part de responsabilité : même au-delà de 8 000 tr/min, après avoir enroulé puis déboulé soudainement, le moteur vous chamboule et le besoin de repères se fait sentir.
Les sensations se cachent, car la CBF est efficace mais peu communicative. Et c'est finalement quand une voiture apparait à l'horizon pour se retrouver une poignée de secondes plus tard dans les rétros que les performances du 1000 prennent tout leur sens...
Malgré tout, ce moteur est incontestablement le point fort de la CBF 1000. Sous ses airs de routière sage se cache une machine capable de vous propulser efficacement quel que soit le régime. Le quatre-cylindres a été prévu dès son origine pour ne pas dépasser les 100 chevaux (97,8 ch exactement) et ses performances n'en sont que meilleures à bas et moyen régime.
De même, la quête de la vitesse de pointe n'étant pas prioritaire sur ce modèle, Honda a habilement adopté un rapport final court (16x43) afin de privilégier les reprises.
Sûre et saine
Attention donc à ne pas se laisser entraîner dans un rythme effréné ! Même si cette moto ne s'adresse pas spécifiquement aux nouveaux permis, il se peut qu'elle en surprenne plus d'un ! Afin d'éviter la casse, Honda propose ainsi sur sa version "Deluxe" les systèmes CBS et ABS.
Car si les aides au pilotage ne remplaceront jamais la vigilance et l'application du pilote, il faut avouer que ces systèmes procurent une sensation rassurante sur routes glissantes et piégeuses. Facturés 600 euros, ils entraînent le remplacement des étriers standards double pistons par des étriers trois pistons combinés au frein arrière.
En ce qui concerne la partie cycle, le cadre et les suspensions héritées des CBF 600 et Hornet 900 se montrent à la hauteur : sur bon revêtement, la CBF 1000 permet d'attaquer sereinement, tant qu'on garde bien en tête qu'elle n'est pas non plus taillée pour la piste. Il en est de même pour les pneumatiques - des Michelin Pilot Road -, qui permettent de faire toucher les cale-pieds et d'accélérer fort en sortie de virage, toujours à condition que la route soit propre.
Proposée à 8 900€ en version standard et 9 500€ avec ABS-CBS et béquille centrale, la CBF 1000 souffre d'être avant tout conçue pour une clientèle "nordique" : son design "politiquement correct" et ses sensations "discrètes" l'handicaperont certainement face aux Speed Triple, Z1000 ou Fazer que les français apprécient tant... Pourtant, son comportement sain - voire joueur - et surtout son moteur gagnent à être connus !
.
.
.
Commentaires
Ajouter un commentaire
Identifiez-vous pour publier un commentaire.