Dans la tourmente de la production hypersport, la bataille fait rage. Kawasaki ZX-10R, Yamaha YZF 1000 R1, Suzuki GSX-R 1000... A son tour, Honda se jette dans l'arène avec cette nouvelle Fireblade. Évolution ? Révolution ? Essai.
Dans la tourmente de la production hypersport, la bataille fait rage. Kawasaki ZX-10R, Yamaha YZF 1000 R1, Suzuki GSX-R 1000, chacun y va de sa nouveauté.
A son tour, Honda se jette dans l'arène avec cette nouvelle Fireblade. Évolution ou révolution ? En route pour un essai complet.
Fine lame
Une réputation, ça se tient ! Pas étonnant donc de trouver sur cette CBR 1000 RR quelques innovations plutôt intéressantes, dont les trois plus marquantes sont :
HESD : Un amortisseur de direction électro-hydraulique inédit, asservi à la vitesse et à l'accélération. L'intérêt le plus évident est de garder un amortissement prononcé à haute vitesse, sans pénaliser la maniabilité à basse vitesse.
Unit pro-link : l'intérêt énoncé de cette épure de suspension apparue l'an dernier sur la CBR 600 RR est de limiter les contraintes exercées sur le cadre, en déportant toute la cinématique sur le bras oscillant. Ce qui permettrait, selon Honda, de concevoir un cadre plus léger.
Le détail qui tue : les plombs d'équilibrages de roues sont en zinc afin de préserver l'environnement !
En plus de ces innovations, la Fireblade nouvelle mouture présente son lot d'évolutions classiques, de la boîte de vitesses à cassette au carter d'huile en magnésium, en passant par les valves d'admission et d'échappement, le freinage "tout radial", les pistons forgés ou la double injection séquentielle.
Bref, un net avantage technologique pour Honda dans le milieu plutôt conservateur de la moto. Le message est très clair : il y a de la RC 211 dans cette CBR, développée pour le Mondial Superbike.
Gueule d'amour
Pas de doute, le service marketing a fait des pieds et des mains : la Fireblade est bien la petite soeur de la MotoGP. Même ligne allongée et trapue sur l'avant, dimensions comparables, échappement sous la selle : la cohérence est assurée, tout comme avec la 600 apparue l'an dernier.
La livrée noire et rouge à notre disposition accentue encore plus cette sensation visuelle caractéristique de la famille CBR, à tel point qu'il est difficile de distinguer la 600 de la 1000.
La finition est tout à fait correcte, pas de carénages qui bougent, les assemblages sont propres et rien ne dépasse. Par contre, grosse faute de goût pour les optiques qui prennent la buée après quelques minutes seulement sous une ondée.
L'ensemble d'instrumentation est bien lisible et complet, hormis le tachymètre dont les chiffres sont un peu petits pour être vus instantanément. Détail important s'il en est par les temps qui courent... L'aiguille de compte-tours tombe bien sous les yeux et profite d'une illumination agréable de nuit. Et dans la série du touchant détail, Honda propose le réglage du shift light en intensité et en fréquence de clignotement. C'est rien, c'est pas vraiment utile, mais ça fait plaisir !
D'autant que fidèle à sa réputation de constructeur d'engins conviviaux, Honda propose également des crochets d'arrimage pour les bagages et un emplacement pour un U spécifique sous le strapontin passager. Comme quoi c'est possible, contrairement à ce que semble croire la concurrence.
Les commodos sont dans la norme actuelle, amputés du commutateur de feux de croisements, allumés en permanence sauf en phase de démarrage. Pas de "starter" non plus, le ralenti est asservi. La commande d'embrayage, hydraulique, est étonnamment douce et précise tandis que le freinage, paré d'un maître cylindre radial, offre une bonne ergonomie. Tous deux sont réglables en écartement par molettes.
La position s'est quant à elle radicalisée (replica oblige), mais reste sportive sans être démesurément inconfortable. Le "total control", spécificité des bureaux d'études de la marque, semble effectivement avoir présidé à la conception du missile.
Bon alors quoi, on la regarde ou on roule ? Contact !
En ville
Avant tout, testons les capacités de la belle à rouler tous les jours pour aller au boulot. La meilleure surprise provient de la douceur générale d'utilisation. Commandes très douces, freinage mordant et dosable et rayon de braquage impressionnant permettent à cette CBR de passer l'examen avec brio. En revanche, attention au moteur qui cogne à bas régimes. Pas question de repartir en sixième à moins de trois mille tours. Et forcément, la position met vite les poignets à mal, mais ce n'est plus une surprise dans la catégorie. Mention très bien pour les crochets d'arrimage, l'emplacement pour l'antivol et l'antidémarrage codé. Et pour le reste... Un vrai bonheur d'enrouler sur le couple omniprésent du quatre cylindres ! Sonorité, précision et douceur de la boîte, vivacité, tout concourt à mettre le pilote à l'aise dans la circulation, y compris le puissant avertisseur sonore. Et dès qu'un peu d'espace se dégage, gaz : un petit saut dans l'espace temps fait oublier la pollution et la grisaille. Une machine à plaisir, malgré un concept inadapté à ces conditions. C'est fort, très fort !
En piste
Avant d'entamer un périple routier, un détour s'impose par le circuit. Nous profitons donc d'une cordiale invitation du Carole Moto Club pour aller faire quelques ronds sur le terrain de prédilection de l'engin.
Prise de contact facile, tout est fait pour rassurer. Le freinage reste constant au fil des tours, la partie cycle est stable mais reste un peu lourde à jeter dans les courbes, au contraire de la Kawasaki ZX-10R qui présente un comportement beaucoup plus joueur mais aussi plus impressionnant (lire Essai Moto-Net du 26 mai 2004). Sur la Honda, point de frayeur. Les rapports s'enchaînent sans coup férir, le moteur tracte tout ce qu'il peut de façon linéaire et profite d'une bonne allonge dans cette version bridée.
Au fil des tours, on s'aperçoit qu'une moto facile et linéaire présente l'avantage d'être rassurante. Au détriment des sensations, certes, mais à l'avantage de l'efficacité, au moins en ce qui concerne une pince comme votre serviteur. Aucun guidonnage, pas de cabrage intempestif, pas de cafouillage au passage des rapports et une bonne constance des freins permettent de se concentrer sur l'important : le pilotage. Le moteur se laisse aller sur les mi-régimes et on ne sent pas la nécessité de pousser au rupteur (version 100 cv oblige). Et puis quelle sensation de coffre aux mi-régimes. Impressionnant !
Cette moto se livre donc à qui veut bien d'elle, sans nécessiter de mode d'emploi particulier. Du gaz, rien que du gaz. Tous le reste va de soi et permet de se faire plaisir sans arrière pensée, avec le sentiment qu'il n'y a pas grand chose à redire, si ce n'est ce léger manque de vivacité dans les changements d'angles rapides.
Pour Philippe, concurrent en Promotion aux commandes d'un CBR 600 (n°47) et capable de tourner régulièrement sous 1'10 sur le tracé parisien, la découverte de l'engin se traduit par un visage particulièrement illuminé après quelques tours de Carole : "le plaisir d'une 1000 avec la facilité d'une 600 !", résume-t-il en reprenant son souffle...
En route
Après quelques minutes sous la chaleur du circuit parisien, rien de tel qu'une petite balade à la campagne pour rafraîchir les esprits et la mécanique. Direction les petites routes du nord parisien afin d'en savoir plus sur les aptitudes routières de la nouvelle CBR 1000.
Commençons par des bosses, des trous, du gravier, des bouses, tout ce qu'on aime. Eh bien rien ! Nada ! La partie cycle est tout simplement imperturbable. Même sur un chemin vicinal (!) enquillé à bonne allure, tout se passe bien. L'impression d'absorber les cahots sans les subir mais tout en les "lisant" est vraiment rassurante. Étonnamment, cela va à l'encontre de la sensation de rigidité ressentie dès lors que l'on se pose sur la selle. Monsieur Spock lui-même en lèverait un sourcil d'étonnement !
Sur les départementales de l'Oise, où les virages s'enchaînent sur un revêtement correct, l'engin ne procure que du bonheur. A chaque sortie de courbe, une petite voix me titille : "t'es une tanche, t'aurais pu passer avec 20 de mieux, tu devrais avoir honte !". Une fois habitué à bien engager le corps à l'intérieur pour faire tourner la moto, tout se passe bien. Un vrai rail que l'on prend plaisir à faire sortir de courbe sur le couple des mi-régimes. Le moteur compense réellement bien le côté fade que pourrait impliquer sa linéarité par une sonorité plaisante et une impression de facilité déconcertante. Toujours plus tôt sur les gaz, toujours plus vite en courbe, toujours plus l'impression de faire corps avec la machine, c'est bluffant.
La seule imperfection relevée concerne le freinage sur l'angle, qui tend à redresser la moto et à faire tirer droit. Le pendant logique du confort général ressenti et du comportement un poil "lourd" sur piste. Nul doute maintenant que la moto est délibérément réglée "route", et qu'un peu de compression à l'avant ainsi qu'un basculement de l'assiette changeraient tout ça. Personnellement, je trouve qu'il vaut mieux ça que l'inverse, un pistard sachant plus facilement tirer le parti d'un réglage route que l'inverse.
Pour finir, le rédac' chef lui même s'y colle et descend de son supertanker anglais pour un petit enchaînement de virages dont il reviendra bluffé, malgré cette tenace impression de ne pas maîtriser toutes les subtilités de la position du crapaud...
A contre-emploi
Bon... Et puis comme il y a des repose-pieds et un semblant de strapontin, une dévouée passagère d'un mètre quatre vingt dix s'est prêtée au jeu. N'ayant pas voulu utiliser la sangle (NDA : ah ah ah, c'est pour l'homologation biplace, c'est pas une blague, le passager est VRAIMENT censé s'accrocher à ce bout de ficelle), elle m'a enserré de ses délicates mimines pour deux ou trois passages en courbe à rythme croissant. Côté pilote, rien à redire. Sans rien toucher sur les suspensions, l'arrière se tasse un peu et c'est tout. Le comportement global est inchangé et reste propice à l'arsouille. Inutile d'ailleurs de vouloir faire autre chose que partager des sensations fortes à deux. Étant donné l'inconfort de la place arrière, celle-ci se destine avant tout aux amateurs de grand huit. Logique sur une réplica, mais il faut tout de même le signaler. Celles et ceux qui n'ont pas l'étincelle nécessaire à ce genre d'épreuve s'abstiendront de rouler plus de cent kilomètres sur la planche arrière. Pour les autres, sensations garanties, on fait corps avec le pilote autant qu'avec la machine, le regard peut se placer loin par dessus le casque du conducteur et la mobilité est bonne pour les virages. Les bras atteignent le réservoir pour pouvoir subir les freinages.
Retour par l'autoroute pour s'assurer qu'elle n'est pas plus faite pour ça que ses consoeurs, une petite dose d'adrénaline sur tous les rapports pour s'assurer qu'elle roule suffisamment vite pour finir en prison sur le champ même si c'est avec une confiance absolue dans le châssis (il est tout de même prévu pour encaisser la puissance d'origine), et un dernier coup d'oeil dans le garage pour laisser venir la conclusion.
Une histoire de réputation
On aime ou on n'aime pas... Comme tout objet un tant soit peu passionnel, cette machine va connaître son lot de détracteurs et de défenseurs. Mais en toute objectivité, il s'agit là d'une mécanique pensée pour la piste et très bien adaptée à la route. Une sorte de quadrature du cercle dont seul Honda semble avoir le secret sur l'archipel japonais. Tout en efficacité, pas trop de poudre aux yeux : un outil qui a su sacrifier un peu d'arguments de vente au profit du plaisir de conduite. Nous, on adore !
Et puis après tout, pour les amateurs fortunés et les pistards ambitieux, il est toujours possible de pousser le bouchon un peu plus loin en commandant le kit HRC...
Fiche technique (données constructeur) | |
Moteur | |
Type | 4 cylindres en ligne, 4 temps, double ACT et 16 soupapes, refroidi par eau |
Cylindrée | 998 cm3 |
Alésage x Course | 75 x 56,5 mm |
Rapport volumétrique | 11,9 à 1 |
Capacité d'huile | 3,9 l |
Alimentation | |
Carburation | Injection électronique PGM-DSFI |
Corps d'injecteurs | 44 mm |
Filtre à air | Sec, 2 cartouches cylindriques en papier |
Capacité de carburant | 18 l |
Système électrique | |
Allumage | Digital contrôlé par microprocesseur |
Démarrage | électrique |
Batterie | 12 V / 10 AH |
Phare | 12 V 55 W x 1 (croisement) / 55 W x 2 (route) |
Transmission | |
Embrayage | Multidisque en bain d'huile |
Entraînement | Hydraulique |
Boîte | 6 rapports |
Transmission finale | Chaîne à joints toriques rivée 530 |
Cadre | |
Type | Double poutre en alu type Diamond |
Partie cycle | |
Longueur | 2 023 mm |
Largeur | 734 mm |
Hauteur | 1 118 mm |
Empattement | 1 412 mm |
Angle de chasse | 23°45 |
Traînée | 102 mm |
Garde au sol | 130 mm |
Suspensions | |
Avant | Fourche inversée à cartouche 43 mm HMAS réglable en précharge, compression et détente, débattement 120 mm |
Arrière | Monoamortisseur à gaz Unit Pro-Link HMAS réglable en précharge (13 positions), compression et détente (vis sans fin), débattement 135 mm. |
Roues | |
Type | Aluminium coulé à 3 branches |
Jante AV | 17 x MT 3.50 |
Jante AR | 17 x MT 6.00 |
Pneu AV | 120/70 ZR17M/C (58W) |
Pneu AR | 190/50 ZR17M/C (73W) |
Freins | |
Avant | Double disque hydraulique 310 x 5 mm avec étriers 4 pistons et plaquettes frittées |
Arrière | Simple disque hydraulique 220 x 5 mm avec étriers 4 pistons et plaquettes frittées |
Performances | |
Puissance maxi | 78 kW à 10 500 tr/mn |
Couple maxi | 91 Nm à 6 000 tr/mn |
Informations commerciales | |
Coloris | Blanc perle (avec rouge gagnant et bleu métallique mat) Noir (avec argent métallique) Rouge gagnant (avec gun metal métallique) |
Prix | 13 600 euros TTC |
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PARCOURS |
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POINTS FORTS |
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POINTS FAIBLES |
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