La première ministre annonce de nouvelles sanctions (encore) plus strictes contre la conduite sous stupéfiants et les dénonciations de complaisance, mais aussi la création du statut d'homicide routier. Élisabeth Borne veut aussi requalifier les grands excès de vitesse en délits ! Explications.
"Des routes plus sûres, moins d’accidents et une meilleure cohabitation entre ceux qui roulent, ceux qui pédalent et ceux qui marchent", ambitionne la première ministre en préambule du dernier Comité interministériel de la sécurité routière (CISR) qui s'est tenu le 17 juillet à Matignon.
Élisabeth Borne - qui échappe au traditionnel remaniement ministériel après plusieurs semaines d'incertitudes - révèle 38 mesures pour abaisser la mortalité routière, en nette hausse pour 2022 (+10,5% Vs 2021 et +1,5% Vs 2019, année avant Covid). Sans surprise, la cheffe du gouvernement agite essentiellement le bâton de la répression…
L'une des mesures "vedettes" annoncées lors de ce CISR est la requalification des grands excès de vitesse au rang de… délits. "C’est aujourd’hui une contravention, cela va devenir un délit", explique le garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti, pour qui "il est temps que nous disions stop à ces infractions qui peuvent tuer ou blesser gravement".
Les grands excès de vitesse sont en réalité déjà traités comme des délits, mais en cas de récidive uniquement : la première interpellation à plus de 50 km/h au-dessus de la limite n'entraîne actuellement qu'un retrait de points et une contravention. A l'avenir, ce reclassement en délit sera appliqué au premier excès : à méditer avant de tester la V-max de sa nouvelle moto !
Concrètement, ça change quoi ? D'après Service-Public France, la contravention est considérée comme "la moins grave des infractions" avant le délit et le crime. Elle est traitée par le tribunal de police, avec un délai de prescription d'un an. Le délit, lui, est "une infraction de gravité moyenne, entre contravention et crime". Il est traité par le tribunal correctionnel, avec une prescription de… six ans !
Exemples de délits : "vol, abus de biens sociaux, discrimination, harcèlement moral, attouchements sexuels, homicide involontaire", décrit le site d'informations de l'administration. Les auteurs de grands excès de vitesse (+ de 50 km/h) seront donc assimilés - au mieux - à des voyous et à des responsables corrompus, voire à des détraqués sexuels !
"Nous allons rendre automatique la suspension du permis en cas de conduite sous l'emprise de stupéfiants", prévoit également Élisabeth Borne, qui se dit intraitable sur ce "fléau". Objectif : "sanctionner plus sévèrement les conduites addictives", aussi bien concernant la conduite sous l'emprise de drogues que d'alcool.
Actuellement, le préfet est libre de suspendre ou non le permis en cas de conduite sous stupéfiants : "demain, il le devra", affirme le ministre de l'intérieur Gérald Darmanin. Difficile de ne pas y voir une conséquence de "l'affaire" Pierre Palmade, l'humoriste à l'origine d'un grave accident de la route sous l'emprise de la drogue en février dernier...
Outre cette systématisation de la suspension de permis, le gouvernement prévoit aussi de punir plus sévèrement la conduite sous stupéfiants et/ou alcool : le retrait de points passera de six à huit points, soit la sanction la plus élevée prévue par le Code de la route. Une bonne chose selon MNC, pourtant pas partisan de la répression à tout crin.
Le statut "d'homicide involontaire" est également requalifié "homicide routier", sans véritable conséquence sur les peines encourues par les personnes à l'origine d'un accident mortel. Ce changement répond surtout à une demande des familles de victimes "choquées de cette qualification d'homicide involontaire", explique le gouvernement.
Là encore, impossible de ne pas faire un parallèle avec l'accident provoqué par Pierre Palmade en Seine-et-Marne (77) : l'humoriste camé jusqu'aux yeux sous l'emprise de stupéfiants avait été mis en examen au chef "d'homicide involontaire et blessures involontaires" après avoir blessé un homme, son fils de six ans et sa belle-soeur, enceinte de six mois et demi. La jeune femme a perdu son bébé...
Désormais sous simple contrôle judiciaire, Pierre Palmade - qui n'a pas mis un seul pied en prison - s'est exilé à Bordeaux (33) où son apparition en boîte de nuit, verre à la main, a provoqué un tollé sur les réseaux sociaux. Bizarrement, le gouvernement n'évoque à aucun moment la possibilité de lui attribuer ce qualificatif d'homicide routier...
L'exécutif se veut en revanche intransigeant quand ça touche son porte-monnaie : le ministre de la justice révèle la création d'un "délit de dénonciation frauduleuse du conducteur auteur d'une infraction". En clair : les conducteurs flashés au radar qui désignent une tierce personne pour échapper au retrait de points (et au chômage, pour beaucoup d'entre-eux).
"Ces petits malins qui pour ne pas perdre des points dénoncent la grand-mère ou le grand-père, qui accepte d’être le faux auteur de l’infraction commise", gronde Éric Dupond-Moretti, qui ne "veut plus de cela".
A MNC, on préférerait que le Garde des sceaux ne trempe pas dans des affaires de prises illégales d'intérêts avant de jouer au "père-la-morale" : rappelons qu'Éric Dupond-Moretti est le premier ministre en exercice à passer devant la Cour de justice de la République (CJR). Mais bon, c'est vrai que c'est tellement plus grave que madame Michu subisse un retrait de point à la place de son fils ou sa petite-fille !
Parmi les mesures annoncées figure aussi la possibilité de suspendre le permis de conduire "le temps d’une vérification médicale d’aptitude dès lors qu’une infraction aura un problème médical comme origine présumée", dévoile Élisabeth Borne.
La première ministre ne délivre pas plus de détails sur cette suspension qui serait délivrée en cas de "non-aptitude d'une personne à conduire", selon ses propres termes. Si le Journal Moto du Net devait émettre une hypothèse, cette mesure pourrait très bien cibler les conducteurs "seniors" dont l'aptitude, justement, est régulièrement mise en cause.
Rappelons que l'idée d'introduire des examens de contrôle aux conducteurs d'un certain âge revient fréquemment sur le tapis, avec des propositions de réformer l'attribution du permis à vie. Mais ces projets de loi se heurtent inévitablement au poids économique, social et politique des seniors…
Ce CISR évoque aussi quelques projets plus positifs comme le rappel de la suppression du retrait de point pour les excès de vitesse inférieurs à 5 km/h, ainsi que la dématérialisation du permis de conduire sur l'application officielle France Identité en vue de "faciliter la vie des usagers de la route".
"Il y aura toujours un permis physique", rassure le ministre de l'intérieur. "Mais aussi un permis dématérialisé que l'on pourra avoir sur son smartphone pour pouvoir le présenter aux forces de l'ordre", précise Gérald Darmanin.
Par ailleurs, la vignette verte d'assurance ferait également l'objet d'une dématérialisation "à partir du 1er avril 2024" : cette attestation d'assurance serait directement enregistrée et consultable sur des fichiers en ligne.
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