Le retrait des Zones à faibles émissions (ZFE) a été voté mercredi 28 mai 2025 à l'Assemblée par une écrasante majorité de députés de tous bords. Mais plusieurs voix s'élèvent pour prolonger vaille que vaille cette mesure impopulaire qui exclut les véhicules jugés polluants.
Inaugurées en France en 2017, les Zones à faibles émissions pourraient ne pas atteindre le cap des dix ans. Les députés se sont prononcés pour leur suppression dans le cadre de la loi sur la simplification économique débattue à l'Assemblée, conformément au verdict rendu au préalable en commission spéciale.
Dans le détail, 98 députés ont voté pour le retrait des ZFE : l'alliance RN-UDR, la droite, LFI et même quelques députés parmi la majorité. Sans surprise, les partis écologistes se sont prononcés contre cette suppression, ainsi que certains députés MoDem et Horizons. Au total, les les votes "contre" représentent 51 voix, soit un rapport de un à deux favorable à la suppression de ces fameuses zones.
Pour mémoire, les Zones à faibles émissions - aussi appelées Zones à faible émissions mobilité (ZFE-m) - sont des périmètres d'agglomérations où l'accès des véhicules thermiques est conditionné à leur période de fabrication. La circulation des véhicules jugés polluants - car trop "vieux" - y est interdite du lundi au vendredi, de 8h00 à 20h00, sauf jours fériés et exceptions propres à chaque collectivité.
A l'heure actuelle, douze agglomérations appliquent ce "zonage" qui prend en compte le classement Crit'Air. La mesure est particulièrement sévère dans deux villes aux seuils de pollution élevés : Paris et Lyon, où la circulation dans les ZFE est interdite aux véhicules Crit'Air 3 depuis le 1er janvier 2025. Grosso-modo, les motos et voitures de plus de quinze ans sont rejetées des ZFE parisienne et lyonnaise, mais aussi des agglomérations qui font le choix d'appliquer les règles les plus strictes !
Si cette mesure poursuit un but louable sur le fond, la forme laisse à désirer car elle favorise mécaniquement les foyers aux revenus élevés, en capacité de changer régulièrement de véhicules. Résultat : les foyers modestes à intermédiaires sont soit exclus des ZFE - ce qui n'est pas très démocratique - soit poussés à s'endetter pour racheter un véhicule plus récent. Un bon exemple de l'écologie dite "punitive".
"Les ZFE, c’est une injustice sociale déguisée en écologie", estime la Fédération des motards en colère, opposée depuis toujours à ce système. Pour autant, la FFMC prévient : "supprimer simplement les ZFE , sans alternative pour assainir l’air des grandes métropoles, aurait peu de sens et serait de toute façon en butte aux objections de l’Europe par rapport à la directive de 2008. Ce sont des mécanismes moins "excluants" pour limiter la pollution urbaine qu’il faut trouver".
Sa solution ? La moto et le scooter, pardi ! "Le deux roues motorisé (2RM), léger, peu polluant, facile à garer et fluidifiant le trafic, a toute sa place dans la transition écologique de la mobilité urbaine", martèle la Fédération des motards en colère avant de rappeler, à toutes fins utiles, que "l’écologie se construit avec les citoyens et non contre eux".
Même son de cloche du côté de la Fédération nationale de l'automobile : "ce retrait sans équivoque marque une reconnaissance claire des préoccupations exprimées de longue date par les citoyens, les élus locaux, les automobilistes et les professionnels de la filière", approuve la FNA qui n'aurait "cessé d’alerter les pouvoirs publics sur les effets contre-productifs et socialement inéquitables des ZFE dans leur forme actuelle".
Bien entendu, ce vote d'exclusion n'est pas du tout perçu de la même manière par les (p)artisans des Zones à faibles émissions. Au premier rang desquels les partis écologistes : la ministre de la transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, s'est insurgée de cette décision en dénonçant notamment des alliances politiques "de circonstance".
"J'ai honte de ce qui s'est passé à l'Assemblée nationale", regrette la ministre. "A aucun moment, le sujet qui est au coeur de ce dispositif, qui est la question de la qualité de l'air, qui est la question de protéger les Français contre des décès précoces n'a été au centre du débat", estime Agnès Pannier-Runacher.
Agnès Pannier-Runacher, ce nom ne vous dit rien ? Et pourtant : cette femme politique de 50 ans s'est récemment distinguée en déclarant sur BFM TV que l'application des ZFE n'impactait pas les revenus modestes puisque, selon elle, "les moins riches, ils n’ont pas de voitures, ce sont ceux qui sont le moins équipés". Ah mais oui, bien sûr ! Vu comme ça, le problème est résolu…
Outre ses jugements à l'emporte-pièce, Mme Pannier-Runacher a par ailleurs dû répondre d'accusations de conflits d'intérêts avec la société Perenco, numéro 2 du pétrole (!) en France avec un chiffre d'affaires estimé à 7 milliards d'euros. Une entreprise créé par le grand-père de la ministre, Jean-Michel Runacher, puis dirigé par son père. Ses propres enfants, mineurs, sont impliqués dans Perenco avec la bénédiction légale d'Agnès Pannier-Runacher. Ironique, non, pour une ministre de la transition énergétique ?
Mais si les députés se sont unanimement prononcés pour le retrait des ZFE, cela ne signifie pas pour autant que cette suppression est officiellement actée. Bah non, ce serait trop simple… Plusieurs moyens législatifs existent pour contester cette décision, et ce sont précisément ces moyens que les partisans des ZFE entendent activer.
Par exemple, le gouvernement - favorable aux ZFE - peut réclamer une deuxième délibération sur cette mesure, tandis que le conseil constitutionnel peut carrément censurer le vote. Motif ? L'amendement concernant le retrait des ZFE s'éloigne trop du sujet initial, en l'occurence la simplification de la vie économique. Un dossier épais, avec la bagatelle de 600 amendements ! Le conseil pourrait décider de faire sauter les amendements jugés hors-sujet, comme celui touchant aux ZFE...
Du point de vue de la FFMC, une "version de compromis" sera probablement mise en place par une commission mixte paritaire. Autrement dit : ne balancez pas tout de suite votre vignette Crit'Air car les Zones à faibles émissions restent encore des Zones à forts embêtements !
.
.
.