Avec sa nouvelle Trophy 1200 et sa déclinaison suréquipée SE, Triumph entend supplanter l'ultra-aboutie BMW R1200RT au sommet de la catégorie des motos routières. L'Anglaise a-t-elle les moyens de ses ambitions ? Réponse dans ce nouveau duel MNC !
Qu'on se le dise : Triumph a décidé de disputer à BMW le statut de meilleur constructeur européen de motos routières de grosse cylindrée. Quitte à s'inspirer ouvertement des références germaniques pour atteindre plus rapidement cet ambitieux objectif !
Dans un autre segment, il était déjà difficile de ne pas remarquer les similitudes entre la très réussie Tiger Explorer et la "reine" des maxi-trails, la R1200GS. Sur sa lancée, le constructeur d'Hinckley poursuit son offensive avec la Trophy 1200, une moto voulue aussi confortable et prestigieuse que le trône de la "Queen Mother" herself (lire notre Essai MNC du 6 septembre 2012).
Là encore, nul besoin de se triturer les méninges bien longtemps pour mettre le gant sur l'identité de celle qui joue à la fois le rôle de muse et de rivale, tant les ressemblances avec la BMW R1200RT sautent au casque (lire notre Essai MNC du 30 juillet 2010).
Outre des carénages et des volumes généreux (2230 mm de long pour la BMW, 2235 pour la Triumph), ces "canapés à deux-roues" ont en commun une imposante face avant caractérisée par un large double optique et des "rétros-clignotants" à peine moins gros que ceux d'un monospace.
Les poupes sont elles aussi esthétiquement très proches, jusqu'aux formes des valises de forte capacité installées de série (32 litres pour la RT, 31 pour la Trophy). Quant aux réservoirs au format "XXL" (25 litres pour la Béhème, 26 pour la Triumph), ils semblent presque sortir du même moule !
Vu de l'arrière, seul l'emplacement de leur échappement et de leur transmission acatène permet de les distinguer au premier coup d'oeil : le long silencieux chromé de la R1200RT (un degré de finition optionnel) est placé du côté gauche et son cardan à droite, alors que c'est l'inverse sur la Trophy 1200. Celle-ci se différencie aussi au niveau de ses flancs de carénages : comme sur les précédentes générations de Trophy (de 1990 à 2003), la Triumph exhibe une ouverture barrée de chaque côté de son haut moteur.
Mécaniquement, les deux motos possèdent des architectures aussi totalement opposées que culturellement attachées à l'histoire de leur marque respective : un bicylindre à plat pour l'Allemande, un trois-cylindres en ligne pour l'Anglaise. Leur unique point commun est d'avoir été mûrement cogité pour réunir toutes les qualités attendues d'un moteur de moto routière : une plage d'utilisation étendue, de solides reprises (y compris en duo et chargé comme une mule), une robustesse à toute épreuve et un appétit contenu.
Pour la dévoreuse de kilomètres munichoise, l'emblématique Boxer de 1170 cc est même une composante essentielle de son identité visuelle : impossible de la confondre avec ses deux cylindres de 101 mm d'alésage et 73 mm de course allongés perpendiculairement à la route ! Copieusement "boosté" début 2010 grâce aux culasses à double arbre à came de la BMW HP2 Sport, cet attachant moteur refroidi par air-huile développe désormais 110 ch en Full et 120 Nm de couple (5 Nm de plus qu'auparavant) et son régime maxi est passé de 8000 à 8500 tr/mn.
Afin d'étoffer son offre de motos de grosse cylindrée, Triumph a de son côté créé de toutes pièces un moteur parfaitement adapté à l'exercice routier : un "trois-pattes" (what else ?) de 1215 cc à refroidissement liquide de 85 mm d'alésage et 71,4 mm de course. Moderne, ce bloc de 134 ch et de 120 Nm de couple embarque un accélérateur électronique ride-by-wire et un échangeur huile-eau qui améliore tant son rendement énergétique que sa fiabilité (lire notre Point technique détaillé sur la Trophy 1200).
Identique à celui découvert sur le maxi-trail Tiger Explorer, ce moteur puissant et onctueux ne s'en distingue que par de petits aménagements apportés à l'échappement, à la boîte à air et à la transmission. Ainsi, la sixième tire un peu plus long sur la Trophy 1200 (4400 tr/mn à 130 km/h sur le dernier rapport) afin de contenir la consommation de carburant.
Non, le luxe n'est pas une option !
Pour faire de l'ombre à la meilleure vente de BMW Motorrad France (2714 immatriculations en 2011), Triumph ne s'est pas contenté de construire une moto élégante, statutaire et bien motorisée. Le blason d'Hinckley a intelligemment tiré parti de la principale faiblesse de sa concurrente : sa dotation d'équipements extrêmement chiche d'origine. Une caractéristique "chère" à BMW, tant sur ses motos que sur ses autos.
Car devoir remettre la main au portefeuille pour bénéficier des services de l'anti-patinage, d'un ordinateur de bord et d'un régulateur de vitesse sur une moto coûtant déjà 17 700 € dans sa livrée d'origine reste assez frustrant... D'autant que l'addition monte rapidement : notre modèle d'essai avec son Pack Sécurité (anti-patinage ASC et pression des pneus RDC) et son Pack RT3 (échappement chromé, suspensions pilotées électroniquement ESA II, ordinateur de bord, poignées et selles chauffantes, prise électrique additionnelle, régulateur de vitesse, alarme, radio MP3 Bluetooth) coûte 20 735 €.
Il suffit de comparer les données dans notre tableau "Aspects pratiques et équipements" en avant-dernière page pour mesurer tout l'intérêt du "parti prix" de la Trophy 1200 ! Pour mémoire, dans sa version standard à 17 250 €, la Triumph reçoit de série un ordinateur de bord complet, un régulateur de vitesse et un anti-patinage déconnectable. Et la déclinaison suréquipée SE à 18 870 € choisie pour ce duel comprend en outre des suspensions ajustables électroniquement TES, un indicateur de pression des pneus, une troisième prise 12 V et une installation audio MP3 / Bluetooth.
Notre modèle d'essai était aussi équipé en option de selles (639,80 € les deux) et de poignées chauffantes (209,90 €), ainsi que d'un top case de 55 litres (359,90 € + 163,90 € pour son support) et d'un pare-brise plus haut de 25 mm et plus large de 38 mm (279,90 €). Le tout pour un montant total inférieur à celui de la RT (20 523 €) !
Un détail handicapant vient toutefois ternir ce tableau idyllique : l'ergonomie de la Trophy est perfectible. Triumph n'a pas su rendre accessible toutes les fonctions proposées, notamment les commandes de la bulle électrique à fonction mémoire, des poignées chauffantes et de la sono qui ne peuvent être actionnées qu'après avoir lâché la poignée gauche. Même remarque concernant l'interrupteur commandant le chauffage de la selle pilote, placé sur le côté gauche en dessous de l'assise.
Malgré toutes ses qualités (le rendu acoustique est supérieur à la BMW, surtout au-dessus de 100 km/h), le système audio anglais pâtit de boutons trop petits et trop fermes. Sans parler de la commande des warnings située sous le pavé digital de l'instrumentation, par ailleurs ultra-fournie (deux trips, jauge et consommations essence, rapport engagé, horloge, température du moteur et de l'air, pression des pneus et intervalles de révision) : on a vu plus accessible pour une fonction servant à signaler une situation d'urgence...
Enfin, il est dommage que les ingénieurs britanniques n'aient pas jugé utile d'attribuer un bouton spécifique permettant de sélectionner le tarage des suspensions électroniques Triumph Electronic Suspension, un système qui intervient sur la détente à l'avant et la précharge et la détente à l'arrière. Ainsi, pour choisir entre le mode "Confort", "Normal" ou "Sport", il est nécessaire de faire défiler plusieurs menus et sous-menus via les boutons "i" et les flèches situés sur le commodo gauche. Ni pratique, ni franchement intuitif...
Sur la BMW, toutes les commandes sont à portée de doigts et aucune ne requiert le moindre déplacement des mains, hormis la remise à zéro des trips ou le réglage de l'heure assujettis aux boutons situés sous l'instrumentation. Une simple pression sur un interrupteur permet d'influer électroniquement sur les lois d'amortissement via le système ESA II (détente, précharge et raideur des ressorts avant et arrière) ou de déconnecter l'anti-patinage.
La R1200RT profite de l'expérience acquise par la branche automobile de BMW : cela se ressent notamment au travers de son ergonomie irréprochable et de la présence d'une très ingénieuse mollette chargée de centraliser de multiples fonctions.
Grâce à ce multi-controller inspiré des dispositifs en vigueur sur les voitures allemandes, il est facile de naviguer dans les différents menus, de faire défiler la consommation moyenne et instantanée, de consulter le kilométrage des trips partiels, la température de l'air, la pression des pneus ou encore de changer de fréquence radio ou de titre sur sa play-list. Et bien sûr de monter ou descendre le volume de la sono. Wunderbar !
Qualité incluse
Soumises à un examen minutieux, la BMW R1200RT et la Triumph Trophy 1200 SE n'attirent aucune critique particulière concernant leur qualité de réalisation et leur finition. Les matériaux sont qualitatifs au regard comme au toucher, l'ajustement des plastiques est parfait, tout comme les soudures et les traitements de surface. En même temps, c'est la moindre des choses sur des motos flirtant avec les 20 000 euros !
Les plus pinailleurs d'entre nous pourront simplement regretter que les câbles et les gaines courant autour du guidon de l'Anglaise ne soient pas un peu mieux camouflés - voire directement insérés dans ses longues branches comme sur certaines Harley-Davidson, par exemple.
Du côté de l'Allemande, ce sont les autocollants "R1200RT" bas de gamme placés sur ses flancs de carénages qui font un peu tâche... De plus, si elle se montre complète et bien agencée, l'instrumentation apparaît un poil tristounette avec son fond gris et ses aiguilles blanches. Les jolis cadrans chromés de la Triumph font incontestablement plus d'effet, tandis que son large écran digital s'avère plus lisible grâce à ses inscriptions de plus grosse taille.
Plus moderne, la Trophy 1200 SE accueille un astucieux vide-poches dans son retour de carénage gauche : non seulement il se verrouille automatiquement lorsque la moto dépasse 5 km/h, mais il renferme une prise 12 V, un connecteur USB relié à la sono et un clip servant à ranger une carte de crédit. La BMW est elle aussi pourvue d'un petit espace étanche avec prise USB (placé à droite), mais il demande un tour de clé pour s'ouvrir et se fermer : moins pratique aux péages.
Mais que valent ces deux reines de la route sur la route, justement ? En selle !
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CONDITIONS ET PARCOURS |
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POINTS FORTS BMW R 1200 RT |
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POINTS FORTS TRIUMPH 1200 TROPHY SE |
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POINTS FAIBLES BMW R 1200 RT |
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POINTS FAIBLES TRIUMPH 1200 TROPHY SE |
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