À force d'essayer des motos, de chercher leurs points forts, leurs points faibles et leurs limites, Moto-Net.Com est tombé sur une évidence : la chute n'épargne rien ni personne. Mieux vaut donc s'y préparer. Le Journal moto du Net revient sur sa bûche de Noël 2018... Récit.
Quand on cherche, parfois on trouve. Lors du premier essai presse du Triumph Scrambler 1200 par exemple, Moto-Net.Com est effectivement venu à bout du grip et de l'électronique de la moto... mais a aussi éprouvé son équipement et marqué sa chair.
Pour la première fois en 20 ans, le Journal moto du Net a expérimenté le parcours souvent fastidieux du motard accidenté, légèrement blessé en l'occurrence et dans un pays étranger qui plus est. Cela valait bien un article MNC qui ne parait qu'un an après le drame, mais vous allez comprendre pourquoi...
Il fallait être un peu bête - et journaliste essayeur - pour rouler au-dessus de ses bottes en ce 18 décembre 2018 très chagrin dans l'extrême sud du Portugal : brouillard épais, températures dans l'air et au sol fraîches, revêtements divers et variés - tantôt secs, tantôt mouillés. Mais jusque-là, tout roulait...
Dans le sillage de notre ouvreur Triumph et de deux confrères, MNC jouait au yoyo : des gravillons qui rebondissaient par moments sur notre beau casque tout neuf nous incitaient à rendre les gaz, puis des portions de route plus propres nous permettaient de recoller au "leader" anglais.
Ces courtes remontées étaient d'ailleurs l'occasion pour le Journal moto du Net de mettre la moto à l'épreuve en accélérant un peu plus fort, en mettant un soupçon plus d'angle, en tirant davantage sur les freins... Dans de bonnes conditions de roulage, ce type d'exercice est toujours un plaisir. Pas ce jour-là...
Dans l'écrasante majorité des cas, les motos modernes - même celles au look classique - donnent entière satisfaction, y compris lorsqu'on les sort de leur domaine de compétence. Mais certaines sont si efficaces, si enthousiasmantes ou si bien "vendues" par leur constructeur qu'on dépasse les bornes des limites !
Le grip des Metzeler Tourance, l'apport de la centrale inertielle et la finesse de l'ABS Continental, la docilité du twin "High Performance", la qualité des suspensions Öhlins, le toucher des étriers Brembo... Dans le cadre d'une utilisation raisonnable, le Scrambler 1200 XE comblera sans aucun doute ses propriétaires.
Jusqu'à l'entrée de ce gauche qui tue blesse, Moto-Net.Com était agréablement surpris par le comportement routier du nouveau trail-néo-rétro de Triumph. Malheureusement, la perte de l'avant en entrée de courbe (à environ 70 km/h) n'a pu être évitée, ni par le pilote survolté, ni par sa moto suréquipée.
Hypersophistiqué - bien plus que la dernière génération de sportive chez Hinckley par exemple (la Daytona 675 stoppée en 2017, pas la série très limitée de 765 Moto2), le Scrambler 1200 XE s'est néanmoins étalé de tout son long sur le bitume "gramouillé" portugais. Comme quoi, la technologie...
Fulgurante, la perte de grip n'a laissé aucune chance au pneu de raccrocher. Quant au coude sorti par MNC - par pur réflexe ! -, il ne pouvait en rien redresser le bestiau de 220 kg, sorti très vite de la route et stoppé tout net par un poteau... ou était-ce un arbre ? Peu importe.
De même, les rares et lointains cours de judo dispensés à l'école n'ont pas eu le temps de resurgir et d'adoucir la réception au sol. On apprend rarement à tomber dans la vie courante, on ne l'apprend pas plus en tant que motard. Seuls quelques pilotes de haut niveau essaient de travailler leur position : Sete Gibernau notamment, croisait les bras et posait les mains sur les clavicules. Efficace ? MNC vous laisse tester !
La première réflexion de Moto-Net.Com en se relevant de ce "low-side" : "t'es con, t'en as trop fait et tu t'en doutais"… Un conseil donc : quand une petite voix vous invite à baisser de rythme, écoutez-la ! Sur route, il ne faut jamais abuser de la poignée de gaz ou du levier de frein. Il y a le circuit pour ça.
Seconde remarque qui nous est (re)venue bien plus tard à l'esprit : il ne faut jamais relâcher son attention même - et surtout ? - après avoir franchi une difficulté. Pour mémoire, la présentation presse du Scrambler 1200 se déroulait en deux temps bien distincts.
"Pour nous prouver que leur moto est capable d'affronter tous types d'environnement, les responsables de la marque d'Hinckley nous invitent à tester leur nouveauté sur deux journées : la première a pour thème le tout-terrain (ce n'est pas la spécialité de MNC, donc prudence) et la seconde se déroulera sur route (là, ça va gazer !)", relatait le Journal moto du Net dans son essai.
Un mois avant cet involontaire "crash test", une autre chute - sans aucune conséquence cette fois - avait déjà rappelé Moto-Net.Com à l'ordre : une simple traversée de rond-point parsemé d'une fine traînée de gasoil nous avait valu une jolie glissade sur "notre" GoldWing d'essai.
Deux semaines plus tard, un second avertissement nous avait été aimablement lancé par deux confrères, piégés aux commandes de Z125 et Ninja 125 par une petite route espagnole légèrement luisante et excessivement glissante. Les soucis arrivant souvent en cascade, on aurait dû se méfier...
Après sa courte glissade sur le bitume portugais granuleux et humide, Moto-Net.Com pensait pouvoir repartir aussi "sec". Mais le doute s'installe devant la mine déconfite – voire carrément dégoûtée ! - de certains de nos camarades de virée : "Ca va, tu n'as pas trop mal ? Ne reste pas debout..." Obéissant, MNC se remet à terre, volontairement cette fois.
Aucune douleur ni étourdissement, pas même de gêne ou d'inconfort. Et pourtant, on nous conseille de s’asseoir et de rester calme ? Le Journal moto du Net entreprend donc un rapide bilan... Tous les membres bougent, tous les sens sont conservés. C'est le principal !
Petit coup d'oeil au casque (Shoei Ex-Zero) que nous avons nous-mêmes enlevé immédiatement après la chute : il est légèrement éraflé au-dessus de la tempe gauche. Obligatoire pour conduire un deux-roues motorisé, le casque vient de nous éviter un gros mal de crâne, une vilaine cicatrice ou bien pire encore.
Au passage, MNC conseille vivement de porter un casque intégral : en l’occurrence notre menton n'a pas tapé, mais on ne sait jamais où, quand et comment on va tomber à moto ou en scooter. Le jet, c'est bon pour les pilotes d'avion de chasse. Le modulable, alors ? Oui, à condition de fermer la mentonnière dès qu'on roule...
Obligatoires en France depuis fin 2016, les gants (Segura Cassidy) nous ont également épargné de vilaines blessures. Les renforts sur le haut de la main droite sont râpés mais ont tenu le coup. Un trou apparaît au niveau du pouce - qui saigne un peu mais n’est pas douloureux.
Le pantalon (Segura Julys), avec ses protections aux hanches et aux genoux, semble avoir parfaitement tenus leur rôle : le jean est abîmé et sale, mais en un seul morceau. Des stigmates sont aussi présents au niveau du tibia gauche, mais la botte - très - haute a absorbé le choc.
Justement, nos bottes (de vieilles mais inusables Alpinestars SMX Gore-tex) sont limées à de nouveaux endroits : jusqu'ici, seuls les bouts extérieurs avaient parfois rasé le sol, en virages sur des motos à faible garde au sol. Cette fois, les pièces en plastique protégeant la malléole sont carrément rectifiées.
Il n'y a qu'au niveau du blouson (Segura Stripe) que Moto-Net.Com est déçu. Le bouton pression de la manche gauche a sauté et la fermeture Eclair s'est brisée, si bien que l'avant-bras s'est retrouvé à nu. Oui, à nu contre le bitume... D'où le sang qui coule, heureusement pas trop abondamment.
"Planté" au beau milieu de l'Algarve, MNC patiente sagement que l'ambulance arrive. L'attente est longue - près d'une heure ! - dans la camionnette du staff technique Triumph, mais au moins il y fait chaud et la trousse de premiers secours a permis de nettoyer grossièrement la plaie au coude.
Les diagnostics des collègues journalistes sont alors divers et (a)variés : c'est superficiel ou c'est super profond, on ne voit rien ou on voit l'os, il va falloir des points de suture ou une greffe de peau... Merci les gars, mais on attendra l'avis d'un professionnel pour être soulagé ou s'inquiéter !
Alors que les ambulanciers effectuent les premiers soins sur place, des policiers en vadrouille s'arrêtent à leur tour. Permis de conduire, carte grise, assurance... Tout est scrupuleusement contrôlé. Un constat est rédigé en portugais avec l'aide d'un responsable Triumph qui, fort commodément, maîtrise la langue d'Oliveira (Miguel, bien sûr).
S'en suit une bonne heure de transfert vers l'hôpital, dans le fond de l'ambulance, à voir de jolies petites routes sinueuses défiler à l'envers. Burp ! Le pouce droit commence à gonfler et le coude gauche à picoter, mais tout cela reste parfaitement supportable.
À peine débarqué à l'hôpital de Faro, une secrétaire nous demande notre carte européenne d'assurance maladie (CEAM). Ah, c'est ballot, elle est restée à Paris. Il faudra se contenter des cartes d'identité et vitale françaises. Et de la carte bleue aussi, oui.
En chemin pour la salle d'attente, une infirmière nous demande : "Vos vaccins sont à jour ? À quand remonte votre dernier rappel contre le tétanos ? Vous savez, le DTP". Grosse pression de notre interlocutrice, petite sueur de notre part. Récent le rappel, récent (11 ans, après vérification. Il faut désormais les faire à 25, 45 et 65 ans puis tous les dix ans).
La salle d'attente est pleine, mais pas à craquer. Là encore, MNC prend son mal en patience. Facile à dire et à faire quand on ne souffre pas. On respire alors tranquillement, on garde la couverture de survie sur soi et on se change les idées en bavardant.
Notre voisin s'est permis d'ouvrir la discussion - le monologue - à la vue du tee-shirt "Triumph" porté par le responsable presse qui nous accompagne aimablement et efficacement. "Je suis anglais ! Cela fait 20 ans que je vis ici et je suis absolument ravi", nous explique-t-il.
Le petit vieux, apparemment en très bonne santé, nous parle de la météo plus agréable ici qu'en Angleterre, de la nourriture plus à son goût et du coût de la vie plus raisonnable... Il vit ici avec sa femme et remonte rarement voir sa famille qui ne lui manque visiblement pas. Un vrai paradis, le Portugal !
Mais au fait, de quoi souffre notre nouvel ami ? "Oh, je me suis fait opérer ici de l'épaule il y a deux semaines et la plaie est infectée". Ambiance... Sur ce, l'infirmière réapparaît et nous demande de la suivre. Pas le bloc opératoire, pas le bloc opératoire...
Un médecin nous reçoit… en français ! Rapide résumé de la situation, coup d'oeil à la plaie du coude, auscultation du pouce, examen des autres articulations, contrôle du toucher, vérification de la vue, etc. Le bilan est rapide mais semble complet.
"Rien de grave au final", nous rassure le Doc : "on nettoie, je vous prescris antibiotiques et antidouleurs, vous rentrez à l'hôtel dès maintenant puis en France demain comme prévu. Une fois chez vous, achetez du tulle gras et de la vaseline pour changer le pansement toutes les 24 heures. Vous pouvez repartir". OK docteur, obrigado beaucoup !
Le soir même, certains camarades sont tout étonnés de nous voir au dîner. Les plus expérimentés nous recommandent de prendre un second avis médical et de parer au plus simple et rapide : aller aux urgences le plus tôt possible, plutôt que prendre un rendez-vous chez le médecin traitant.
Moto-Net.Com se rend donc une seconde fois aux urgences, françaises cette fois. Là, le médecin écarquille les yeux : "ils ne vous ont pas recousu ? C'est bien dommage avec une dermabrasion aussi profonde. Au bout de 48h, on ne peut plus rien faire. La cicatrisation va être bien plus longue et la cicatrice sera bien moins jolie"...
Comment lui avouer que le Journal moto du Net était soulagé de quitter au plus vite les urgences portugaises... à tort, sans doute ! Notre deuxième médecin procède à un nouveau contrôle du pouce droit, désormais bien enflé et coloré : "Mmmm, vous n'avez pas mal quand je le bouge ?". Euh, non docteur. "Donc on le laisse tranquille". Très bien. C'est vous le doc, doc.
Passent les joyeuses fêtes de fin d'année, mais pas la malheureuse douleur au pouce... Impossible de se brosser les dents de cette main, difficile de tenir des couverts... Mais tant qu'on ne les brusque pas, le doigt et la main ne font pas souffrir. Alors on attend. Un mois.
Les soins au coude se poursuivent et la plaie se referme progressivement. Le repos du pouce lui permet de reprendre son aspect normal et MNC peut reprendre le guidon : incapable de faire une pompe ou de serrer une main sans frémir, nous sommes parfaitement en mesure de tenir un guidon, d'accélérer et de freiner.
Certes, une furtive douleur apparait le matin en enfilant le gant droit, mais cela n'entame pas notre enthousiasme ! Au fur et à mesure de la journée, la douleur se fait plus présente et lancinante, mais ne devient jamais handicapante. Pas de quoi se plaindre, non vraiment.
Fin janvier 2019, Moto-Net.Com reçoit une lettre du Portugal : "pour compléter votre dossier, veuillez nous envoyer les pièces justificatives suivantes : carte européenne d'assurance maladie, certificat de l'employeur, constat d'accident, etc.", nous fait savoir la direction de l'hôpital.
Heureusement, MNC a soigneusement conservé tous ses petits "souvenirs" de Faro et n'a rien jeté, y compris cet insignifiant bout de papier rempli avec la police ! Tout rentrera dans l'ordre. Ce même dossier bien classé nous accompagne à chaque visite chez l'infirmière, le docteur... ou le kiné !
Car au mois de mars, lassée par nos grimaces et soupirs, Mme MNC nous persuade - enfin ! - de consulter un kinésithérapeute. Celui-ci tient à connaître le type de bobo dont nous souffrons avant de nous manipuler. "Comment ça, vous n'avez jamais fait de radio ?". Ben non, ma femme voulait mais pas le médecin urgentiste...
Passage éclair aux rayons X et le verdict tombe : c'est une fracture du métacarpe 1, rapports ostéo-articulaires conservés, structure osseuse normale. Enfin, c'était une fracture, aujourd'hui elle est en voie de consolidation... imparfaite, d'où la gêne ressentie durant trois mois.
Sur les conseils d'un spécialiste du membre supérieur, la décision est prise de ne pas opérer : "une opération serait fastidieuse, le résultat incertain et l'arthrose dans les vieux jours inévitable", nous apprend notre énième interlocuteur médical. Mieux vaut attendre encore et voir si l'inconfort parfois ressenti disparaît petit à petit.
Moralité : au guidon comme à la maison, il faut écouter les petites voix qui nous poussent à prendre soin de soi. Ce qui nous a trompés ? La chute n'avait rien de vertigineuse (comme tomber d'une chaise) et l'impact semblait léger. Puis les antidouleurs nous ont permis de dormir, manger et travailler presque normalement... mais leur effet a faussé les premiers diagnostics. Une foulure du pouce ? Tu parles !
La prochaine fois (!),MNC hésitera moins à se plaindre ou à passer pour un benêt. Il est nécessaire de bien vérifier que tout est en ordre, sur le plan physique comme administratif. MNC passe en effet rapidement sur les heures perdues à échanger avec la Sécu à propos du certificat médical initial qui ne nous avait pas été remis à notre sortie des urgences en France...
Noël 2019 est déjà là, et notre dossier médical est clos. Provisoirement clos, car Moto-Net.Com garde de petites séquelles au pouce droit. Ce dernier n'a plus tout à fait la même mobilité et il réduit aussi l'endurance de la main droite... pour porter un bébé, what did you expect ?!
La chute a aussi laissé quelques traces dans la tête : lors du récent baptême copieusement arrosé de la Z900 par exemple, les prises d'angles étaient moins vives et prononcées qu'autrefois. Entre deux virages, il a bien fallu tester la nouvelle électronique du roadster Kawasaki. Chercher les limites de la moto et de son pneu... Mais sans tomber, cette fois !
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