Le bilan annuel de la mortalité routière confirme les tendances observées tout au long de l'année 2022 : le total de victimes se stabilise à 3260 grâce à une petite diminution de la mortalité auto (-3,6%) et moto (-4,5%), tandis que cyclistes et "trottinetistes" sont de plus en plus exposés. Explications et analyses dans notre point MNC.
Le bilan provisoire de l’Observatoire national interministériel de la sécurité routière (ONISR) fait état de "3260" morts et "236 000 blessés" - dont "16 000" dans un état grave - sur les routes de France métropolitaine sur l'année 2022. Ces chiffres sont considérés comme "quasi-définitifs" par l'instance gouvernementale.
Le nombre d'accidents mortels est en hausse de "+10,7%" par rapport à 2021 (2944 tués), résultat qui peut paraître préoccupant : l'ONISR préfère s'étalonner avec le bilan 2019 et ses 3244 morts, soit une augmentation cette fois limitée à "+0,5%. Pourquoi remonter à deux ans ? Pour limiter les biais induits par les actions prises pour enrayer la circulation du Covid.
"L’année 2022 est marquée par la fin des restrictions sur les déplacements et des obligations de télétravail", rappelle l'ONISR. "Même si la pandémie de Covid-19 est toujours active, les déplacements et l’accidentalité ont retrouvé un niveau proche de celui d’avant pandémie, avec néanmoins une évolution des mobilités vers des modes de déplacement doux (vélos, engins de déplacement personnel motorisés - EDPm - dont les trottinettes électriques)".
Ces modes de déplacement dits "doux" accusent justement de fortes hausses d'accidentalité : la mortalité des cyclistes augmente de quelque "+30%" avec 244 tués (57 en 2019), tandis que celle en trottinettes, gyropodes et autres "engins de déplacement personnel motorisés" passe de "22" décès en 2019 à "34" en 2022.
"Les usagers de ces modes de déplacement représentent désormais 8% des tués et 20% des blessés graves", s'inquiète l'instance rattachée au ministère de l'intérieur... Et pour cause : cyclistes et "trottinetistes" sont les seules catégories d'usagers à enregistrer de telles augmentations en 2022.
La raison ? Le "boom" de ces moyens de transports, mais surtout la stupéfiante tolérance dont ils bénéficient au motif de leur format considéré "vertueux". Comment justifier par exemple qu'une trottinette électrique se faufile à 25 km/h entre les files de voitures, sans imposer le port obligatoire du casque et un minimum de formation à ses conducteurs ?
Pourquoi une telle permissivité sur ces véhicules - par ailleurs fréquemment débridés - sur lesquels les jeunes se déplacent à deux, voire à trois (si, si !) en toute impunité ? La France est pourtant championne du monde de la "sur-réglementation" : preuve en est son rageant volte-face sur le contrôle technique pour les motos et scooters !
Idem pour les cyclistes : l'explosion de la pratique - essentiellement portée par les Vélos à assistance électrique (VAE) - est sans conteste une bonne chose pour la santé et l'environnement, mais doit être davantage encadrée. MNC frémit chaque jour en apercevant des enfants négligemment accrochés à leurs parents sur des vélos électrifiés de fortes capacités…
Feux rouge grillés, protection absente ou minimale - non : une jupe tailleur n'est pas un EPI ! -, Code de la route bafoué sont des scènes devenues banales en ville et à la campagne (la mortalité cycliste hors agglomération augmente de 47% en 2022). Des mauvaises habitudes portées par le développement de VAE de plus en plus performants et endurants, avec l'approbation tacite des pouvoirs publics.
Certains vélos "à piles" fournissent autant de couple qu'une moto ! Exemple avec la nouvelle génération de moteurs électriques Yamaha, acteur historique de ce secteur en forte croissance : ses nouveaux blocs intégrés au pédalier - PW SeriesS2 et PW X3 - sortent respectivement 75 et 85 Nm de couple, soit plus que son best-seller MT-07 (67 Nm) ! Pas besoin d'appuyer bien fort sur les pédales avec une telle "assistance"...
Les motards et les scootéristes - qui sont obligés, eux, de suivre une formation poussée, de porter des équipements normalisés et d'assurer leur deux-roues, en plus d'avoir parfois à payer pour stationner ! - terminent l'année avec 715 tués, soit 34 de moins qu'en 2019.
MNC calcule que cette baisse s'établit à 4,5% : les usagers deux-roues motorisés sont - sauf erreur ou correctif à venir - parmi les excellents élèves de ce bilan provisoire, devant les automobilistes ! La délégation à la sécurité routière omet pourtant de s'en réjouir… alors qu'elle est en revanche la première à monter en épingle les mauvaises statistiques des motards !
Si la mortalité voiture marque une baisse avec 1563 tués (- 59 Vs 2019), celle-ci s'élève à 3,6% selon les calculs MNC. Automobilistes comme motards et scootéristes enregistrent par ailleurs une baisse de "7%" des blessés graves, avec respectivement "4800" et "5300" personnes blessées gravement. "La baisse est due à la réduction des victimes 2RM en agglomération", précise l'ONISR.
Autre donnée intéressante : les accidents mortels sur routes hors agglomération sont en baisse avec "1926 tués" (- 18 morts Vs 2019). Les routes en agglomérations enregistrent aussi une légère diminution avec 1034 tués (- 3 morts Vs 2019). Les nombres de blessés graves dans et en dehors des agglomérations sont similaires à 2019 (respectivement 7200 et 7600).
La mortalité sur autoroute passe à l'inverse de 263 à 300 tués, soit un bond de 37 morts. Pas d'évolutions significatives en revanche pour le nombre de blessés graves sur le réseau payant : 1100 accidents avec des blessures importantes, soit "-2%" par rapport à 2019.
Ce qui signifie concrètement que le nombre d'accidents mortels est resté stable sur les différents types de réseaux routiers en 2022, à l'exception de l'autoroute. Cette stabilité est à mettre en perspective avec le relèvement de la vitesse de 80 à 90 km/h dans de nombreux départements depuis l'été 2019 : autrement dit, la mortalité est similaire à 80 ou 90 km/h. CQFD !
Ce constat a priori logique n'est pas vraiment au goût de l'Observatoire national interministériel de la sécurité routière, qui affirme au contraire que "le nombre de tués sur routes hors agglomération dans les départements avec des limitations de vitesse à 90 km/h évolue de +1% par rapport à 2019, contre -2% pour ceux restés à 80 km/h".
Sauf que l'instance gouvernementale ne détaille pas ses interprétations, notamment en ce qui concerne la durée pendant laquelle les réseaux départementaux sont restés à 80 km/h avant de repasser à 90 km/h. La précision est importante : certaines demandes de relèvement de la vitesse ont certes été réalisées dès 2019, mais d'autres sont encore en cours !
Comment mesurer l'impact de la vitesse sur l'accidentologie dans le cas d'une route qui aurait passée une partie de l'année à 80 km/h puis à 90 km/h ?! Sachant que toutes les routes ne sont pas ouvertes à un relèvement de la vitesse maxi : certains départements sont contraints de mixer entre 80 et 90 km/h, au prix de doutes et de sueurs froides pour les usagers…
L'abaissement de la vitesse de 10 km/h - imposé en juillet 2018 - avait pour mémoire fait l'objet d'un assouplissement l'année suivante suite à son rejet massif par les français, gilets jaunes en tête. De mauvaise grâce, le gouvernement avait accepté de revenir sur cette mesure particulièrement contestée.
Les départements qui le souhaitent sont depuis autorisés à revenir aux 90 km/h, à condition toutefois de satisfaire tout un tas de critères volontairement dissuasifs. A condition, aussi, de payer de sa poche les frais nécessaires pour remplacer les panneaux "80" qui venaient parfois à peine de remplacer les "90" !
Au dernier comptage, 46 départements sont revenus à la limitation à 90 km/h : le dernier est le Gard (30), dont le Conseil départemental hésite encore entre un retour partiel ou total à la normale l'ancienne vitesse sur son réseau secondaire.
"Que ce soit la baisse généralisée à 80 km/h en 2018 comme le retour progressif à 90 km/h, aucune mesure n'aura eu d'effet positif comme négatif sur l'accidentalité", observe 40 millions d'automobilistes en réaction à la publication du bilan annuel de la mortalité routière.
"Hormis le fait de cristalliser l'opinion publique avec une mesure impopulaire, le 80 km/h restera comme le principal échec des mesures gouvernementales pour endiguer l'accidentalité", accuse l'association, qui rappelle que le Gard revient aux 90 km/h après avoir vécu une année 2022 particulièrement meurtrière à… 80 km/h.
"Ce qui prouve bien qu’il ne suffit pas de changer un 9 par un 8 sur les panneaux pour sauver des vies, mais que la sécurité routière est avant tout une affaire de comportement", conclut son délégué général Pierre Chasseray.
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