Triple essai KTM 990 SMR, Super Duke R et RC8 R : un délicieux R d'arsouille !

Véritable best-seller routier de la gamme KTM, la Super Duke s'est rapidement taillée une réputation sulfureuse parmi les ténors de la catégorie du roadster sportif. Affûtée en 2007 (réservoir plus gros, injection et set-up de suspensions peaufinés), la Super Duke ferait presque passer certaines de ses concurrentes pour de placides routières...

Taillée à la serpe - une spécialité autrichienne -, pousse-au-crime et ultra-efficace, la Super Duke est plus que sanguine et ne donne pas dans la demi-mesure. C'est d'ailleurs cette réputation flatteuse qui intrigue au moment de découvrir la déclinaison R : en quoi cette boule de nerfs à la tenue de route sans faille peut-elle réellement viser plus haut sur le plan dynamique ? Deux tours de circuit plus tard, la réponse saute aux yeux et c'est franchement impressionné par la vigueur et la précision de cette Superduke R que nous enchaînerons les sessions jusqu'à plus soif...

D'abord, il y a le moteur : rageur et puissant sur la version standard, le LC 8 de la R envoie une cuillérée de couple supplémentaire (102 Nm contre 100 Nm), mais surtout 12 chevaux de plus à la roue arrière (132 ch contre 120) !

Or les bourrins autrichiens n'ont rien du tranquille Percheron : agressifs et volontaires dans les tours, ils se font suffisamment dociles dans le bas du compte-tours pour autoriser de franches reprises à 2 500 tr/mn. Passé les mi-régimes, c'est l'envolée : la Super Duke R se rue en avant avec rage tandis que l'amortisseur de direction réglable monté pour l'occasion régule les rares amorces de guidonnage !

Derrière sa peinture spécifique, la R cache aussi une partie cycle radicalisée par rapport à sa "soeur" : le débattement de la suspension arrière est réduit de 10 mm, la chasse de 6,8 mm (93,9 mm au lieu de 100,7 mm) et la selle monoplace - en chêne massif ! - grimpe à 865 mm (850 mm sur la Super Duke standard). Et si le poids n'évolue pas (186 kg sans essence), la R paraît plus légère tant elle se montre encore plus vive et incisive.

La balancer de courbe en courbe s'avère d'une aisance déconcertante, tant la moto plonge à la corde avec une vivacité réjouissante. Malgré ses mensurations plus extrêmes, la Super Duke R n'amorce aucune réaction parasite aux changements d'angles et ses suspensions sèches "lisent" la piste à la perfection... au moins sur le bitume lisse comme la peau d'un bébé du tracé de la Ferté Gaucher !

Déclenchant son virage soit via le très beau guidon Renthal, soit d'une pression sur les repose-pieds, le pilote bénéficie d'un retour d'informations très précis qui permet de solliciter toujours un peu plus le grip insondable des Pirelli Supercorsa. Les entrées en courbe deviennent alors autant de prétexte à solliciter une fourche brillante d'efficacité, qui parvient à juguler l'incroyable violence du système de freinage Brembo à fixation radiale !

Déjà costaud sur les trois motos essayées, le freinage de la Super Duke R est ainsi le plus mordant de notre triple essai. Or, si sa réponse immédiate - une demie phalange suffit à déclencher un stoppie ! - enchante et ne pose pas vraiment de problèmes sur piste, l'affaire risque d'être toute autre sur une petite route de campagne bosselée et vaguement humide...

D'autant que le pilote devra aussi composer avec l'absence d'embrayage anti-dribble : avec autant de couple et de compression moteur, les rétrogradages violents aux abords des virages serrés demandent un minimum de circonspection ! Néanmoins, la boîte accepte les passages à la volée sans autre forme de procès, tandis que le large guidon octroie une précision diabolique dans les petits coins !

Avec son inflation mesurée de 1000 € (13990 €), la Superduke R constitue une alternative plus qu'attirante pour le motard sportif à la recherche de l'outil ultime, capable de pourrir une sportive sur petites routes et même sur un circuit sinueux. Cependant, le roadster de Mattighofen requiert un bon bagage technique et impose de toujours garder la tête froide, face à son freinage d'outre-tombe et à ses vitesses de passages en courbes supersoniques !

En fait, ce n'est pas tant que la machine soit délicate à dompter, mais le rythme qu'elle permet (impose ?) de tutoyer est extrêmement élevé... C'est exactement le genre de moto excitante qui piaffe d'impatience de renvoyer vos limites très loin et qui donne l'impression qu'avec un dérouleur de road-book et deux phares additionnels, il serait possible de faire de l'ombre à des cracks du rallye routier...