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Circuit Carole (93), le 31 août 2018

Interview de Stéphane Geslin, pilote de Ducati Panigale V4 en European Bikes

Interview de Stéphane Geslin, pilote de Ducati Panigale V4

Stéphane Geslin, champion du Challenge Protwin 2014 inscrit cette année en European Bikes, est l'un des premiers pilotes moto en France à courir sur la bestiale Ducati Panigale V4 ! Comment en est-il arrivé là ? Portrait.

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Moto-Net.Com : Bonjour Stéphane, peux-tu te présenter en quelques mots ?
Stéphane Geslin :
Bonjour à tous, je m'appelle Stéphane Geslin, j'ai 42 ans et je travaille pour Petroineos qui exploite les raffineries de Lavéra, à Martigues.

MNC : Tu as le permis moto ?
S. G. :
Oui.

MNC : Depuis combien de temps ?
S. G. :
Depuis... Oh, là... Depuis 1994.

MNC : Tu roules toujours sur route ?
S. G. :
Plus maintenant, non. Depuis que j'ai attaqué la compétition moto, je ne roule plus sur route.

MNC : Ça remonte à quand ?
S. G. :
À 2013.

MNC : Pourquoi rouler exclusivement sur circuit ?
S. G. :
La peur du gendarme ! Et la peur de me faire mal aussi, parce que lorsqu'on commence à bien savoir rouler sur piste, on est tenté de mettre en application ses acquis sur la route et ça va beaucoup, beaucoup trop vite... On n'a plus de marge d'erreur ! Ce n'est pas compatible avec mon caractère un peu fougueux, avec le fait que j'aime bien m'amuser avec les motos que je pilote.

MNC : Quelle était ta première moto ?
S. G. :
J'ai passé le permis sur un 500 CB, mais ma première moto perso était un 500 GPZ de 1993. À l'époque, je ne pouvais pas m'assurer avec grand-chose... On va dire que la Kawa était la moto la plus sportive que je pouvais assurer au tout début (rires).

MNC : Tu as roulé sur piste avec cette GPZ ?
S. G. :
Non, jamais.

MNC : Alors ton baptême sur circuit ? C'était quand et sur quelle moto ?
S. G. :
Ma première fois sur circuit, c'était avec un 1000 GSX-R K1, en 2001. C'était une petite journée roulage organisée sur le circuit du Grand Sambuc, près d'Aix-en-Provence (13). À l'époque je faisais le fou sur la route, donc on m'a dit : "essaye le circuit, tu risques de te faire mal sans ça !" Et tout est parti de là. Je me suis rapidement acheté un 750 GSX-R à carbus, une moto de piste qui était en sale état. Je suis ensuite repassé sur le 1000 GSX-R K1 pendant plusieurs années.

 Interview de Stéphane Geslin, pilote de Ducati Panigale V4

MNC : Les Ducati sont arrivées plus tard ?
S. G. :
J'ai toujours été passionné de Ducat', mais c'était inaccessible pour moi, trop cher. Alors dès que j'ai pu m'en payer une, je l'ai fait.

MNC : Rouler sur circuit est une chose, mais faire de la compétition en est une autre. Ta première course avec essais, qualifications, des spectateurs, etc., c'était quand ?
S. G. :
En 2013, en Protwin. La saison s'est très bien passée, je pilotais alors la première Panigale, celle de 2012, avec laquelle je m'étais un peu entraîné. Des potes m'ont encouragé : "vas-y, lance-toi en compétition, on monte une petite équipe et on te suit !" Je n'étais pas forcément très chaud, mais j'ai franchi le cap et j'ai chopé le virus.

MNC : Ta première victoire est arrivée quand ?
S. G. :
C'était à Magny-Cours, en marge du Bol d'Or 2014. C'était la course d'ouverture du championnat Protwin. J'ai gagné le titre cette saison.

MNC : C'est ton meilleur souvenir en compétition ?
S. G. :
Non, mon meilleur souvenir c'est au Bol d'Or 2016, avec un podium Supertwin sur la 121 du Ducati Esprit Racing Team. On a fait la course à deux avec Stéphane Cancela, car le troisième pilote s'était blessé dans son premier relais. En fait, on était les seuls dans notre catégorie à l'arrivée, mais on a terminé la course, c'était déjà pas mal !

MNC : La moto sur circuit n'est pas sans risque. Tu as un moins bon souvenir à évoquer ?
S. G. :
Oui... L'année dernière au Mans, j'ai eu un très gros accident qui a bien failli mettre un terme à la moto pour moi. J'ai été arrêté pendant six mois.

MNC : Que s'est-il passé ?
S. G. :
J'étais passé sur BMW, toujours en European Bikes. Dès ma première course, dans le deuxième tour, ma S1000RR est resté gaz en grand alors que je rentrais dans le virage du Musée. Je suis allé frapper le mur en face... J'ai perdu connaissance, je me suis cassé des côtes, des vertèbres et un avant-bras. J'ai encore des séquelles du trauma crânien et je n'étais pas censé rouler cette année.

MNC : Et finalement tu roules sur la Panigale V4 ?!
S. G. :
Oui, car le team LRT m'a contacté pour rouler avec eux. Ils m'ont proposé de belles choses, afin de développer la Panigale V4 justement, qu'ils aligneront l'année prochaine en catégorie Superbike. Mais je n'ai pas d'objectif, je profite vraiment de chaque course. D'ailleurs je n'ai pas disputé le championnat complet, j'ai attaqué à partir de Lédenon. Je cherche à me faire plaisir, sans pression. Si ça marche, alors très bien, sinon tant pis, l'essentiel est de repartir avec le sourire.

MNC : Comment se passe le rodage de la Panigale V4 ? Satisfait des performances ?
S. G. :
Oui ! J'ai terminé quatrième dès la première course à Lédenon, quatre à Pau également. Au plus mal, j'étais huitième. Donc je navigue dans le Top 10 et je suis content ! Hier (samedi 25 août à Carole, NDLR), j'ai fait le holeshot puis deux tours en tête alors que ce n'était pas prévu (sourire). Après j'ai rétrogradé un petit peu, j'ai fini cinquième, mais sur un circuit que je ne connais pas car je n'avais roulé qu'une fois dessus. Donc c'est sympa !

MNC : Tu ne regrettes donc pas ton retour à la compétition sur cette toute nouvelle Ducati...
S. G. :
Non, c'est sûr. Je roulais sur le V2 avant. N'importe comment, étant donné ma courte parenthèse chez BMW qui ne m'a pas plu du tout, je ne me voyais reprendre que sur une Ducat'. Tout le monde bavait sur la V4, moi le premier, donc quand on m'a proposé de développer la moto, je n'ai pas pu refuser même si ce n'était pas la bonne année pour le faire.

 Interview de Stéphane Geslin, pilote de Ducati Panigale V4

MNC : Le développement de la moto se déroule bien ?
S. G. :
On apprend petit à petit, car c'est une moto qui est très, très puissante. On a envie de passer cette puissance au sol, mais c'est très compliqué. Il y a un gros boulot de la part du pilote, car l'approche de la moto est différente. Mais il y a aussi beaucoup de petits réglages à faire sur la machine. On fait ça pas à pas. Elle est de plus en plus agréable à piloter et les chronos sont là : sur tous les circuits visités cette année, je suis plus rapide avec le V4 qu'avec le V2, malgré ma condition qui n'est pas au top et mon manque de préparation. Alors que je me sens moins bon, personnellement, ça veut dire que la moto est beaucoup plus performante !

MNC : Pour reprendre une formule bien connue, "Sans maîtrise, la puissance n'est rien" ! Cette moto est la plus puissante des Superbike actuellement, mais il faut réussir à l'utiliser. L'électronique est d'une grande aide, non ?
S. G. :
Oui, mais il y a deux écoles ! Un Thierry Mulot (engagé lui aussi sur une Panigale V4 en European Bikes et vainqueur de la course de samedi, NDLR) dira qu'il ne faut pas d'assistances là-dessus et il fait tout à l'ancienne. Euh, moi je me rends compte que j'ai besoin d'électronique. À chacun son niveau, sa façon de piloter, son ressenti. Avec l'électronique, nous essayons de rendre la Panigale la plus douce possible, tout en gardant le maximum de puissance. Un pilote de très, très haut niveau voudra autre chose. David Muscat (inoxydable pilote Ducati en championnat de France Superbike, NDLR) a essayé la Panigale de Thierry, il s'est éclaté avec ! Moi aussi je me régale avec la mienne. Après, on entend des gens qui ne sont pas totalement contents de cette moto. Je pense qu'elle demande surtout un sacré niveau.

MNC : Il faut la dompter...
S. G. :
Oui, voilà. Un très bon pilote fera de très belles choses. Un pilote moins bon va la trouver compliquée... parce qu'elle l'est ! Châssis, moteur, électronique, pilote : ce n'est pas en quatre roulages qu'on trouve les solutions.

MNC : Quel est l'impact de la compétition moto sur ta vie ?
S. G. :
Au tout début, l'impact était massif car je faisais quasiment tout tout seul. C'était des semaines et des semaines de préparations pour les courses, la moto... surtout quand on roule sur une Ducati, car elle demande un entretien méticuleux et un excellent suivi. Ça me prenait énormément de temps, or j'ai une famille : trouver du temps pour tout le monde, ma femme, mes deux enfants, c'était parfois un peu compliqué. Cette année, j'apprécie vraiment beaucoup de rouler avec le LRT car je ne m'occupe plus de rien. Juste de ma vie de pilote entre guillemets : là par exemple, je suis venu en avion pour participer à cette manche à Carole. Je n'ai pas eu des semaines de préparations, 10-12 heures de route, arrivé mort et installer le stand, repartir tout de suite après la course. Demain matin (lundi, NDLR), j'irai au travail sans être rincé.

MNC : D'un point de vue professionnel, justement, ça se passe comment ?
S. G. :
C'est toujours compliqué à cause des congés qu'on ne peut pas toujours poser comme on veut. J'assure des chantiers, donc la priorité reste le travail. Mais au final, on arrive à se débrouiller. Et puis les collègues sont fiers : un coup je suis passé dans le journal, ils étaient tout fous ! Ils comprennent mieux ce que je fais, ça justifie mes absences (rires).

MNC : Et d'un point de vue financier, comment gères-tu ?
S. G. :
C'est toujours la quête des budgets, des sponsors... et c'est de plus en plus compliqué. Ce qui m'aide, c'est mon titre en Protwin et mes manches en EWC, toujours sur Ducati. Il faut toujours tenir les pieds chauds aux partenaires, leur renvoyer l'ascenseur au maximum. Les réseaux sociaux sont pas mal pour ça. Car niveau médiatique, il n'y a rien...

 Interview de Stéphane Geslin, pilote de Ducati Panigale V4

MNC : Profite justement de cet interview pour saluer tes partenaires et mécènes !
S. G. :
Commençons par Desmo Racing qui est un fournisseur de pièces de course et tuning spécialisé dans la Ducati basé à Berre-l'étang (13). Il me tient vraiment à coeur car c'est mon premier partenaire, il me suit depuis mes débuts et c'est devenu un ami. Il y a Danesi Industries, une société de peintures industrielles que je connais grâce au travail, ADesign Créations qui se charge des décos de la moto, j'ai même un petit cordonnier du coin qui me répare les combis ou les bottes quand je tombe...

MNC : Tous sont des passionnés de moto ?
S. G. :
Pas nécessairement, non. Ce sont des gens qui voient ce que tu fais, l'investissement que te demande la compétition moto, les sacrifices accordés et qui se disent : "Ah quand même, je vais l'aider, même à ma petite échelle". Ils ont le coup de coeur et deviennent tes amis. Un truc est sûr : ils ne sont pas là pour se faire de l'argent, ni même pour de la publicité car ils savent qu'il y a très peu de communication. Ils ont envie d'aider, de te faire plaisir, de se faire plaisir aussi. Après j'ai la famille, mes parents, mon frère, beaucoup m'aident quand ils le peuvent.

MNC : Leur retour sur investissement c'est ton titre en Protwin, tes résultats , tes podiums ?
S. G. :
Exactement. On ne reçoit pas de primes, on ne redistribue pas d'argent. Si tu as de bons résultats, les gens sont heureux et ça leur donne envie de continuer. Mais il faut assurer côté pilote aussi : quand tu t'engages à disputer un championnat, tu le fais jusqu'au bout. Je tiens toujours à respecter mes engagements. Seule une blessure peut me faire arrêter, comme l'an dernier quand je me suis envoyé en l'air. À part ça, quel que soit les soucis (financiers, techniques, sportifs ou autres), il faut trouver des solutions et aller au bout. Sans ça, tu perds toute crédibilité et on ne te suit plus la saison suivante. Dans la moto ça devient de plus en plus compliqué. Il y a de plus en plus de pilotes qui font de beaux pressbooks en début d'année, font deux ou trois courses et abandonnent si ça ne marche pas !

MNC : Ce week-end à Carole, c'est l'avant-dernière épreuve de la saison FSBK 2018 et il y a nettement moins d'engagés qu'en début de saison. Dans les paddocks, on dit que c'est à cause des vacances, du circuit qui n'est pas le plus sensationnel de France, des casses mécaniques et des blessures. Mais il y a aussi une baisse de motivation ?
S. G. :
Ce qui joue le plus à mon avis, ce sont les blessures et les casses. Mais ensuite, il y a l'aspect financier : si tu es tombé deux ou trois fois, ou si tu as passé un peu plus de pneus que prévu... Certains aussi se désengagent s'ils s'aperçoivent que leur objectif au classement final n'est plus atteignable. Ils préfèrent tout stopper, économiser et repartir la saison prochaine.

MNC : Tu as calculé combien te coûte la compétition moto ?
S. G. :
On va parler hors moto, car il y a différents moyens de s'en procurer une (l'achat neuf ou d'occasion, la location ou le prêt mais pas le vol, hein, jamais, NDLR !). Si je fais tout moi-même, que je tire tout au maximum, il faut compter 15 000 euros pour la saison complète. En passant cette année dans le team avec la structure complète qui s'occupe de tout, j'en suis quand même à environ 14 000 euros pour cinq courses.

MNC : Merci pour toutes ces infos. Bonne course... Tu m'attends pour me montrer les trajectoires ?
S. G. :
On va essayer (rires). Merci à toi et bonne course aussi !

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