La nouvelle municipalité parisienne s'élève contre la circulation des motos sur les voies de bus, mettant fin à un usage très répandu et toléré par les forces de l'ordre. Yves Contassot, adjoint écolo du maire de Paris, s'explique sur Moto-Net.
Yves Contassot, adjoint Vert au maire de Paris chargé de l'environnement, de la propreté, des espaces verts et du traitement des déchets, vient d'être renversé par une moto alors qu'il circulait rue de Rivoli sur l'une des nouvelles voies de bus réaménagées en site propre. Paris a en effet vu fleurir cet été des "banquettes" de béton séparant la chaussée avec d'un côté les bus, les taxis et les vélos, et de l'autre les automobiles et les deux-roues motorisés.
Yves Contassot, vous venez d’être renversé par une moto alors que vous circuliez à vélo sur un couloir de bus "nouvelle formule". Cet accident, heureusement sans gravité, explique-t-il votre volonté de ne plus tolérer les motos sur ces couloirs ?
Tout d’abord, permettez-moi de préciser que mon discours n’est absolument pas dirigé contre les motards ! Je suis moi-même un ancien motard, j'ai eu une Honda 250 ancien modèle, et je reconnais volontiers l'intérêt et le plaisir de la moto. Quant au motard qui m'a heurté (blessé à l'avant-bras, NDLR), j'ai eu de très bons rapports avec lui à l'hôpital. Il était sincèrement désolé, et m'a expliqué qu'il avait justement emprunté la voie de bus parce que la rue de Rivoli était engorgée.
Alors pourquoi tenez-vous tellement à ne plus voir de motos circuler sur les nouveaux couloirs de bus ? N'est-ce pas justement un bon moyen de limiter les embouteillages, et donc la pollution ?
Tant qu'il n'y avait pas de séparation physique entre la voie de bus et le reste de la chaussée, les motards pouvaient zigzaguer d'une file à l'autre et c'est vrai que cela pouvait permettre de fluidifier le trafic. Aujourd'hui, en raison du muret en béton qui sépare les couloirs de bus, les motards empruntant une voie de bus courent moins le risque d'être heurtés par une voiture déboîtant brusquement. Or c'est là, à mon sens, que se trouve le danger : Cette impression de sécurité accrue, qui n'est à mon avis pas fondée, risque de les inciter à rouler plus vite. Je ne compte plus le nombre de fois où, circulant à vélo sur la voie de bus, j'ai été doublé par des motos roulant visiblement à plus de 80 ou 90 km/h...
Faut-il pour autant généraliser, et contraindre l'ensemble des motards à ne plus utiliser la voie la moins engorgée ?
Je ne conteste pas le fait que, comme partout, il s'agit d'une minorité, et que 80% des motards se comportent correctement. Et il est vrai que sur les nouvelles voies de bus, plus larges (4,5 m contre 3,5 auparavant), les motos ne gênent absolument pas le trafic. Mais la différence de vitesse, de puissance d'accélération et de freinage entre une moto et un vélo m'amène à penser qu'il faut séparer ces deux types de véhicules.
N'aviez-vous pas autant de risques de vous faire renverser par un bus ou un taxi ?
Je ne crois pas. D'ailleurs, plusieurs bus étaient derrière moi lors de mon accident. Le problème est différent pour les taxis, mais les chauffeurs de bus sont actuellement très fortement sensibilisés à la circulation des vélos lors de leur formation. Ils ont râlé au début, mais maintenant ils font extrêmement attention aux cyclistes.
Comment justifiez-vous votre distinction entre bus et vélos d'une part, et automobiles et motos de l'autre ? Un vélo est à votre avis plus proche d'un bus que d'un deux-roues motorisé ?
Oui, même s'il est vrai qu'en termes d'encombrement de la chaussée, les deux-roues motorisés et les vélos sont tout à fait comparables. Mais encore une fois, je crois qu'il faut plutôt raisonner en termes de vitesse, et la sécurité doit être notre principal souci. Je souhaite appliquer au trafic urbain les principes de la mécanique des fluides, en faisant circuler dans une même voie les véhicules roulant sensiblement à la même allure. La vitesse moyenne d'un bus à Paris est actuellement de 13 km/h, et celle d'un vélo se situe entre 12 et 20 km/h. Quant aux taxis, ils sont obligés de suivre les bus. Je trouve donc normal de réserver une voie commune à ces trois types de véhicules.
Au risque d'augmenter la pollution, en contraignant les motos à se fondre dans un trafic de plus en plus engorgé ?
La pollution des motos est un thème très important, et je compte y travailler en collaboration avec Yves Cochet, le ministre de l'environnement. Car à vitesse identique, les motos polluent davantage car dans leur immense majorité, elles ne sont pas équipées de pots catalytiques. En outre, leur vitesse est généralement plus élevée. Nous devons donc entamer un dialogue avec les constructeurs de motos pour parvenir à un parc de deux-roues motorisés moins polluants qu'aujourd'hui. D'autre part, en réduisant la chaussée à deux voies au lieu de trois en raison de l'élargissement des voies de bus (rue de Rivoli mais aussi boulevard Sébastopol et boulevard de Strasbourg), il reste malgré tout la place pour une "troisième voie" non matérialisée pour que les motos puissent se frayer un passage.
Autos et motos, même combat ?
A pollution identique, il est vrai que je préférerais voir plus de motos et moins de voitures circuler dans Paris ! Mais ce n'est pas encore le cas. Et si toutes les voitures étaient remplacées par des motos, la situation ne serait pas non plus idéale !
Pourquoi ne pas avoir créé de pistes cyclables à l'intérieur des nouvelles voies de bus ? Les vélos auraient ainsi été davantage à l'abri, et les motos pouvaient continuer à emprunter les voies de bus en cas d'embouteillage sur la chaussée...
Il s'agit d'un désaccord avec les associations de cyclistes. Je suis personnellement favorable à la création d'une piste cyclable située à gauche de la voie de bus (entre la voie de bus et la chaussée), encore une fois pour des raisons de sécurité liées aux descentes de bus et aux piétons qui souhaitent traverser et n'entendent pas arriver les vélos. Mais les cyclistes souhaitent que la voie réservée aux vélos se situe à droite (entre la voie de bus et le trottoir), car ils n'ont pas l'habitude de se trouver au centre du trafic en se faisant doubler des deux côtés. Et puis vous savez, c'est aussi une question de coût, nous parlons là d'infrastructures de plusieurs millions de francs ! Je suis également favorable à la matérialisation à l'aide d'une bande de peinture d'une voie réservée aux deux-roues motorisés sur la chaussée.
Euh... N'avez-vous pas l'impression d'avoir déjà entendu ce genre de proposition de la part de l'ancienne majorité municipale, à propos justement des pistes cyclables, avec l'insuccès que l'on sait ?
Je ne dis pas que c'est la solution idéale ! Mais je compte mettre en oeuvre une réflexion à ce sujet, en concertation avec mon collègue Denis Baupin (adjoint au maire chargé des transports)... La moto dans Paris offre des avantages, et c'est notamment une bonne solution en termes d'encombrement et de fluidité. Mais les problèmes de pollution ne doivent pas pour autant être oubliés. Encore une fois, je suis favorable à une répartition des véhicules sur différents canaux en fonction de leur vitesse de déplacement, et non pas en fonction de leur nombre de roues.
Tout à fait entre nous... comptez-vous faire pression sur la Préfecture pour que soit levée la tolérance permettant aux motards d'emprunter les voies de bus ?
Je crois qu'ils réfléchissent à ce sujet, et nous allons voir ce qui va se passer dans les prochaines semaines. Mais vous savez, la Préfecture ne semble pas réellement décidée à faire bouger les choses...
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