Avis de vent frais aux Assises FFMC ce week-end sur la côte charentaise : bilan 2003, radars automatiques, radiation du Canal historique, communication, positionnement européen et renouvellement houleux du BN ont occupé près de 250 militants. Reportage.
Les Assises nationales de la Fédération française des motards en colère (FFMC) ont réuni ce week-end à Meschers sur Gironde, petite station balnéaire de la côte charentaise, près de 250 délégués représentant les 72 antennes départementales, dans un village de vacances étonnamment semblable au "Lieu du changement" décrit par Houellebecq dans Les particules élémentaires...
Une "Assemblée générale ordinaire 2004" ouverte à tous dans un louable souci de transparence, ponctuée par de vifs échanges avant chaque mise au vote des résolutions proposées par le Bureau national (BN) à partir du travail des commissions.
Trois jours de travail
A raison d'une voix par délégué "physiquement présent" et d'un maximum de trois voix par antenne départementale, les motards en colère ont notamment eu à se prononcer sur le bilan moral de l'association, sur sa situation financière face à la régulière érosion de son nombre d'adhérents (4 800 membres aujourd'hui contre 5 300 en 2001), et plus généralement sur l'orientation qu'il convient de donner à l'association de défense des motards, souvent critiquée mais jamais égalée, qui fêtera ses 25 ans l'an prochain.
"Tu vas voir, on va passer trois jours à travailler, mais aussi à s'engueuler sur des sujets ridicules !", nous glisse une habituée en guise de préambule... Une fois les formalités d'ouverture évacuées, les 126 bulletins de votes distribués et les derniers détails logistiques réglés - "Merci aux tout jeunes copains du 17 pour l'organisation de ces Assises et à ceux du 16 et du 79 pour leur coup de main, "Les clés de la B12 sont disponibles à l'accueil" ou "C'est vous les 69 ?" -, c'est Nadia Lévêque du Bureau national qui ouvre le bal en dressant un "bilan moral" plutôt mitigé de l'activité 2003 : "on n'a pas réussi à mettre en échec le Contrôle sanction automatique malgré une mobilisation importante", regrette-t-elle. "Les motards sont aujourd'hui confrontés à la politique sécuritaire du gouvernement et à l'instauration progressive du contrôle social généralisé".
Chaise vide or not chaise vide ?
Un militant intervient : il a "appris sur Moto-Net" (héhé !) que la FFMC n'avait pas souhaité participer officiellement à la Journée deux-roues motorisés organisée par la Mairie de Paris (lire Moto-Net du 30 avril 2004) et suite au départ du CNSR (lire Moto-Net du 7 avril 2004), il s'interroge sur le bien-fondé de cette démarche. "Le CNSR est devenu l'agence de communication du gouvernement", explique Nadia. "La FFMC ne pouvait pas cautionner cette politique attentatoire aux libertés et sans résultats en termes de sécurité routière !" Applaudissements nourris. "Mais Nadia, siéger ne signifie pas forcément cautionner !", fait remarquer une voix féminine dans le fond de la salle : "en s'asseyant à leur table, on pouvait rester informé de ce qui s'y passait ! Nouveaux applaudissements, tout aussi nourris... La Mutuelle des Motards siégeant toujours au CNSR via le GEMA et pouvant donc continuer à informer la FFMC, le sujet est momentanément clos. Mais il reviendra à plusieurs reprises au cours de ces trois jours, signe de la difficile adéquation entre " les décisions prises par Paris et nous sur le terrain", résume un militant du sud-est.
Pour limiter les risques de parisianisme - ou autre régionalisme -, les statuts de l'association prévoient d'ailleurs que le Bureau national ne peut pas comporter plus de deux délégués présentés par la même antenne départementale.
Trois euros...
Concernant le bilan financier, les comptes 2003 (qui font apparaître 265 000 € de charges et 320 000 € de ressources, soit un bilan positif de près de 55 000 €) sont rapidement approuvés par les délégués. Trois bons quarts d'heure de très vifs échanges seront en revanche tout juste suffisants pour savoir s'il faut ou non augmenter de... 3 euros la cotisation annuelle !
En raison de la baisse régulière du nombre d'adhérents (le seuil prévisible pour 2003 n'a pas été atteint), le résultat prévisionnel pour 2004 est estimé à 6 000 euros à nombre d'adhérents constant. Pour Eric Thiollier, fin connaisseur des dossiers européens, "la stagnation du nombre d'adhérents se vérifie dans toutes les autres organisations européennes : pour tenter de l'enrayer, nous devons proposer davantage de prestations de services, sur le modèle de ce que fait déjà la Commission juridique de la FFMC". Et selon Patrick Jacquot, patron de la Mutuelle des motards, "le Conseil d'administration de la Mutuelle est favorable à une participation financière plus importante au budget de la FFMC". Une aide de 100 000 euros pourrait donc lui être accordée.
Démission
Comme dans toute structure, le plus gros poste de dépenses de la FFMC reste la masse salariale (5 équivalents temps plein), suivi en deuxième position par les déplacements du Bureau national (7 000 euros budgétés). Un BN qui peut statutairement compter neuf personnes mais qui a dû s'en contenter de cinq cette année en raison du manque de candidatures, et même la terminer à quatre suite à la démission de Marie Terrier lundi matin, quelques minutes avant la fin de ces Assises 2004.
"Je vous présente ma démission du Bureau national car je ne supporterai pas plus longtemps sa mauvaise ambiance et car vous, les antennes de la Fédé, ne vous mobilisez pas pour qu'il change son fonctionnement (...) de plus en plus despotique", explique Marie dans une longue lettre de quatre pages distribuée aux militants. Regrettant d'avoir été "mise sur la touche", elle estime que "la Fédé ne correspond pas à l'image que j'en avais : un regroupement de militants qui voudraient tous aller dans le même sens, une bande de copains avec qui on est tout de suite à l'aise et avec qui on peut faire avancer les choses. Je me suis trompée, c'est un regroupement de nombrilistes qui veulent fonctionner comme un parti ou un syndicat, qui veulent voir leur photo dans le journal et surtout pas qu'on remette en cause ce pouvoir acquis (...)"... Le BN ne pouvant statutairement fonctionner à quatre personnes, il fallait donc impérativement élire au moins un nouveau membre.
Mafias nordiques
Difficulté de positionnement des militants au sein de leur mouvement, mais également du mouvement lui-même à l'échelon européen. Pour Laurent Verbois, membre du BN chargé du dossier FEMA (Federation of European Motorcyclists' Associations), "les mafias nordiques souhaiteraient faire voter à la FEMA des points que la FFMC juge inacceptables", comme l'allumage obligatoire des feux pour les voitures le jour (déjà en vigueur "en Suède, en Angleterre, en Allemagne et récemment en Italie"). La Suède notamment aurait tendance à profiter de son très fort taux de mobilisation (80 000 adhérents pour 250 000 motards, ce qui en France donnerait près de 300 000 adhérents à la FFMC !) pour imposer ses choix à des pays faiblement mobilisés comme l'Espagne ou l'Italie, en raison du mode de scrutin proportionnel au nombre d'adhérents nationaux et non plus d'une voix par pays comme c'était le cas à la FEM, l'ancêtre de la FEMA. La FFMC envisage d'ailleurs de demander une modification du mode de scrutin au sein de la FEMA en proposant le principe d'une majorité qualifiée (majorité de voix + majorité de pays ou d'organisations nationales), qui permettrait de mieux prendre en compte l'opinion des minorités. Enfin, concernant le contrôle technique moto, il n'est soutenu ni par la FEMA ni par la FFMC car "les données démontrent que les défaillances techniques ne jouent pas un rôle dans l'accidentologie moto".
"C'est une constante en Europe", explique Laurent : "plus les pays sont au nord et protestants, plus les motards sont mobilisés. Et plus ils sont au sud et cathos, moins il y a d'adhérents dans les associations nationales !" Sans compter que les motards français sont généralement plus prompts à descendre dans la rue pour faire vroum-vroum devant les passants qu'à manier l'art subtil du lobbying, et peinent par conséquent à faire entendre leur voix dans les couloirs de Bruxelles... "N'oubliez quand même pas qu'on n'a pas beaucoup été soutenu par le national lors de nos manifs contre l'allumage des codes dans les Landes, qui ont réuni à peine 250 motos !", lance à bon entendeur un militant de la Fédé 40...
Nouveau BN
Samedi, silence radio lors de l'appel public aux candidatures pour le renouvellement partiel du Bureau national : aucun postulant ne se présente et la seule candidature préalablement déposée (André du 69) ne peut être valablement retenue, l'intéressé (absent) n'ayant jamais participé à des Assises nationales.
A la faveur du week-end et suite à de "longs conciliabules qui ont duré une partie de la nuit, cinq candidats se présentent officiellement lundi matin : Jean-Marc de la Fédé 38, Laurent du 01, Nicolas du 74, Marco du 06 et Henri de Paris-Petite couronne (PPC) mais présenté par le Gai Moto Club, association membre de la FFMC, pour contourner la règle de deux représentants maximum par antenne. "C'est une tentative de putsch de la part de Rhône-Alpes !", s'indignent les uns... "Absolument pas ! C'est une candidature normale et il faut arrêter la parano !", rétorquent les autres... Difficilement accessibles aux non-initiés, de sérieuses querelles opposeraient en effet de longue date le représentant de l'antenne de l'Isère, ancien membre du BN, à une partie de la Fédération nationale et de la Mutuelle.
Ce qui donne lieu bien entendu à de nouvelles joutes oratoires musclées, quelques claquage de portes et autres "si c'est comme ça je préfère me casser". Puis, à la demande des antennes 11 et 66, il est décidé que le scrutin aura lieu à bulletin secret, contrairement aux votes précédents.
Peu avant l'heure du goûter, le nouveau BN goût Chocteau est donc connu : seuls Marco du 06 (110 voix pour, 16 contre et 2 abstentions) et Henri de PPC (106 voix pour, 21 contre et 1 abstention) sont parvenus à passer l'épreuve du vote et peuvent donc rejoindre Nadia Lévêque, Frédéric Brodziack, Laurent Verbois et Guillaume Chocteau à la tête de la FFMC.
A également été décidée par les Assises la radiation pure et simple de cinq membres de la Fédé 77 en raison de leur adhésion au mouvement autoproclamé "FFMC Canal historique". "Le débat a déjà eu lieu lors des précédentes Assises, qui ont donné mandat au BN pour procéder à d'éventuelles radiations ", préviennent les orateurs. "On se refuse à radier des militants pour délit d'opinion, mais pour utilisation abusive du nom FFMC". Avec 78 voix pour, 5 contre et 36 abstentions, la radiation des cinq adhérents (absents) est donc prononcée tandis qu'une action juridique "est toujours en cours" concernant l'utilisation abusive du nom.
Mieux communiquer
Enfin, autre gros morceau de ces Assises 2004, la nécessité pour la FFMC de "professionnaliser sa politique de communication". "Nous devons mieux travailler nos outils de communication pour contrer les campagnes du gouvernement, qui sont toutes calquées sur le même schéma : une pseudo étude préalable suivie d'une communication bien maîtrisée et enfin l'adoption d'une mesure", estime notamment Emmanuelle de la Fédé 34. Le délégué de Limoges recommande pour sa part une attitude plus radicale, car "au bout d'un moment on n'a même plus envie de leur adresser la parole ! Si on veut faire bouger les politiques, il faut les emmerder !" Applaudissements nourris et même son de cloche pour l'avocat Marc Adrian, membre du Comité de défense droit et libertés mis en place par la FFMC, qui estime qu'il faut "maintenir la pression et ne pas transiger, car dans FFMC il y a colère : le prix de l'adhésion n'est pas le problème ! Les motards veulent une association contestataire, comme on peut s'en rendre compte en lisant les multiples réactions aux articles de Moto-Net !"...
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