
L'Union Européenne revient sur la mesure phare de son Pacte vert de 2021 : l'interdiction de commercialiser des voitures à moteur thermique en 2035. Ce rétropédalage, assorti d'un lot de nouvelles exigences, répond à une simple réalité : l'absence d'alternatives concrètes, technologiquement et économiquement.
La Commission européenne se prononce par vote, ce mardi 16 décembre 2025, pour une "révision" des modalités visant à interdire la vente de voitures et utilitaires légers - neufs - à moteur thermique à compter de 2035. Pour mémoire, cette extinction programmée du moteur à explosions fait partie d'un train de mesures actées en juin 2022 dans le cadre du "Pacte vert" avec en ligne de mire la complète neutralité carbone de l'UE en 2050. Rappelons que les motos et les scooters ne sont pas concernés. Pour l'instant ?
Le texte initial prévoit "d'atteindre une mobilité routière à émission nulle d’ici à 2035, soit un objectif de réduction de 100% des émissions pour l’ensemble de la flotte de l’UE par rapport à 2021", expliquait à l'époque le Parlement européen. Ce qui revient à dire que seuls les véhicules à propulsion électrique et/ou à hydrogène seront autorisés : ou comment imposer la mobilité électrique, de gré ou de force.
Problème : ni les constructeurs, ni les consommateurs ne sont favorables à cette issue. Les premiers, car cette mesure balance aux orties deux siècles de connaissances et de savoir-faire (les premiers moteurs à explosions remontent à la fin des années 1800). La plupart ont bâti leur histoire, leur notoriété - et leur richesse - sur les voitures thermiques. Toutes les filières de fournisseurs, équipementiers et sous-traitants sont par ailleurs menacées.
Les utilisateurs, eux, abordent avec réticence l'idée de troquer un mode de transport autonome, fiable et durable contre une proposition électrique qui peine à convaincre sur ces aspects. Quant à l'hydrogène, cela reste à ce stade au stade prototype. Sans parler du prix d'achat prohibitif de l'électrique, de son bilan carbone pas si vert que ça et de la lenteur à laquelle se développent des infrastructures de recharge standardisées.

Un autre frein, tout bête, fait gripper cette démarche d'interdiction du thermique : l'absence de consensus au niveau mondial. L'Union européenne est la seule puissance économique majeure à pousser dans ce sens : ni la Chine, ni le Moyen-Orient, ni la Russie et encore moins les États-Unis n'adhèrent au tout-électrique. Logique, me direz-vous, puisque ces pays sont les plus importants producteurs de pétrole !
Début décembre, le président américain Donald Trump - farouchement opposé à la voiture électrique qu'il qualifie "d'arnaque écologique" - a même donné un coup de pouce à ses constructeurs nationnaux en abaissant les normes énergétiques sur les moteurs à essence. Son ancien conseiller Elon Musk, qui a bâti sa fortune sur les voitures électriques Tesla, appréciera !
En clair : non seulement l'Europe s'apprête à torpiller l'un de ses (derniers ?) fleurons industriels - au grand dam de l'Allemagne, la France et l'Italie - mais sa position, aussi vertueuse soit-elle sur le fond, va peser lourd dans ses transactions commerciales avec le reste du monde. Qui continue, lui, de faire rouler des politiques pro-pétrole !

Enfin, dernier aspect qui fait reculer l'Europe : l'électrification du parc automobile avance moins vite que prévu, tandis que les constructeurs "historiques" subissent la concurrence chinoise. Résultat : la Commission européenne va de nouveau sortir le carnet de chèque et 1,5 milliards d'euros (!) de prêts à taux zéro vont être débloqués pour toute entreprise qui "produit en Europe des batteries pour véhicules électriques".
Cette préférence communautaire - initialement la raison d'être de l'UE- fait partie des révisions acceptées par l'Union européenne sur sa feuille de route vers la réduction d'émissions. Car non, l'Europe n'abandonne pas son objectif de déploiement massif de l'électrique ! Son texte révisé mardi abaisse simplement ses objectifs à horizon 2035, qui passent de 100% de réduction des émissions à "90%".
Cette fourchette de 10% (r)ouvre la porte aux petits véhicules hybrides, aux hybrides rechargeables, ainsi qu'aux électriques dotées d'un prolongateur d'autonomie. Plus important : le thermique pourra finalement continuer sa route après 2035 ! Mais dans des proportions restreintes, puisque 90% de la production devra atteindre le zéro émission.
Autre contrainte : ce "cadeau" de 10% doit être compensé soit par l'usage de matériaux plus verts (aciers recyclés, plastiques biosourcés) soit par le recours à des carburants de synthèse ou biocarburant. Deux leviers qui permettront aux constructeurs de caler leur bilan carbone sur les nouveaux objectifs de l'Union européenne, sachant que ce dernier est calculé sur l'ensemble de leur gamme.
Les constructeurs automobiles obtiennent donc un sursis de l'interdiction du thermique, mais pas son retrait. Qu'à cela ne tienne, le soulagement est palpable alors même que le secteur traverse une crise sans précédent : la production automobile européenne est en baisse de "trois millions d'unités par an", selon les décomptes de la Commission. De quoi expliquer son soudain rétropédalage ?
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