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INTERVIEW
Paris, le 21 octobre 2010

Jean-Pierre Mougin : la FIM va se transformer en structure de type commercial...

Jean-Pierre Mougin : la FIM va se transformer en structure de type commercial...

Battu pour la deuxième fois par le vénézuélien Vito Ippolito au poste de président de la Fédération internationale de motocyclisme, l'ancien président de la FFM Jean-Pierre Mougin nous a accordé une interview sans concession sur l'avenir du sport moto.

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Jean-Pierre Mougin, président de la FFM de 1989 à 2008 (entre autres fonctions dans le monde de la moto), se présentait avant-hier à Macao à l'élection du président de la Fédération internationale de motocyclisme (FIM). Mais après une première tentative en 2006, ce deuxième essai s'est de nouveau soldé par un nouvel échec face au vénézuélien Vito Ippolito...

Pour quelles raisons ? Quelles seront les conséquences de ce vote sur le sport moto mondial et français ? L'ancien président de la FFM se représentera-t-il à la tête de la FIM en 2014 ? Comment voit-il l'avenir du sport moto français en général et du Circuit Carole en particulier ? En direct depuis Macao, Pierre Mougin s'explique dans les colonnes de Moto-Net.Com.

"Je pensais raisonnablement et mathématiquement être en mesure de l'emporter"

Moto-Net.Com : Tout d'abord Jean-Pierre, pas trop déçu ?
Jean-Pierre Mougin :
Si, bien sûr, car j'avais fait un gros travail de lobbying, en particulier en Asie qui, avec 23 pays, ferait la différence... Vito Ippolito avait le soutien total des pays d'Amérique du Sud (20 pays) et moi-même j'avais en principe un fort soutien des pays d'Europe (44 pays) en tant que seul candidat européen. Les pays arabes représentaient également une force non négligeable avec dix pays. Je pensais donc raisonnablement et mathématiquement être en mesure de l'emporter, mais on a vu, une fois de plus, que c'est la politique qui l'a emporté avec aussi, comme souvent, une prime au sortant.

"Donner une nouvelle impulsion à la FIM et une meilleure reconnaissance du sport moto au niveau mondial "

MNC : Quels étaient vos principaux arguments pour la présidence de la FIM ?
J.-P. M. :
Mon orientation était de clairement replacer le sport et les fédérations nationales au coeur des décisions de la FIM. Mais aussi et surtout, j'ai passé 25 ans au sein de la FIM, 20 ans à la tête d'une importante fédération nationale, six ans à la tête d'une union continentale et j'étais depuis peu secrétaire général d'un comité national olympique (donc en relation avec le CIO et le monde entier), sans compter mes bonnes relations avec la FIA et son nouveau président (30 fédérations nationales sont membres de la FIA et de la FIM). Tout cela me donnait une certaine légitimité et une certaine crédibilité pour donner une nouvelle impulsion à la FIM et une meilleure reconnaissance du sport moto au niveau mondial.

MNC : Vous obtenez 41 voix contre 55 pour M. Ippolito. Quels ont été ses points forts et quels étaient vos points faibles ?
J.-P. M. :
Les 41 voix en questions ont été obtenues avec a priori 29 voix de l'Europe (sur 44), six voix de l'Asie (sur 23) et six voix de l'Afrique (sur dix). C'est donc l'Europe qui n'a pas été au rendez-vous malheureusement, et mon collègue président de la fédération italienne, candidat à la vice présidence, a été éliminé au premier tour. Les trois postes de vice-présidents en jeu, occupés jusqu'à aujourd'hui par trois Européens, ont été repris par un asiatique (Qatar), un australien et un européen (Portugal), réduisant ainsi considérablement la place de l'Europe au sein de la FIM.

Les points forts de Vito Ippolito ont été le lancement du plan stratégique de la FIM auquel il a fait participer activement beaucoup de représentants de tous les continents, plan stratégique qui a permis de proposer une vision future pour la FIM et certains espoirs, en sachant que j'ai moi-même travaillé activement sur ce plan et que j'en ai toujours défendu l'idée. Vito est aussi un garçon charmant, qui prend rarement des décisions mais qui est convivial et agréable. Enfin, un président en place qui se représente à toujours un certain avantage, car il s'est constitué un réseau solide au travers de ses nombreux déplacements dans le monde.

"Vito est aussi un garçon charmant, qui prend rarement des décisions, mais qui est convivial et agréable"

En ce qui me concerne, mon point faible - ou plutôt celui que certains opposants ont souhaité mettre en avant - c'est celui d'être un européen fort et déterminé, qui risquait de renforcer encore le pouvoir de l'Europe au sein de la FIM par rapport aux autres continents (44 pays d'Europe et 57 hors d'Europe). Ni mes compétences, ni ma capacité à devenir président de la FIM n'ont été mises en cause, mais il est aussi certain que je pouvais faire peur à certains avec la FFM, première fédération au monde en termes de licenciés, d'épreuves et de titres mondiaux.

"Le bilan de Vito Ippolito est très mitigé"

MNC : Quel bilan tirez-vous de la présidence de M. Ippolito ? Qu'auriez-vous fait différemment à sa place ?
J.-P. M. :
Le bilan des quatre années de Vito Ippolito est très mitigé : difficultés à prendre des décisions, trop de pouvoir laissé à l'administration centrale et relations tendues avec certains promoteurs... Nous n'avons pas du tout le même style de management et en ce qui me concerne, j'aurais été plus dynamique dans la mise en oeuvre de certaines actions et dans les prises de décisions. On sait qu'il subsiste certains problèmes majeurs à régler tels que le positionnement du Moto GP par rapport au Superbike, la crise du trial, la situation du championnat du monde de supercross ou l'avenir du supermotard... et il est urgent de prendre des mesures appropriées en liaison avec l'industrie et les promoteurs.

MNC : Restez-vous vice-président de la FIM ?
J.-P. M. :
Je n'ai plus aucun mandat électif au sein de la FIM. Pour revenir au sein de la FIM, il faudrait que je me porte de nouveau candidat en 2012 ou 2014 !

"La FIM va se transformer rapidement en une structure de type commercial : les surprises vont être grandes !"

MNC : Justement, pensez-vous vous représenter à la présidence de la FIM en 2014 ? Avec quels arguments ?
J.-P. M. :
Il faut d'abord "digérer" le résultat de Macao et comprendre ce qui s'est passé. Beaucoup de gens n'ont pas vraiment compris quel était l'enjeu de cette élection et vont découvrir que la FIM va se transformer rapidement en une structure de type commercial avec des directeurs de commissions (ex-présidents de commissions) qui seront salariés de la FIM et qui dépendront directement du directeur des sports et du CEO. Les surprises vont être grandes !

De nombreuses fédérations sont déjà venues me voir, deux jours seulement après l'élection ici à Macao, afin de réagir à cette situation. En ce qui me concerne, je devrai de toute façon prendre une décision en commun avec le président de la FFM afin de voir quelle est la meilleure voie à suivre pour revoir un français au sein du conseil de direction de la FIM

"Le sport moto français n'est pas vraiment un sport mineur"

MNC : Le sport moto français fait toujours figure de sport "mineur" en France. Comment l'expliquez-vous et quelles solutions auriez-vous pu y apporter en tant que président de la FIM ?
J.-P. M. :
Le sport moto français n'est pas vraiment un sport mineur, car la FFM est dans le milieu de tableau en termes de licenciés et parmi les 25 premières fédérations en termes de structuration et de budget. Cependant, pour améliorer la notoriété du sport moto dans notre pays, deux voies doivent être suivies de front.

"Monter un "Club FIM" constitué de personnalités mondiales prestigieuses passionnées par la moto"

Tout d'abord, assurer la promotion du sport moto au niveau mondial.
A ce sujet, la FIM, avec ses promoteurs, a déjà fait du bon travail. Les actions de marketing et de communication menées depuis maintenant deux ans commencent à porter leurs fruits et il faut continuer dans cette voie. En ce qui me concerne, en tant que président de la FIM, j'avais l'idée de monter un "Club FIM" constitué de personnalités mondiales prestigieuses passionnées par la moto, et elles sont nombreuses : acteurs, artistes, chefs d'Etat, ministres, membres du CIO, champions olympiques... Ce club aurait permis de mettre notre sport au devant de la scène.

Ensuite, assurer la promotion du sport moto au niveau national : là ce sera beaucoup plus dur, car on voit que même avec des nombreux champions du monde en moto-cross et en enduro, la situation s'améliore difficilement, malgré les efforts réalisés par la FFM. Il nous manque en fait des champions du monde en vitesse, discipline beaucoup plus médiatique que les autres disciplines. Mais là aussi, la recette n'est pas évidente car on voit bien que malgré toute l'énergie dépensée par la FFM depuis de très nombreuses années, les résultats sont toujours très aléatoires. Un élément clé qui nous différencie de l'Espagne ou de l'Italie est la difficulté de trouver en France des partenaires de haut niveau ainsi que des supports audiovisuels de forte notoriété, mais cela va ensemble...

MNC : Comment voyez-vous l'avenir du Circuit Carole ? Après la réduction des budgets alloués par le Conseil général (lire MNC du 15 octobre 2010), pensez-vous que la fin si souvent annoncée de ce circuit unique en son genre est désormais proche ?
J.-P. M. :
L'avenir du circuit Carole se pose à trois niveaux :

"Le ministère des transports nous avait garanti que Carole ne serait pas supprimé tant qu'un autre circuit équivalent ne serait pas construit en région parisienne"

1. Son maintien même à sa place actuelle, compte tenu des contraintes potentielles toujours liées au développement de l'aéroport Roissy Charles-de-Gaulle et des projets de remplacement dont on avait parlé il y a deux ou trois ans. Le ministère des transports nous avait à l'époque garanti que Carole ne serait pas supprimé tant qu'un autre circuit équivalent ne serait pas construit en région parisienne. Il n'y a pas de raison de penser que cette volonté ait changé, avec une déléguée interministérielle à la Sécurité routière, Michèle Merli, convaincue comme nous que de tels circuits constituent des outils efficaces pour l'amélioration de la sécurité routière au travers de la formation, des stages de conduite et des opérations comme les "Portes Ouvertes des Circuits".

2. L'obtention d'aides financières nouvelles permettant de couvrir les frais de fonctionnement (environ 300 000 euros/an) suite au désengagement du Conseil général : la FFM étudie actuellement différentes solutions qui permettraient d'assurer ce financement.

"Couvrir les frais de fonctionnement (environ 300 000 euros/an) et remettre à niveau le circuit et ses installations, soit 2 à 3 millions d'euros"

3. L'obtention de crédits d'investissements afin de remettre à niveau le circuit et ses installations, soit 2 à 3 millions d'euros : là aussi, la FFM espère pouvoir obtenir du Conseil général, du Conseil régional et de l'Etat les soutiens attendus. De mon coté, en tant que secrétaire général du Comité national olympique et sportif français (CNOSF), j'appuierai fortement le dossier de financement via le Centre national pour le développement du sport (CNDS).

Je suis convaincu que les solutions seront trouvées pour garantir la pérennité de ce circuit indispensable en région parisienne !

MNC : A suivre... Restez connectés !

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J'ai été représentant des pilotes durant plus de 10 ans. Je connais bien Jean Pierre Mougin et Jacques Bolle. De part ma fonction, j'ai toujours eu à batailler pour défendre les pilotes. J'avais du répondant en face. En même temps, ces relations ont toujours été loyales et franches. Ils ont toujours été disponibles. Je peux vous assurer que les deux hommes ont une passion de la moto au moins égale à la nôtre. Surtout, je fais partie de ceux qui ont beaucoup espéré que Jean Pierre Mougin soit élu président de la FIM. Car si nous ne partageons pas toujours les mêmes idées, il en est une qui me rapproche de lui et qu'il exprime bien dans son interview : "replacer le sport et les fédérations nationales au coeur des décisions de la FIM". En clair, redonner au sport et à la fédération qui le gère le pouvoir dont les promoteurs se sont emparés. Cela ne sera hélas pas le cas, et nous continuerons de subir la loi de ceux qui font de l'argent une finalité plus qu'un moyen. Reproche que l'on ne peut proférer si la loi est édictée par une fédération à but non lucratif...Et là aussi lisez bien les craintes de Jean Pierre Mougin. Voilà un politique qui ne pratique pas la langue de bois et qui fait foi de courage. Assez rare pour ne pas le respecter.
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Toujours le problème des pays disposant d'un droit de vote et n'étant concernés que de très loin par le sport motocycliste. Leurs représentants cèdent aux sirènes leur proposant les meilleurs avantages personnels au détriment du bon sens et de l'intérêt général des affiliés. Il est certain que Jean-Pierre MOUGIN à la tête de la FIM, cela aurait eu une autre gueule et que le sport serait sorti gagnant. Mais comment peut on espérer convaincre des médiocres du bien fondé de ses positions, lorsque l'intérêt de caste ou l'intérêt personnel prime avant toute considération éthique et sportive ? Il n'y a plus qu'à attendre les prochaines élections en croisant les doigts pour que la raison reprenne tous ses droits, mais c'est difficile à imaginer lorsque l'on représente un pays qui offre de moins en moins d'influence sur l'échiquier mondial. Le Français vu par les étrangers, ça ressemble quand même de plus en plus à UBU déguisé en costume de Mickey. Notre digne représentant en a sûrement fait les frais et c'est vraiment dommage.

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