Souvenez-vous, il y a 20 ans jour pour jour, MNC publiait : "Paris continue à souffler le chaud et le froid vis-à-vis des deux-roues motorisés avec son opération Motard d'un jour, son vague projet de charte et son nouveau parking qui ne font pourtant pas oublier la dure réalité des contraventions injustifiées". En 2024, la capitale française nous fiche de plus en plus de bâtons dans les jantes...
Moto-Net.Com réédite cet article de 2004 en lien direct avec ces récentes publications :
Il y a vingt ans, donc, sur le Journal moto du Net...
Alors qu'on ne compte plus le nombre de deux-roues motorisés alignés ces derniers temps pour circulation dans les voies de bus (ouvertes aux taxis et aux vélos) ou stationnement non gênant sur le trottoir (lire Moto-Net du 28 juin 2004), la Mairie de Paris continue à souffler le chaud et le froid dans le casque des adeptes du moyen le plus agréable, le plus efficace et le moins encombrant pour se déplacer en ville...
Après sa première édition il y a deux ans (lire Moto-Net du 22 octobre 2002), l'opération "Motard d'un jour" 2004 a enfin vu Denis Baupin, maire adjoint chargé des transports, poser son vert séant à l'arrière d'une 1800 Goldwing pilotée par un représentant de l'Automobile Club de l'Ouest. Objectif : "sensibiliser le public à la conduite du deux-roues motorisé en ville en invitant des personnalités à prendre place comme passager sur une moto dans les conditions réelles de circulation". Selon son entourage, l'adjoint Vert aurait grandement apprécié l'expérience qui lui a permis de "découvrir Paris sous un jour nouveau".
Tout espoir n'est donc pas perdu, même si dans l'immédiat la situation reste particulièrement préoccupante tant pour les particuliers que pour les professionnels : stationnement non gênant sur le trottoir ou utilisation raisonnable des voies de bus continuent à attirer les foudres des agents chargés de la verbalisation : "on a des consignes !", se bornent-ils à répéter sans s'interroger une seconde sur le bien fondé de leur mission.
Principal argument de la Mairie de Paris, en collaboration avec la Préfecture de Police : les trottoirs appartiennent aux piétons et les voies de bus aux cyclistes.
Moto-Net est donc allé se poster dans le couloir de bus de la rue Réaumur, l'un des spots préférés des agents verbalisateurs, pour demander aux principaux intéressés ce qu'ils pensaient des motos dans les voies de bus. Surprise : même si cette plongée au coeur de Boboland n'a aucune valeur scientifique, sur la quinzaine de cyclistes ayant accepté de s'arrêter au feu pour répondre à nos questions on est bien loin de la levée de boucliers générale !
"Non, en fait ça me dérange pas trop. Parfois ils se mettent juste devant nous au feu, mais je n'ai jamais été frôlée ou déséquilibrée par une moto ou un scooter", explique Nathalie, 40 ans, qui fait du vélo "tous les jours".
Peter, 30 ans, responsable marketing, s'estime "déjà content qu'il y ait des voies de bus pour les vélos. Et depuis deux ans que je fais du vélo à Paris, je n'ai jamais été mis en danger par un motard ou un scooter".
"Ça dépend", précise Carole, 34 ans, technicienne audiovisuelle : "parfois il m'est arrivé de me faire frôler de très près par des scooters, mais en général non, la cohabitation se passe bien. Je me déplace à vélo dans Paris tous les jours depuis dix ans, sauf quand il pleut vraiment très fort ".
"Oui les motards me gênent !", regrette Benoît, 37 ans, bibliothécaire, qui roule "tous les jours depuis deux ans. Je me fais souvent insulter parce que je ne me pousse pas assez vite à leur goût, alors qu'ils n'ont pas à être dans les voies de bus !"
"Parfois c'est gênant quand ils surgissent et se mettent devant nous, car leur objectif est d'aller le plus rapidement possible" note Marc, 42 ans, enseignant. "Or à vélo, notre équilibre est toujours très précaire et si on doit esquiver trop rapidement, on tombe !"
"Tous les jours je suis gêné, car ils prennent les voies de bus et nous doublent" confirme Jean-François, 34 ans, maquettiste, qui fait du vélo "tous les jours depuis trois ans sauf quand il pleut. Mais ce sont surtout les scooters et les coursiers, car ils sont toujours pressés les pauvres".
Pour Tamar, 26 ans, assistante de direction qui pédale "tous les jours depuis deux ans, ce sont surtout les bus qui sont pénibles quand ils sont derrière. Les motards ça va ils ne me dérangent pas, moins que les scooters qui passent trop près et roulent trop vite".
"Les motos sont le truc qui me gênent le plus !" déplore Annette, 27 ans, styliste tandis qu'Antoine, 40 ans, journaliste à Libération, estime que "c'est surtout les piétons qui sont dangereux car ils empiètent sur la chaussée et il faut faire très attention. Les motos ? Non, elles ne me gênent pas du tout".
"Evidemment que je me sens en danger !" s'exclame Estelle, 37 ans, intermittente du spectacle qui roule tous les jours à vélo. "Voies de bus ou pas, c'est toujours la loi du plus fort ! Je vois parfois des mecs en moto qui prennent les couloirs de bus à fond et qui ne font pas gaffe, mais il existe aussi une certaine solidarité entre les deux-roues, motorisés ou non : l'autre jour, c'est un motard qui m'a défendu contre un automobiliste qui avait failli me renverser !"
Pour les professionnels comme Doc Biker, l'enseigne parisienne de service rapide sans rendez-vous, le problème prend une toute autre dimension : près d'une trentaine de PV récoltés en dix jours à cause des motos en réparation garées devant sa boutique du boulevard Magenta !
Car ledit boulevard - l'une des dernières grandes artères de la rive droite encore à peu près roulante - est en train de subir un lifting façon Delanoë-Baupin. Et dans le cadre de ce réaménagement (une voie dans chaque sens au lieu de 2x2 aujourd'hui), la police affirme avoir reçu des consignes de la Mairie de Paris visant à "faire nettoyer le boulevard". Et pas en ramassant les crottes de chiens ou les détritus : en enlevant les motos !
Il y a dix ans, lorsque le magasin de moto s'appelait encore Adhérence, il n'y avait aucun problème. Cinq ans plus tard, quand Doc Biker s'installe, le stationnement des quelques motos en attente de réparation ne pose pas le moindre souci non plus. Lionel Boyaval, le gérant, demande tout de même une autorisation qui lui est officiellement refusée au motif que la surface est insuffisante. Le large trottoir est en effet bordé d'arbres, lesquels sont décomptés de la largeur réglementaire alors même que les motos, garées entre les arbres, n'empiètent pas davantage sur l'espace piéton...
Contacté par téléphone, le service de la voirie de la Mairie de Paris lui accorde toutefois oralement une tolérance, confirmée par écrit par le maire du Xème arrondissement en personne. Dans un courrier daté du 12 janvier 2001, dont Moto-Net a pu prendre connaissance, Tony Dreyfus assure en effet qu'il n'a "pas d'objection" quant à Doc Biker et qu'il "comprend que le stationnement des motos sur le trottoir situé devant votre établissement est indispensable à la bonne marche de votre commerce". Il émet simplement "un certain nombre de réserves : les motos devront être rangées en biais afin de gêner le moins possible la circulation des piétons sur le trottoir, le stationnement des motos devant la porte même du magasin devra être évité, et enfin le plan de Paris situé à proximité de l'établissement ne devra pas être occulté par le stationnement des motos à cet endroit".
En respectant ces réserves on ne peut plus légitimes et frappées au sceau du simple bon sens, dont semble malheureusement dénuée l'équipe municipale actuelle, Lionel Boyaval pense qu'il est désormais tranquille... Or depuis un mois, il a subi trois vagues de contractuelles "à consignes" qui l'ont aligné pour la dizaine de machines garées devant son magasin. Soit au total une bonne trentaine de contraventions adressées aux clients mais prises en charge par Doc Biker...
"Quand elles passent, elles alignent toutes les motos sans distinction, particuliers comme professionnels", explique Lionel. "J'ai appelé le commissariat du Xème, on m'a répondu qu'ils avaient des instructions de la Mairie pour nettoyer le boulevard Magenta dans le cadre de son réaménagement. Ils m'ont alors suggéré de les garer à l'intérieur du magasin - quand tu vois la place qu'on a, tu imagines un peu ! -, dans ma cave ou sur le parking moto situé à 200 m, qui est toujours plein et sur lequel je ne pourrais pas surveiller les motos de mes clients... Alors je fais quoi moi, je ferme boutique ?"
Loin d'être un énervé vindicatif, Lionel Boyaval cherche simplement à faire son boulot dans les meilleures conditions possibles. Il a donc pris contact avec son avocat, en attendant le jour hypothétique où un cerveau un peu moins embrumé que les autres se saisira du dossier à la Mairie de Paris...
Intéressant, non ?
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