Souvenez-vous, il y a 20 ans jour pour jour, MNC publiait : "Le 5ème Comité interministériel de sécurité routière, réuni hier sous la houlette du premier ministre, a décidé d'expérimenter l'allumage des feux le jour pour tous les véhicules. Au risque de fondre encore davantage les motos dans le trafic..." En 2024, les feux de jour ne sont allumés que par les motocycles, et leur bon fonctionnement est vérifié par un contrôle technique obligatoire.... et lumineux ? Hum.
Moto-Net.Com réédite cet article de 2004 en lien direct avec cette toute récente publication :
Il y a vingt ans, donc, sur le Journal moto du Net...
S'appuyant sur les exemples finlandais, suédois, norvégien, danois, hongrois, slovène, polonais (l'hiver) et tout récemment italien (en rase campagne), le gouvernement a décidé hier de "recommander à l'ensemble des usagers l'utilisation des feux de croisement le jour, hors agglomération, à compter du 30 octobre 2004". L'expérience se poursuivra "jusqu'au changement d'heure d'été le 27 mars 2005" et fera l'objet d'une "évaluation précise" qui permettra, en fonction des résultats, de l'abandonner, de la poursuivre telle quelle ou de la rendre obligatoire.
Une nouvelle mesure "bulldozer" parfaitement à l'image de la politique actuelle de nivellement par le bas : les gens étant incapables de savoir eux-mêmes quand allumer leurs feux, il faut qu'ils les allument en permanence. "Même par une belle journée ensoleillée", précise le ministre des transports, "car ça permettra de ne pas se faire surprendre par un tunnel". Effectivement, c'est imparable... Par chance, la mise en marche automatique du klaxon dès le démarrage du moteur et jusqu'à son extinction n'aurait à notre connaissance pas encore été retenue...
Obligatoire pour les motos depuis 20 ans afin de les rendre plus visibles, l'allumage des feux généralisés à tous les véhicules risque bien évidemment de noyer encore davantage les motards dans le trafic... C'est ce que redoute la Fédération française des motards en colère (FFMC), qui vient de lancer "un cri d’alarme" abondamment relayé par les médias : "prendre cette décision, c’est porter atteinte à la vie des motards. Il y aura davantage de blessés et de tués. Le gouvernement en sera responsable ! L’allumage des codes des motos a permis que ces véhicules soient mieux identifiés par les autres usagers et ainsi, de diminuer l’accidentologie. Généraliser cette mesure à l’ensemble des véhicules, c’est à coup sûr aller vers une aggravation du nombre de motards accidentés parce que non vus", prévient la FFMC qui appelle donc d'ores et déjà les automobilistes "à ne pas allumer leurs codes de jour, afin de ne pas mettre en danger les usagers de la route les plus fragiles".
Une argumentation réfutée par le gouvernement, pour qui "l'ensemble des travaux sur le sujet montre que les motos n'ont pas besoin d'être reconnues mais d'être vues et de voir les autres véhicules"...
Interrogé par Moto-Net sur l'intérêt d'espérer réduire d'un côté le nombre de tués automobilistes tout en risquant d'augmenter de l'autre celui des motards, le ministre des transports assure que "ça n'a pas été le cas dans les pays où cette mesure existe". Au contraire même, puisque Gilles de Robien explique sans sourciller que "cette mesure protège aussi les motards car ils verront mieux les voitures "... C'est en effet bien connu : la plupart des accidents de moto sont dus au fait que les motards, distraits par leur téléphone, leur journal et leur lecteur CD, à l'abri derrière leur casque et fermement installés sur leurs deux roues, ne font pas attention aux voitures si elles ne sont pas éclairées...
Bref, le gouvernement est "vraiment convaincu" de l'intérêt de cette mesure pour les motards, "sinon vous pensez bien que nous ne l'aurions pas proposée !", précise encore le ministre.
Toutes catégories d'usagers confondus, le gain possible grâce à cette mesure "peut être évalué, selon les experts, à une fourchette de 5 à 8% des tués et de 8 à 10% des blessés", estime le gouvernement. Notons toutefois qu'un groupe d'experts composé entre autres de chercheurs de l'INRETS (Institut national de recherche sur les transports et leur sécurité) soulignait l'an dernier que "l’absence d’effets négatifs sur les motocyclistes n’est pas suffisamment démontrée et les effets des feux de croisement de jour sur les autres usagers (piétons, cyclistes ou deux-roues) ne sont pas nettement établis". Toujours selon l'INRETS, "la direction générale des transports de la Commission européenne a confirmé que l’allumage des feux de croisement de jour est une mesure efficace de sécurité routière, même si l’absence d’effets pervers sur d’autres catégories d’usagers demande à être confirmée". La Commission recommandait donc aux États membres "de poursuivre l’évaluation sur quatre aspects : l’amplitude de la réduction des accidents, les effets sur les usagers vulnérables, les conséquences sur l’environnement et les coûts des différentes solutions techniques".
Concernant le coût, une évaluation menée en interne par un grand constructeur automobile et dont Moto-Net a pu prendre connaissance estime que la surconsommation induite par une telle mesure s'élèverait à près de 2%, soit "600 millions de litres d'essence supplémentaires par an en France". Ce qui représente "une surconsommation électrique annuelle d'environ 1,6 million de MWh" - l'équivalent d'une demi-tranche de centrale électrique au fuel - et "une consommation additionnelle de 20 litres par an et par automobiliste", sans compter un rejet supplémentaire de 4 grammes de CO2 par kilomètre et par véhicule... Pas gagné pour atteindre les objectifs fixés par le protocole de Kyoto de réduction des gaz à effet de serre, qui prévoit un rejet maximal moyen de 140 grammes par kilomètre et par véhicule alors qu'il avoisine aujourd'hui les 200 g !
Par ailleurs, concernant la remontée de files (lire Moto-Net du 26 mai 2004), le délégué interministériel à la sécurité routière Rémy Heitz prévoit toujours de mettre en place "dès la rentrée un groupe de travail réunissant les organisations représentatives des motards et les forces de l'ordre, pour qu'une proposition puisse être faite lors du prochain Comité interministériel, fin 2004 ou début 2005".
Au final, considérer les motards comme quantité négligeable en visant à réduire le nombre de tués en automobile au risque d'augmenter le nombre de morts à moto se défend certainement au niveau statistique. Mais alors, pourquoi ne pas poursuivre la logique jusqu'au bout et leur foutre la paix une bonne fois pour toutes ?
Intéressant, non ?
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