Nouveau nom, mais programme identique pour la Yamaha Tracer 9 (ex-Tracer 900) : dévorer la route avec dynamisme et confort grâce à son 3-cylindres de feu et son équipement pléthorique. Objectif atteint avec panache, surtout sur la Tracer 9 GT et ses suspensions pilotées bigrement convaincantes ! Double essai dans les gorges du Verdon.
Introduire des qualités sportives et routières sur la même moto exige un doigté gynécologique : l'excès de dynamisme génère inévitablement des contraintes de confort, mais une part trop importante d'agrément bride tout aussi sûrement sa sportivité. Définir le juste milieu est une question de compromis, domaine dans lequel Yamaha "trace" sa voie avec un certain brio depuis 2014...
Découverte sous le patronyme "MT-09 Tracer" puis rebaptisée "Tracer 900" en 2018, la Sport-GT d'Iwata s'est écoulée à "plus de 63 000 exemplaires" en Europe dont "14 900" en France. Malgré la Covid-19, cette version carénée du roadster MT-09 s'est hissée l'an dernier à la cinquième place du marché moto français (+ de 125cc) avec 2290 immatriculations, loin devant la F900XR (1135) ou la Ninja S1000SX (877) !
Cette lointaine descendante de la vaillante - mais pas marrante - TDM connaît sa troisième évolution pour enrichir sa polyvalence avec du contenu et une prestance supplémentaires. En clair : la Tracer 9 ne veut plus être qu'un "bon coût", mais un bon parti ! Cette démarche contrebalance aussi l'arrêt de la FJR1300, dernière représentante des grosses motos routières japonaises (BMW a gagné : la route est complètement dégagée pour sa RT !).
Pour s'en donner les moyens, la nouveauté récupère les dernières évolutions de sa donneuse d'organes : la MT-09 tout juste testée par MNC. La Tracer 9 hérite du 3-cylindres Euro5 porté à 890 cc de 119 ch, du châssis en alu profondément modifié, des valorisantes jantes forgées ainsi que d'une ribambelle d'assistances dernier-cri dirigées par une centrale à inertie (IMU) identique à la Superbike R1 (détails en page 2).
La protection et la capacité d'emport s'améliorent également par le biais d'une nouvelle bulle - toujours réglable sans outils - et d'un bâti renforcé pour supporter simultanément des valises de 30 litres et un top-case optionnel de 50 litres (aspects pratiques en page 3 et options en page 4). Ce n'est plus l'un ou l'autre comme en 2020 grâce à un chargement possible de 193 kg, passager et bagagerie inclus : cela laisse de la marge même avec un gros sac !
Enfin, l'habillage adopte des lignes mieux ciselées qui intègrent à l'avant des phares en amande repris à l'ancienne MT-09 et des lenticulaires façon R1. La finition suit cette tendance qualitative avec des ajustements plus soignés et un camouflage opportun des pièces disgracieuses (régulateur, klaxon et durits, notamment). C'est bien mieux que sur la MT-09, et ce n'est pas du luxe !
L'accès à bord progresse grâce à une selle abaissée de 15 mm - ajustable sans outils de 810 à 825 mm - ainsi que des repose-pieds réglables verticalement sur 14 mm et vers l'arrière sur 4 mm. La position du guidon est également variable en inversant les pontets pour le surélever de 4 mm et le reculer de 9 mm, afin d'obtenir une posture plus "GT".
Résultats : un pilote d'1m75 pose les pieds à plat avec la selle en position basse et conserve de solides appuis au sol en position haute, comme MNC a préféré la placer pour étendre encore plus confortablement ses jambes. La posture typée trail est toujours aussi agréable avec un large guidon qui facilite la prise en mains de cette moto étroite et légère (213 kg pour standard et 230 kg pour GT avec valises).
Accueillante et très bien équilibrée, la Tracer 9 se manipule aisément à l'arrêt et basse vitesse - bien aidée aussi par sa saisissante compacité d'ensemble : on est loin des volumes intimidants d'une véritable moto routière, à la petite exception de son proéminent carter d'embrayage dans lequel peut buter le genou droit à l'arrêt.
Sa selle offre un maintien correct, mais son épaisseur et sa largeur sont toutefois insuffisantes pour garantir un accueil douillet sur de longues étapes. Son dessin légèrement "en cuvette" tend par ailleurs à gêner le recul sur sa partie arrière... En cela, la nouvelle Tracer 9 est similaire à l'ancienne Tracer 900 : son assise n'est pas inconfortable, mais s'apparente plus à un fauteuil moyennement rembourré qu'à un canapé ultra-moelleux !
Le passager profite à l'inverse d'un gain de confort via une selle épaissie et élargie, sous laquelle entre par ailleurs un antivol digne de ce nom. Sa position surélevée offre une vue dégagée vers la route, tandis que les platines repose-pieds redessinées induisent un repli raisonnable des jambes tout en dégageant de l'espace avec celles du pilote. De larges et accessibles poignées de maintien complètent ces excellentes prédispositions pour le duo.
La protection prodiguée par la bulle se montre également convaincante : buste et épaules sont correctement abrités derrière cette "pelle à tarte", qui dévie l'air jusqu'à la moitié du casque en position basse. Une simple pression sur la pince en bas du pare-brise suffit à le relever sur cinq positions et 50 mm : la protection atteint alors le dernier tiers du casque. Simple, pratique et fonctionnel, y compris en roulant.
Compromis Sport-GT obligent, les jambes sont davantage exposées malgré l'élargissement des carénages : en cas de pluie, l'extérieur des genoux et une grande partie des tibias seront mouillés… Contrepartie logique d'une volonté de contenir les volumes et le poids : la Tracer 9 n'est pas une FJR1300.
Les mains sont pour leur part à l'abri de l'air et des - petits - chocs derrière les protège-mains efficaces. Les plus frileux ajouterons des poignées chauffantes en option sur la Tracer 9 standard, ou craqueront directement pour la Tracer 9 GT qui les intègrent de série avec les nouvelles suspensions pilotées Kayaba !
Outre ses pratiques valises de 30 litres (où logent un casque intégral : voir en page 2), la Tracer 9 GT reçoit effectivement un amortissement Kayaba Actimatic Damper System (KADS). Ce dispositif gère par voie électronique les lois hydrauliques de la fourche inversée de 41 mm et du mono-amortisseur, là où ces ajustement exigent un tournevis sur la Tracer 9 "tout-court".
Ce système distingue sensiblement la Tracer 9 GT de la Tracer 9 standard, au point d'avoir presque affaire à deux motos différentes. Explications : sur la Tracer 9 tout-court, l'amortissement "mécanique" excelle dans un registre sport-routier grâce à sa tenue hydraulique suffisamment ferme et réactive pour s'accommoder d'une conduite soutenue, voire sportive, voire franchement déraisonnable !
MNC a été impressionné par les réactions saines et efficaces de ces suspensions qui se montrent beaucoup moins sèches et rebondissantes que sur la MT-09 dont elles proviennent. L'écart en matière de progressivité entre le roadster et la Tracer 9 est flagrant : les tarages revus et la répartition des masses différentes de la routière expliquent cette différence extrêmement favorable.
Vive sans être nerveuse, la Tracer 9 profite de son agilité sidérante pour déclencher des placements éclairs sans jamais remettre en cause cette réjouissante cohésion d'amortissement. Ultra-stable au freinage et parfaitement campée sur son train arrière à l'accélération, la Yamaha négocie les virages avec une facilité déconcertante. C'est une moto ludique, mais qui s'est habilement canalisée pour vaincre ses "vieux démons"...
Terminés les tassements de suspensions et les réactions volatiles du train avant des premières générations, qui avaient même provoqué l'inquiétude de certains policiers et gendarmes sur leurs Tracer sérigraphiées. Le train directeur - abaissé de 30 mm au niveau de la fixation de colonne - est rivé sur l'angle, y compris gaz en grand avec le repose-pied au sol. La trajectoire est consciemment "Tracer" avec la Yamaha !
Mais comme indiqué en préambule, concilier sportivité et confort exige des compromis : c'est le cas avec l'amortissement de la Tracer 9, qui offre de fabuleuses capacités "arsouillesques" mais manque d'un soupçon de "ouaté" sur bitume froissé et les répétitions de chocs (type pavés de vieux centre-villes). Encore une autre frontière difficile à franchir entre une Tracer et une FJR...
Ces limites apparaissent également sur les compressions rapides et sèches (plaques d'égouts, bosses de racines d'arbre, etc), où l'hydraulique gagnerait à être ralentie pour fluidifier l'absorption de l'obstacle. Mais le phénomène - très supportable - vaut surtout dans sur petites routes tourmentées, quand rondeur et souplesse sont recherchées pour profiter du panorama avec son passager.
Bonne nouvelle : ces cas de figures particuliers trouvent la réponse adéquate avec la Tracer 9 GT ! La polyvalence apportée par ses suspensions dites "semi-actives" est incroyablement probante : vous voulez du sport ? Le mode d'amortissement "A1" (pour "Automatique 1") reprend à son compte le compromis dynamique de la Tracer 9 décrit ci-dessus !
La route se frippe et/ou l'invité réclame désormais plus de confort ? Couper les gaz et enclencher le mode "A2" d'une pichenette sur le commodo gauche, ou changez carrément de mode de conduite via les quatre "D-Mode". Ces derniers interviennent sur les suspensions, mais aussi sur la sensibilité du contrôle de traction, de l'ABS, du frein moteur ou encore sur la façon dont la puissance est délivrée (1 : plein pot, 4 : bridée) !
L'amortissement piloté assouplit alors l'hydraulique de manière immédiatement perceptible : la Tracer 9 GT est comme transfigurée, avec une dose de douceur suffisante pour s'épargner des secousses inutiles. Le système réalise le même grand écart "suspension-esque" apprécié par MNC sur feue la Super Ténéré 1200 ZE, et ce n'est pas un mince compliment !
La moto conserve toutefois la rigueur nécessaire pour rouler bon train, même avec ses valises chargées : les seules différences notables touchent les transferts de masses, logiquement plus prononcés en mode "A2 (confort). En insistant, la Tracer 9 GT tend à se tasser à l'accélération et à plonger au freinage : mieux vaut alors repasser en "A1", sans avoir à s'arrêter ni compter les clics de détente/compression. Sympa la technologie, non ?!
Seul petit bémol : ce Kayaba Actimatic Damper System n'autorise aucun réglage "à sa main", comme sur les R1-M et MT-10 SP. La gestion électronique de l'hydraulique est réalisée automatiquement avec des pré-tarages d'usine, sans possibilité de les affiner selon ses goûts. Dommage ? Non, car le système est fort bien calibré avec notamment une gestion de l'assiette impressionnante au freinage !
Ce freinage, justement, se révèle aussi convaincant que sur la nouvelle MT-09 : le nouveau maître-cylindre radial délivre un "toucher de levier" particulièrement fin, tandis que les étriers radiaux mordent les disques avec puissance et constance. Dosage et attaque progressive sont également de la partie, à l'avant comme à l'arrière.
MNC garde le meilleur pour la fin : le moteur de la Tracer 9, déclencheur d'achat à lui tout seul ! Ce truculent trois-cylindres grimpe à 890 cc - via une course allongée de 3 mm avec alésage identique - pour revendiquer 119 ch et 93 Nm. Et foi du Journal Moto du net : c'est bien suffisant en toutes circonstances !
Nos lecteurs qui ont lu notre essai de la MT-09 2021 le savent déjà : ce monument mécanique réunit souplesse, caractère et performances, le tout accompagné par une nouvelle bande-son tout bonnement exquise. Son timbre rauque - moins métallique qu'auparavant - s'accorde à la perfection avec le ronflement caverneux de la boîte à air.
Vif et sacrément vivant, ce "CP3" (pour Cross Plane 3-cylindres) n'est jamais à court de répondant : il repart sans un cahot en sixième à 50 km/h, relance ultra-fort de 3000 à 5000 tr/mn, avant d'accélérer férocement jusqu'à la coupure électronique à 11 000 tr/mn ! Encore plus costaud qu'en 2020, il atteint sa crête de couple à 7000 tr/mn soit 1500 tr/mn plus tôt : sensations garanties sur facture.
Ce "monstre gentil" est plein comme un boeuf ou fort comme un oeuf… à moins que ce ne soit l'inverse ?! On s'en carre : retenez que sa poussée est juste jubilatoire ! Chaque rotation de l'accélérateur provoque le plein de sensations et - quand l'envie s'y prête - un petit cabrage, histoire d'apprécier l'efficacité transparente de l'inédit contrôle de wheeling (Lift), par ailleurs désactivable sans débrancher l'antipatinage.
D'autre part, si le nouvel accélérateur électronique étrenné sur la MT-09 ne nous pas totalement convaincu sur le roadster, ce dispositif dénué de câbles se montre moins rugueux sur la Tracer 9. Comme sur les précédentes générations, le paramétrage d'injection différent - moins brutal - profite à la routière.
La gestion du filet de gaz reste parfois un brin chaotique, mais rien qu'un peu de souplesse au poignet ne soit pas en mesure de contrecarrer. Même constat flatteur pour le shifter "Up and down" installé de série sur la Tracer 9 GT : doux et réactif, ce dispositif fonctionne correctement dès 2000 tr/mn à la montée comme à la descente des rapports.
Que du bonheur ? Presque, car vous le savez : un journaliste-essayeur totalement satisfait, c'est comme un homme politique qui tient ses promesses électorales, ça n'existe pas ! Citons donc ces légers frémissements mécaniques déjà observés sur la MT-09 aux alentours des 7000 tr/mn, qui troublent sans vraiment gâcher une partition autrement idyllique !
La moto idéale, cette Tracer "tout 9" ? La Yamaha en est très proche surtout dans sa version haut de gamme Tracer 9 GT : dynamique et pratique, racée mais pas exclusive, à l'aise pour voyager en duo comme pour arsouiller en solo. Le graal absolu pour de nombreux motards !
Le tout sans passer par un crédit à 3600 mensualités pour se l'offrir, ni l'ablation d'un rein et d'une c...lle pour obtenir l'équipement "ki-va-bien" ! Béquille centrale facile à manipuler, porte-paquets, régulateur de vitesse ainsi qu'une toute nouvelle instrumentation à double écran TFT (voir en page 2) sont installés de série dès 11 499 € en version standard, en plus des nombreux autres équipements décrits ci-dessus et listés en page 3.
A cette dotation complète s'ajoutent les efficaces suspensions pilotées de la Tracer 9 GT, qui ouvrent encore davantage son champ des possibles…mais font copieusement gonfler son prix ! A 13 999 euros, la GT prend 1700 roros (!) alors que la standard grimpe aussi de 900 € : augmentations compréhensibles au regard de la progression technologique, mais tout de même conséquentes...
Les rivales de la Yamaha Tracer 9 |
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Pour MNC, Yamaha pourrait aussi décliner la Tracer 9 GT sans cette gestion électronique de l'amortissement afin de contenir son envolée tarifaire. Une manière aussi d'éviter de franchir un seuil psychologique, tout en perpétuant la réputation de "reine du rapport prix-plaisir-équipements" qui caractérise la saga Tracer depuis sept ans.
Rappelons que la toute première MT-09 Tracer - véritable canaille - ne coûtait que 9999 euros en 2014 ! Interrogé par MNC sur cet aspect, Yamaha France nous fait remarquer que "75% des clients ont choisi la GT l'an dernier" car séduits par ses équipements supplémentaires et son image plus cossue.
Dit autrement : le constructeur japonais ne ferait que répondre à la demande en faisant monter en gamme la vedette de sa gamme routière. Pour ne pas dire la seule : Yamaha compense aussi avec sa Tracer 9 GT les retraits sur fond de normes Euro5 des FJR1300 et Super Ténéré 1200, anciennes références des gros rouleurs aux diapasons !
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CONDITIONS ET PARCOURS | ||
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POINTS FORTS YAMAHA TRACER 9 | ||
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POINTS FAIBLES YAMAHA TRACER 9 | ||
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