Pour certains, les 3-roues de grosse cylindrée cumulent les défauts d'une moto et d'une voiture. D'autres pensent tout l'inverse. MNC fait le tri(cycle) en opposant le must des nouveautés 2014 accessibles aux permis B : le Spyder RT et le Tri Glide Ultra.
Nonobstant son amortisseur de direction et le diamètre généreux de sa fourche (49 mm), le train avant du Tri Glide Ultra n'est pas un modèle de rigueur sur routes bosselées. Malgré sa lourdeur (petits bras s'abstenir !), il tend à subir toutes les irrégularités et à vouloir suivre les longues saignées.
Gare aussi à bien intégrer son mode d'emploi : si, à basse vitesse, il convient de soulager l'avant en accélérant pour tourner plus facilement, il est nécessaire de moduler - voire couper - les gaz en courbe pour lui redonner de l'appui. Faute de quoi le "petit" pneu avant est poussé par les deux "grosses" roues arrière... jusqu'à son décrochage. A ce stade apparaissent les limites imposées par l'asymétrie d'un Trike.
L'arrière, composé d'une structure en tubes d'acier greffé sur le double berceau d'une Electra Glide, repose sur deux amortisseurs à gaz d'un débattement de seulement 76 mm. Très peu progressif et "rebondissant", cet essieu muni d'un indispensable différentiel retransmet sèchement la moindre bosse, gâtant énormément le confort. On est à mille lieux de l'absorption "ouatée" attendue sur un tel véhicule...
Quelles conditions pour conduire un trois-roues ? |
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En mode "sport", les plus joueurs s'amuseront à faire décoller la roue arrière intérieure dans les virages en provoquant le soulèvement d'une bonne poussée sur la poignée opposée. Une certaine marge est toutefois à prévoir, car le Tri Glide ne demande qu'à élargir la trajectoire... et replacer le bestiau de plus d'une demi-tonne dans le droit chemin n'est pas à la portée de tous ! D'autant que le Trike américain est dépourvu de toutes aides capables d'enrayer une situation délicate, y compris l'ABS.
Au passage, seul son freinage à la pédale est couplé, un équipement obligatoire sur les tricycles de classe L5e (lire encadré ci-contre). Le levier droit, lui, n'actionne que les étriers 4-pistons avant : il est donc possible de bloquer la roue avant - sur le mouillé, notamment - malgré un mordant et une puissance timides. Le dispositif couplé n'est guère plus incisif et moyennement dosable. Là encore, l'anticipation doit primer sur l'improvisation.
Dépourvu de levier de frein avant, le Spyder RT embarque en revanche toute une panoplie de "béquilles électroniques" très élaborées. Ultra-sécurisé, le 3-roues du groupe BRP fait travailler de concert un ABS, un freinage couplé, un correcteur de trajectoire façon ESP utilisé en automobile, un anti-patinage et un anti-soulèvement. Un vrai "sac à puces" !
Totalement transparentes à un rythme promenade - ce pour quoi il est conçu, rappelons-le -, ces aides interviennent dès que le tempo s'accélère. Si le système juge par exemple qu'une courbe est négociée trop vite, via les capteurs situés sur le train avant, il intervient physiquement sur les freins et/ou réduit l'arrivée de puissance par le truchement de l'injection.
En courbe, il est donc impossible de décoller une roue, de faire riper l'avant ou de déclencher une dérive à l'accélération. En revanche, lors d'un démarrage en trombe sur un revêtement à faible adhérence (bitume mouillé ou graviers, par exemple), le contrôle de traction laisse le pneu arrière patiner sur quelques mètres avant d'intervenir de manière très progressive.
Assez déconcertantes car intrusives, ces interventions multiples peuvent surprendre aussi bien le conducteur que celui qui le suit : comment prévoir en effet qu'un véhicule lancé à bonne allure va soudain vivement ralentir en pleine courbe ? C'est pourtant exactement ce qui se passe lorsqu'on titille les limites du Spyder RT en mode arsouille : l'électronique prend la main et verrouille tout, y compris, bien sûr, les gaz... Étonnant !
Pour éviter ce "bridage électronique", le plus efficace consiste à entrer en courbe sur l'élan, sans freinage brusque, puis d'accélérer progressivement pour profiter de l'adhérence et de la stabilité stupéfiantes du Can-Am. Rivé au sol, le 3-roues révèle alors une - petite - partie de ses possibilités : on sent à cet instant que ses capacités dynamiques sont volontairement bridées. Pour les plus sportifs, cap sur l'énergique "frangin" RS !
Plus facile à prendre en mains grâce à ses réactions plus prévisibles (exception faite des assistances...), le Spyder RT éclipse aussi le Tri Glide Ultra au chapitre du confort. Sa suspension arrière remplit parfaitement ses fonctions, lissant les irrégularités avec réactivité et progressivité. Au besoin, un contacteur situé sous le guidon permet d'intervenir électriquement sur la précontrainte. Un ajustement efficace et pratique, surtout lorsqu'on passe du solo au duo chargé avec bagages.
Seule spécificité exigeant un minimum d'habitude : sa direction assistée est extrêmement sensible et le reste même en prenant de la vitesse. La moindre pression sur le guidon engendre un changement de cap, comme sur un quad tout-terrain. A vive allure ou sur revêtement dégradé, être souple et léger sur la direction est impératif pour ne pas provoquer de mouvements intempestifs.
Autre particularité commune à ces deux tripodes virant à plat (contrairement aux MP3, par exemple, dont le train avant s'incline) : en courbes, la force centrifuge pousse le buste vers l'extérieur de manière proportionnelle à la vitesse. Plus le rythme augmente, plus le pilote et son passager doivent gainer les muscles du tronc et bander ceux des bras pour contrecarrer ce phénomène physique.
Enfin, malgré sa cylindrée élevée, le Spyder RT n'offre pratiquement pas de frein moteur au rétrogradage. Comme sur une voiture, chaque ralentissement nécessite le recours au dispositif de freinage, parfaitement taillé pour l'exercice : l'action combinée des trois disques de frein de 270 mm (deux à l'avant, un à l'arrière) est extrêmement puissante, mordante et aisée à gérer.
Proche d'une moto sur ce point, le Tri Glide Ultra ralentit fortement uniquement en lâchant la poignée de gaz, bien aidé en cela par l'inertie importante de sa mécanique. A l'usage, lors de tranquilles virées à deux notamment, passer le rapport inférieur et se laisser porter sur l'élan suffit à moduler son allure, comme sur une moto de grosse cylindrée.
Un canapé pour trois
Changement de décor : après les petites routes, place à l'autoroute pour rentrer au bercail. Calés à 130 km/h (à 3250 tr/mn sur le Tri Glide, 4200 sur le Spyder) grâce au régulateur - plus intuitif à utiliser sur le Trike -, les deux trois-roues dévoilent alors leurs multiples qualités d'avaleurs de bornes.
Duo à trois (roues) |
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Dans ces conditions, l'Américain reprend une partie du terrain concédé au Canadien sur le bosselé. Sur bitume lisse, sa piètre suspension n'est plus qu'un mauvais souvenir car ses assises moelleuses à souhait absorbent douillettement les petits défauts de la chaussée.
Surtout, sa position plus relax se fait grandement apprécier : le buste est légèrement incliné vers l'arrière, le bas du dos parfaitement soutenu par le rembourrage des sièges et les mains négligemment posées sur les extrémités recourbées du large guidon. Un vrai canapé à trois-roues !
Tout aussi confortable en termes d'assise, le Spyder RT offre une ergonomie radicalement différente et moins reposante, car plus redressée. Qui plus est, en l'absence du dossier pilote amovible (une option à 544 euros qui s'insère dans un espace recouvert d'un cache entre les cuisses du passager), les lombaires ne sont pas aussi bien maintenues.
La position "buste droit-coudes repliés" évoque immédiatement l'ergonomie d'un quad ou d'un scooter des mers. Pas étonnant, puisque le groupe BRP construit aussi les deux ! Concrètement, le conducteur est installé "dans" le Trike mais "sur" le Spyder.
Le placement des commandes n'appelle aucune critique particulière, à l'exception de la pédale de frein du Spyder : étant donné que l'avant de ses marchepieds pointe légèrement vers le bas (c'est l'inverse sur le Trike), la flexion demandée à la pointe du pied pour actionner la pédale est plus importante que sur le Tri Glide Ultra.
La plupart du temps cette caractéristique passe complètement inaperçue, mais elle devient gênante lorsque le freinage est fréquemment sollicité. Comme dans les embouteillages, par exemple, où les muscles du pied peuvent demander grâce après plusieurs dizaines de flexions successives !
Autre petit désagrément : si la protection offerte par le Can-Am s'avère supérieure (notamment au niveau des genoux, la seule partie du corps pas totalement abritée sur le Trike), son pare-brise "XXXL" engendre une dépression aérodynamique dans le bas du dos.
Mieux vaut le baisser (électriquement) de quelques centimètres - quitte à s'exposer à de légères turbulences sur le haut du casque - pour enrayer cette désagréable poussée. Sur le Tri Glide Ultra, le pare-brise installé au sommet de l'énorme tête de fourche n'est pas réglable, mais sa protection impressionnante suffit : l'air est dévié plusieurs centimètres au dessus du casque d'un pilote d'1m75.
Aucune turbulence ni dépression n'est à déplorer sur le H-D, qui dispose par ailleurs de volets amovibles sous le pare-brise pour faire circuler l'air vers le pilote lors de fortes chaleurs (en option sur le Spyder). Des déflecteurs orientables à côté des phares et des trappes amovibles situées juste devant les genoux remplissent la même fonction. Le petit courant d'air ainsi créé rend plus supportables les déambulations à basse vitesse en plein cagnard !
Dernier aspect non négligeable sur ces vaisseaux de la route : leurs aspects pratiques. Le Tri Glide Ultra prend un léger avantage grâce à son énorme capacité d'emport (189 litres contre 155) : une valise de taille standard - et pesant jusqu'à 33 kg - tient dans son coffre, tandis que deux casques intégraux entrent dans son top-case !
Mais quel dommage que sur un engin aussi luxueux, il faille verrouiller chacun de ces espaces - mais aussi la trappe à essence - avec la clé de contact... Surtout que le Tri Glide Ultra reçoit en série un pratique système de démarrage mains libres, grâce auquel on lance le moteur simplement en actionnant le démarreur avec le transpondeur en poche. Système qui inclut par ailleurs une alarme, dont l'absence chagrine sur le Spyder RT...
Sur le Can-Am, la vaste soute avant (44 litres) s'ouvre au Neiman et se referme sur un casque intégral. En revanche, le top-case et les valises se verrouillent via une serrure située entre ses feux arrière full LED (même type d'éclairage sur le Trike). Profond mais étroit, le top-case accueille un sac à dos, tandis que seule la valise droite se referme sur un casque. A gauche, l'espace est plus compté en raison du passage de la transmission finale.
Prévu pour y insérer un téléphone portable, le vide-poches (non sécurisé) du Tri Glide Ultra s'avère nettement moins pratique que celui du Can-Am : non seulement ce dernier est beaucoup plus vaste (un étui à lunettes et un smartphone entrent sans difficulté), mais il se verrouille automatiquement à l'arrêt du moteur.
Le Trike se rattrape avec son instrumentation plus riche (voir les Aspects pratiques et équipements en avant-dernière page), plus intuitive (naviguer dans les menus sur le Spyder demande une certaine habitude) et surtout plus lisible. Calqué sur celle d'une voiture, l'austère planche de bord du Can-Am pèche par le format minuscule de certaines inscriptions (odomètre, trip et rapport engagé, notamment) et sa sensibilité aux reflets.
Enfin, le trois-roues de Milwaukee éclipse totalement son rival au niveau de l'installation multimédia, probablement la plus élaborée jamais testée par MNC ! Simplissime à utiliser, cet équipement high-tech se commande soit avec des joysticks placés sur les commodos, soit directement via l'écran digital tactile de 16,51 cm utilisable avec des gants de moto.
Cette "Boom Box 6.5GT" comprend notamment un GPS intégré, un inédit système de reconnaissance vocale et une sono d'une qualité incroyable. Alors que le système audio du Spyder RT distille un son métallique rapidement couvert par les bruits aérodynamiques (les paroles restent audibles jusqu'à environ 110 km/h), celui du Tri Glide Ultra possède une agréable richesse de tonalités, des graves puissants et un volume ahurissant.
A 130 km/h, l'oreille perçoit encore chaque note d'un bon morceau de rock, à l'avant comme à l'arrière du Trike ! Bravo aussi à Harley d'avoir pensé à une connexion Bluetooth pour connecter son Smartphone et d'avoir installé un raccord standard, via un câble USB, pour brancher ou recharger n'importe quel type d'appareil mobile. Dépourvu de Bluetooth, le Spyder RT ne propose de son côté qu'un câble au format iOS, uniquement compatible avec des produits Apple.
Un choix restrictif discutable en Europe, dans la mesure où le système d'exploitation Google (Android, dont le principal client est Samsung) supplante très largement iOS en termes de volumes. D'après une étude réalisée par Kantar Worldpanel, 68,6% des plateformes mobiles (téléphones, tablettes, etc.) tournaient sous Android au dernier trimestre 2013 dans les cinq principaux marchés européens (Royaume-uni, Allemagne, France, Italie et Espagne) contre seulement 18,5% pour iOS.
Aux États-Unis, patrie d'Apple et voisin proche de Can-Am, ce taux atteignait encore 43,9% sur la même période mais il diminue rapidement (-4% en 2013, selon l'étude).
Verdict : "chers" trois-roues !
Similaires sur le fond mais radicalement opposés sur la forme, le Spyder RT et le Tri Glide Ultra visent sensiblement le même public mais avec des arguments différents. Sur le Can-Am, l'originalité des lignes, les sensations étonnantes ressenties au guidon mais aussi le confort et les aspects pratiques sont très séduisants.
Chez MNC, on est aussi admiratif devant la maîtrise technologique du groupe BRP qui développe son propre concept, de la géométrie originale de l'engin à son moteur, en passant par ses sophistiquées aides électroniques. Autant d'assistances trop restrictives et intrusives, surtout pour un motard ! En revanche, l'automobiliste à la recherche d'un trois-roues statutaire, construit avec soin et sécurisant sera comblé avec cette version suréquipée "Limited", affichée la bagatelle de 31 999 € (23 499 € pour le RT standard).
Beaucoup plus typé "moto" de par sa position de conduite, sa motorisation vivante - et vibrante - et son look calqué sur la référence des Touring Harley (enfin, l'avant seulement !), le Tri Glide Ultra constitue une porte d'entrée "dérobée" vers l'univers du constructeur de Milwaukee. Il séduira notamment ceux qui ont toujours rêvé de chevaucher une Harley sans jamais trouver le temps ou le courage de passer le permis moto.
Mais pas que : les amateurs de trikes apprécieront aussi de pouvoir assouvir leur passion pour ces étonnants 3-roues autrement que par la couteuse intervention d'un préparateur, comme le spécialiste néerlandais EML. D'autant plus qu'une moto transformée en trike ne bénéficie plus de la garantie constructeur, à l'inverse du Tri Glide Ultra logiquement couvert par Harley pendant 2 ans, pièces et MO.
Néanmoins, à 35 990 € le ticket d'entrée, le trois-roues Harley est très loin d'être à la portée de toutes les bourses. Certes, sa présentation et sa finition sont irréprochables (à l'exception des fils alimentant les phares, grossièrement entourés de chatterton, et du traitement de surface appliqué sur ses sorties d'échappements, déjà rouillés sur notre Trike de 8000 km) et son équipement est pléthorique.
Mais au regard de son tarif élitiste, quelques détails chagrinent : ses suspensions "tape-c.." d'une part et sa marche arrière digne d'un tricycle électrique pour enfants "made in Pascherkistan" de l'autre ! Contrairement au Spyder dont la boîte de vitesses inclut une marche arrière entraînée par le 3-cylindres, le Tri Glide est en effet équipé d'un moteur électrique pour reculer.
Cet équipement à la sonorité criarde est de surcroît susceptible de chauffer, faute de puissance suffisante pour déplacer la masse considérable du Trike. Conscient du problème, Harley France nous a indiqué la manoeuvre à suivre en cas de surchauffe : il suffit de réenclencher un fusible (accessible sans outils) sous un panneau situé à l'arrière droit. Un peu cheap pour un véhicule aussi haut de gamme...
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CONDITIONS ET PARCOURS |
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POINTS FORTS CAN-AM SPYDER RT |
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POINTS FAIBLES CAN-AM SPYDER RT |
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POINTS FORTS H.-D. TRI GLIDE ULTRA |
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POINTS FAIBLES H.-D. TRI GLIDE ULTRA |
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