La dénomination des carburants adoptera vendredi 12 octobre un format commun à travers toute l'Europe et sept pays voisins pour faciliter l'identification des différentes formes d'essence et de gasoil. Cette mesure prévue depuis 2014 intervient en pleine envolée du prix à la pompe... Explications.
En France, identifier le carburant adéquat pour sa moto ou sa voiture est assez simple : les pompes jaunes sont réservées au diesel - donc aucune moto de grande série à ce jour ! - et les vertes et bleues concernent l'essence. Les différentes formes d'essence sont signalées par les logos "SP95", "SP98", "SP95-E10" - qui contient jusqu'à 10% d'éthanol - et "Superéthanol", carburant contenant jusqu'à 85% d'éthanol réservé aux véhicules dits Flex-Fuel.
Problème : chaque pays d'Europe possède sa propre signalétique et ses appellations, ce qui peut compliquer la compréhension des consommateurs étrangers... Le risque est grand de se tromper de carburant en faisant le plein dans un autre pays, sans compter la barrière de la langue.
L'Union européenne a donc décidé d'harmoniser les noms des carburants : sans-plomb et gazole seront désormais identifiés par une figure géométrique ornée d'une lettre et d'un chiffre, de manière identique dans les 28 pays de l'UE et dans sept pays voisins (Islande, Liechtenstein, Norvège, Macédoine, Serbie, Suisse et Turquie).
Cette nouvelle norme européenne - approuvée depuis 2014 - entrera en vigueur dans toutes les stations-service à partir de demain, vendredi 12 octobre 2018, pour permettre aux conducteurs de s'y retrouver en un seul coup d'oeil d'Helsinki (Finlande) à Palerme (Italie).
"L'objectif, qui est assez sain, est de faciliter la vie des gens qui voyagent beaucoup et qui, en traversant plusieurs pays, trouvent des affichages complètement différents", explique à l'AFP Francis Duseux, président de l'Union française des industries pétrolières (UFIP).
Le nouveau système s'articule autour de trois figures géométriques : rond pour l'essence, carré pour le gasoil et losange pour les carburants dits "gazeux" comme le gaz naturel comprimé - très peu utilisé sur les véhicules grands publics -, l'hydrogène - également assez rare - ou le gaz de pétrole liquéfié, connu sous le sigle "GPL".
D'autre part, l'essence sera clairement désignée par la lettre "E" à l'intérieur du cercle, tandis que le diesel sera identifié par un "B" dans un carré. Dernière subtilité : cette lettre sera suivie d'un chiffre indiquant la teneur maximale de biocarburant.
Les essences sans-plomb SP95 et le SP98 seront donc signalées par une pastille ronde avec l'appellation E5 : "E" comme Essence et "5" pour 5% d'éthanol. Le SP95-E10 devient en toute logique "E10" tandis que le super-éthanol se transforme en "E85" : ces deux derniers formats étaient déjà fréquemment utilisés dans les stations, les distributeurs ayant anticipé la réforme.
Le gazole devient de son côté "B7", avec un "B" (comme Biesel ou Bazole, pourquoi pas ?!) pour l'identifier et un "7" indiquant qu'il contient 7% de biocarburants, produits à partir de colza, de maïs ou de betterave. Le logo "B10" désignera par ailleurs "un nouveau gazole pouvant contenir jusqu'à 10% de biocarburants", prévoit la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF).
Contrairement à ce que vous avez pu lire par ailleurs : non, le bon vieux logo "SP95" sur fond vert n'est pas mort ! La nouvelle signalétique européenne va prendre place aux côtés de l'ancienne, chaque pays conservant ses propres appellations. Le rond "E5" et le carré "B7", par exemple, apparaîtront en complément.
"Les pompes restent exactement comme elles sont aujourd'hui : avec des stickers jaunes par exemple pour le gazole. On va juste adjoindre en-dessous la norme européenne", confirme Francis Pousse, du Conseil national des professions de l'automobile (CNPA), cité par l'AFP.
Ce "double affichage" sera également étendu aux marquages présents sur les véhicules, généralement près du bouchon du réservoir de carburant. Là encore, certains constructeurs ont devancé la directive puisque certaines motos ou voitures très récentes en sont déjà équipées.
"C'est plutôt positif", juge Pierre Chasseray, délégué général de l'association 40 millions d'automobilistes. "Au moins, quand on voyagera à l'étranger, on saura ce que c'est que du B7. Jusqu'à présent il fallait être "Champollion" pour comprendre que c'était du diesel", plaisante-t-il.
L'association de défense des automobilistes recommande toutefois, pour que l'introduction de ce système "se passe très bien", que l'étiquetage européen continue de cohabiter à l'avenir avec les appellations actuelles. Sous-entendu : que l'Europe ne décide pas du jour au lendemain de supprimer le double affichage...
Hasard - ou non - des calendriers : la mise en place de ces nouvelles appellations des carburants survient au moment où leur tarif atteint des sommets : le litre de gazole, carburant consommé à hauteur de 80% en France malgré le scandale du Dieselgate, dépasse même pour la première fois la barre des 1,50 €... soit 10 de nos anciens francs !
Le carburant pour véhicules diesel (le B7, donc !) s'affiche en moyenne "à 1,5217 euro le litre" en date du 8 octobre selon le dernier relevé hebdomadaire du ministère de la Transition écologique et solidaire, qui chiffre la hausse à "3,82 centimes de plus que la semaine précédente".
L'essence sans plomb 95 (E5, vous y êtes ?) a pour sa part augmenté de "2,13 centimes" sur la même période pour atteindre "1,5733 euro le litre", en moyenne constatée sur l'ensemble des stations-service françaises. Le SP98 croît quant à lui de "1,80 centimes", à 1,6358 €/l. Plutôt qu'une signalétique commune, l'Europe ne pourrait-elle pas mettre en place des tarifs communs ?!
Comme d'habitude, la situation tendue à la pompe en France est officiellement imputée à des conséquences externes contre lesquelles le gouvernement ne pourrait rien faire : la variation du cours du brut, le taux de change euro-dollar, le niveau des stocks de produits pétroliers sont ainsi régulièrement mises en cause.
Les conflits avec les pays producteurs de "l'Or noir" font également office de pratiques paravents : les cours du pétrole ont effectivement grimpé en flèche depuis l'annonce de sanctions prises par les Etats-Unis contre l'Iran, jusqu'à atteindre leur plus haut niveau depuis quatre ans.
Pour autant, l'augmentation des cours du pétrole ne suffit pas à expliquer de telles hausses, loin s'en faut : le coût de la matière brute ne représente en moyenne qu'entre 27 et 28% du prix du carburant, soit moins d'un tiers. En revanche, les taxes décidées par Bercy comptent à elles seules pour environ 60% du prix au litre !
Deux - énormes - taxes s’appliquent sur l’essence et le gazole en France : la taxe intérieure sur la consommation de produits énergétiques (TICPE, anciennement TIPP) et la TVA. Notons que c'est essentiellement la différence du montant de la TICPE entre l'essence et le gazole qui explique leur écart de prix à la pompe.
Voila pourquoi le carburant pour diesel subit actuellement les plus fortes hausses : le gazole n'a plus le vent en poupe auprès du gouvernement, Paris envisageant même d'exclure de ses rues cette motorisation dès 2024 ! Mais ce rejet du diesel n'est pas "franco-français" : il s'étend à la plupart des pays européens, y compris en Allemagne où la justice berlinoise vient d'interdire la circulation de voitures de plus de trois à cinq ans...
Si cette augmentation du prix des carburants met à mal le pouvoir d'achat des motards et des automobilistes, ce n'est donc pas seulement parce que Donald Trump montre les poings en Orient ! Les très importantes taxes françaises en sont davantage responsables, dans un objectif vieux comme la 5ème République (qui fête ses 60 ans) : renflouer les caisses !
Selon le site "Connaissancesdesernergies.org", la TICPE constitue en effet la "quatrième recette de l'Etat" après la TVA, l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés ! Entre cette manne colossale et le milliard d'euros collectés par les radars, comment ne pas en arriver au constat "usagers de la route = vaches à lait" ?!
Le gouvernement ne s'en cache pas : "nous avons fait le choix de baisser l'impôt sur le travail et d'augmenter l'impôt sur la pollution", a admis le premier ministre fin septembre sur France Inter, en réponse aux interrogations sur la hausse continue du prix du carburant constatée depuis cet été.
Courageux mais pas téméraire, Edouard Philippe ajoute aussitôt que cela tient "en partie aux décisions que nous prenons, mais surtout du fait de changements qui ne relèvent absolument pas du gouvernement : entre 50 et 70% de l'augmentation est due à l'évolution du prix des matières premières", assure-t-il sans réellement convaincre. Pas sûr que la nouvelle signalétique européenne suffise à faire diversion...
.
.
.
Commentaires
Ajouter un commentaire
Identifiez-vous pour publier un commentaire.