La traditionnelle conférence de presse de début d'année organisée par la Chambre syndicale de l'automobile et du motocycle a été l'occasion d'aborder un sujet brûlant : la limitation de vitesse à 80 km/h, sur laquelle la CSIAM ne s'exprime volontairement pas. Son président "en moto" explique pourquoi...
La position de la Chambre syndicale de l'automobile et du motocycle est - malheureusement ? - sans équivoque : "la CSIAM n'a pas à se prononcer sur la limitation à 80 km/h sur les routes françaises. Ce sujet n'est pas de premier ordre pour nous. Ceux qui sont en première ligne, ceux qui sont légitimes, ce sont clairement les associations d'usagers".
La CSIAM ne rejoindra donc pas le front commun établi par les principaux acteurs du deux-roues motorisés (FFMC, FFM, Codever, CNPA) et rejoint vendredi dernier par l'association 40 millions d'automobilistes, qui fait bloc contre cette nouvelle "dé-mesure des-magots" : #MoinsDeMorts #PlusDeCash...
"Nous, industriels, avons d'autres combats", justifie Thierry Archambault, président-délégué de la CSIAM. "Nous ne disons pas que la question des 80 km/h n'est pas importante", précise-t-il, "mais elle ne figure simplement pas dans la liste prioritaire des combats que les adhérents souhaitent voir mener par la CSIAM".
Au-delà de la chambre syndicale, chaque constructeur est libre de prendre position sur "les 80km/h" et leurs potentielles conséquences en termes de sécurité routière, d'environnement, de ventes ou d'image... "Certains l'ont fait dans la presse spécialisée à travers des articles fort bien rédigés (sur Moto-Net.Com principalement, NDLR !)", souligne M. Archambault.
Inutile donc, selon le responsable de la CSIAM, de passer - perdre ? - du temps à "trouver un consensus parmi l'ensemble des marques sur un sujet qui, encore une fois, est considéré par les adhérents comme n'étant pas un sujet sur lequel la CSIAM n'est à l'évidence pas légitime pour s'exprimer".
Selon Jean-Luc Mars, élu président de la branche moto de la CSIAM fin 2017, l'abaissement en 2018 de la vitesse sur les routes ne devrait pas diminuer l'attrait de la moto, ni impacter son marché : "on voit une évolution majeure du marché vers des motos et des comportements un peu plus apaisés, et ce n'est pas le passage de 90 à 80 qui changera fondamentalement la donne commerciale".
Néanmoins, "sur le fond et sur la durée, une multiplication rapide et répétée de mesures qui limitent la liberté de circuler ou de se faire plaisir en moto finira par avoir un impact. Mais cette mesure des 80 km/h prise isolément n'est pas ressentie comme une menace".
Le nouveau président en marche en moto s'autorise même une petite boutade : "pour avoir fait plusieurs allers-retours sur Paris ces derniers temps, en moto, on peut finalement considérer que Mme Hidalgo est le meilleur agent commercial qu'on n'ait jamais eu... Car je plains les personnes qui circulent dans Paris et sa banlieue en voiture".
Pour défendre les intérêts - des constructeurs - du deux-roues motorisé, la CSIAM table sur "tous les services qu'il rend à la société : en termes de solution de mobilité, de pollution aussi car déplacer 150 kg de façon fluide est plus intéressant que de coincer deux tonnes dans les bouchons, en termes de plaisir, de liberté, de voyage, de loisirs, etc."
Selon Jean-Luc Mars, la CSIAM et ses adhérents (21 marques étrangères) doivent d'une part mettre en avant la myriade d'atouts dont disposent les motos et scooters, et d'autre part se débarrasser de "deux énormes cailloux dans la botte", deux problèmes dont les résolutions priment sur la réflexion autour des limitations de vitesse !
"Le premier de ces deux sujets, sur lesquels on se fait systématiquement aligner, c'est la pollution", estime Mister Mars... "Mais la pollution sonore, car elle est audible ! Sur les rejets de gaz, nous sommes "entendus" lorsqu'on explique que nos motos polluent faiblement car elles sont modernes, légères, disposent des dernières technologies, etc. Mais en ce qui concerne le bruit, on trouve toujours quelques irréductibles qui nous entravent dans nos démarches".
Autre problème à résoudre d'urgence selon le patron de la CSIAM moto (et de Triumph France) : "l'accidentalité. Les 80 km/h, à titre personnel je vous le dis, cela m'emmerde m'indispose, mais nous sommes face à une solution apportée par un gouvernement qui a un problème : l'accidentalité en France est malheureusement disproportionnée par rapport aux autres pays européens".
"Les 80 km/h peuvent-ils servir à quelque chose", s'interroge M. Mars ? "Je n'ai aucune idée. Ce qui est évident, c'est que nos statistiques routières sont mauvaises par rapport à l'Angleterre, à l'Allemagne, à la Suisse et même à l'Italie, ce qui contredit l'excuse de la discipline latine plus dilettante...", conclut-il.
"La baguette magique n'existe pas, pas plus qu'elle n'existe pour résoudre le problème du chômage... On le saurait depuis le temps", regrette le président des constructeurs. "En revanche, nous possédons tous des petites leviers pour améliorer la situation : la formation, l'éducation, l'équipement du motard, les motos proposées par les constructeurs aux débutants afin qu'elles incitent moins à adopter des comportements dangereux, les conseils émis par la presse au fil des pages, etc."
"Nous comprenons complètement que des associations d'usagers s'opposent (ou "proposent", complètera un porte-parole de la FFMC, NDLR). De notre côté, nous tentons de nous faire entendre des autorités de manière diplomate", calcule Jean-Luc Mars.
La dernière rencontre avec le délégué interministériel à la sécurité routière aurait été satisfaisante, justement : "notre sentiment est que le discours de la FFMC privilégiant l'incitation au port d'équipements de protection plutôt que l'obligation a été entendu", assure le président de la CSIAM moto.
D'après le "big boss" de Triumph en France, les motards ne devraient pas être prochainement obligés de porter des équipements trop onéreux. Ceci dit, "nous devons tous être capables de faire comprendre à nos motards que le port de bottes et d'un blouson coqué va dans le bon sens, afin d'éviter que d'ici trois ans, l'airbag soit imposé à tous".
Au cours de son plaidoyer, Jean-Luc Mars invite "tous les acteurs à agir afin de faire baisser l'accidentalité du deux-roues, car 800 morts par an sur les routes en France, c'est un drame. Nous sommes tous émus par la perte de proches : Marco Simoncelli, ou Robert Doron et Anthony Delhalle en début d'année... Cela nous touche, cela nous blesse. Or il y a 800 drames par an sur les routes. Ce n'est pas acceptable, nous devons combattre cela avec nos moyens et nos solutions".
"Ne nous voilons pas la face", conseille-t-il en conclusion : "si nous n'y arrivons pas tous ensemble, les gouvernements voudront taper fort pour obtenir des résultats, en limitant toujours plus nos libertés, nos plaisirs, nos passions. C'est ma position, et celles de beaucoup d'adhérents : nous allons la défendre", promet-il.
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