Les deux dernières éditions du Tourist Trophy ont été dominées par Michael Dunlop et Peter Hickman, sur différentes motos (Fireblade et M1000RR, R6 et Street Triple, S1-R et R7...) mais avec les mêmes pneumatiques : des Dunlop, "Made In Montluçon" ! Interview du boss de la marque en France justement, Francis Audefroy.
Moto-Net.Com :Certains pilotes chaussés de Dunlop ont connu des soucis lors de la récente North West 200, et l’an passé au Tourist Trophy ? En termes d’efforts, de charges, de contraintes, les courses sur route sont plus éprouvantes que les épreuves d’Endurance, même sur le rapide circuit du Paul Ricard ?
Francis Audefroy (directeur de la division Dunlop Moto France) : Oui, les courses sur route fatiguent - au sens épuisent, usent - davantage les pneumatiques car ça n’arrête pas de rebondir. Je confirme qu’au Paul Ricard ça chauffe dans la longue ligne droite, mais on a des gommes qui sont faites pour cela. Ces pneus sont conçus pour rouler sur une piste de circuit extrêmement lisse, même si on entend parler parfois de portions un peu bosselée, ce n’est jamais bien grave... Ce n’est pas le même exercice que rouler sur une route qui est bosselée en permanence.
MNC : C’est surtout les bosses qui fatiguent, les irrégularités plus que la vitesse moyenne ? (220 km/h au Tourist Trophy pour les meilleurs !)
F. A. : Comme toujours, c’est un ensemble de facteurs. Ce sont les bosses donc, et le pneu qui rebondit en permanence. Comme tu le soulignes, ils roulent extrêmement vite. Et c’est aussi la température des gommes qui n’est pas optimale car les freinages sont quand même moins appuyés et beaucoup moins fréquents, les prises d’angles sont moins sévères. Donc le pneu qui est destiné à l’origine à des pistes plates et courtes, et a évolué avec des motos extrêmement puissantes, n’est plus dans son élément sur route. Deux pilotes ont effectivement été ennuyés sur la North West 200, à peu près au même endroit et au même moment. Cela ne nous était jamais arrivé, donc par sécurité, nous n’avons pas pris le départ de la seconde manche. Nous ne sommes pas des kamikazes, nos pilotes non plus, donc on se retire et on étudie.
MNC : Qu’avez vous conclu au sujet des pneus endommagés ?
F. A. : On a constaté que ces pneus là étaient vraiment fait pour rouler à plat. Au Tourist Trophy l’an dernier, on avait mis d’autres types de pneumatiques, ce qui nous avait pas empêché de tout gagner et de monter sur les podiums. On n’a pas connu plus de problèmes que sur un TT normal. Et pour cette année, nous sommes arrivés avec des pneumatiques un peu retravaillés, cela fait partie des évolutions dont on parlait sur les slicks employés en Endurance.
MNC : Les pneus étaient visisblement à la hauteur, puisque Peter Hickman et Michael Dunlop ont établis de nouveau record, absolu et en Supersport !
F. A. : Exactement. C’est la parfaite illustration du curseur qu’on place au maximum, un peu trop près de la limite dans certaines conditions. Donc on repense tout, on revient l’année d’après et on bat le record. Ça met tout le monde d’accord.
MNC : Quel référence de pneu est utilisée ? C’est pour un ami qui voudrait battre le record du tour du périph...
F. A. : Ce sont des KR109 et 108, que Dunlop a retravaillé en fonction des retours de l’année dernière, et nus n’avons pas eu de problème.
MNC : Vous sortez des pneus de validation aussi au TT ?
F. A. : Pas à ma connaissance, car c’est une épreuve dangereuse. Développer un nouveau pneu au Paul Ricard où les vitesses sont très élevées mais les dégagements proportionnels, ça ne pause aucun souci. Sur route ? Boh, boh, boh... Le fameux Peter Hickman roule avec nos pneus toute l’année, il teste et développe avec nous, mais il ne découvre pas de pneu en compétition, sur route. Il doit l’avoir validé avant cela.
MNC : Les victoires de Hickman et Dunlop (Michael) au TT font vendre plus de pneus ? En Grande-Bretagne surtout...
F. A. : Cela nous permet avant tout d’être dans le paysage, et de construire la légende de la marque. Comme nous sommes présents au Mans par exemple(avec la fameuse courbe et sa passerelle, NDLR). D’autres marques le font dans d’autres championnats : World Superbike et F1, MotoGP, etc. Il faut être vu et retenu par les spectateurs et téléspectateurs, comme acteur, éventuellement vainqueur et auteur de records. Cela établit l’image de marque.
MNC : Les retombées financières sont quantifiables ?
F. A. : Non, on ne saurait pas faire. Sincèrement, je ne connais pas de motards qui le lendemain d’une victoire, se rendent à l’atelier et exigent des Dunlop parce que Hickman a gagné la Senior TT. Je n’y crois pas pour être franc, et ce n’est pas pour cela qu’on le fait. En revanche, le jour où il doit changer de pneus, si le marchand lui dit (je ne veux pas dire de al d’un concurrent "tiens, j’ai des pneus tchin-tchin, tartemuche ou des Dunlop", ding, le choix s’oriente vers Dunlop car il connaît, il fait confiance car Hickman a fait confiance.
MNC : La guerre des marques va loin. Cette année, un concurrent allemand est devenu le "partenaire officiel" du Tourist Trophy, sans en devenir le fournisseur unique. C’est un statut que vous occupiez avant ?
F. A. : Disons que nous n’étions pas officiellement le partenaire officiel. Il n’y avait pas de "pneu officiel" mais Dunlop était le pneu le plus vu sur le Tourist Trophy. Comme à l’époque des GP125 et GP250 où tout le monde roulait Dunlop alors qu’il n’y avait aucune obligation. Les Grand Prix 2-Teamps était manufacturier ouvert, mais au final c’était manufacturier unique. Puis l’organisateur s’en est rendu compte et s’est dit qu’il y avait possibilité de monnayer cela.
MNC : Le titre de pneu officiel est - volontairement - ambigu : on pourrait croire que c’est l’unique pneu en course. Avant de voir Hickamn et Dunlop avec leur fameuse casquette jaune d’ailleurs, MNC y a cru...
F. A. : Metzeler est le fournisseur officiel du Tourist Trophy, mais pas le fournisseur exclusif. Notre concurrent travaille lui-aussi son image, il est parfaitement légitime sur le TT, il a déjà gagné... Il n’est pas à notre niveau en termes de victoires, mais il a déjà eu de bons pilotes qui roulaient très, très vite. Il a le titre de pneu officiel, mais à la fin comme tu le dis, on a la casquette sur le podium (sourires). Mais cela changera peut-être un jour. Il arrivera peut-être à avoir de meilleurs pneus que nous, ou de meilleurs pilotes, ou le meilleur combo moto-pilote-pneu...
MNC : ... la roue tourne à moto !
F. A. : Oui, c’est un peu le principe de la roue.
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