Avec sa nouvelle V-Strom 800 SE, Suzuki cherche à contenter les motards en quête d’une routière dynamique, confortable et pas cher. Moto-Net.Com a pu tester ce trail sur routes mouillées, sèches, fripées et lisses au moment même où il débarque dans les concessions françaises. Test !
Il fût un temps, lointain désormais, où les motos routières pas chères étaient des roadsters semi-carénés. Suzuki a allègrement surfé cette vague en vendant des containers entiers de Bandit et SV "S"... Aujourd’hui, les trails sont privilégiés en raison notamment de leur position de conduite détendue, leurs suspensions confortables et leurs motorisations de plus en plus performantes.
En 2024, la firme d’Hamamatsu lance une nouvelle moto de route... ou plutôt de routes, au pluriel ! Baptisée V-Strom 800 "tout-court" par ses concepteurs japonais, ce trail routier adopte en France le suffixe SE pour "Sport Explorer" afin de ne pas être considéré comme un modèle de base ou entrée de gamme, mais bien comme une alternative à la DE "Dual Explorer" apparue en 2023 et taillée pour le tout-terrain.
"Pour vos aventures du quotidien ou celles qui vous emmènent à l’autre bout du monde, la V-Strom 800SE sera votre meilleure partenaire", assure Suzuki dont cette nouveauté 2024 se destine uniquement aux routards qui ne poseront qu’exceptionnellement et brièvement leurs jantes (à bâtons, de 19 pouces à l’avant et chaussées de pneus Tubeless) sur un sentier menant vers un joli point de vue ou une bonne table.
L’un des principaux attraits des trails routiers est le confort de suspensions : avec leurs débattements importants, ces motos offrent en général un meilleur amorti que les pures routières qui, sous prétexte de "performance", s’apparentent parfois à de dures sportives. Ce n’est absolument pas le cas de cette nouvelle Suzuki !
En dépit de son allure de haut trail taillé pour les rallyes, la V-Strom 800 DE avait déjà épaté MNC par son toucher de route lors d’un récent duel vidéo face à la référence Yamaha Ténéré 700. Avec ses pattes plus courtes de 7 cm (débattements avant et arrière de 150 mm contre 220), la SE conserve ce point fort en avalant soigneusement les petits chocs comme les grosses compressions.
Particulièrement fair-play - car sûr des qualités de sa nouvelle machine ?! -, Suzuki ne lui a rien épargné à l’occasion de son lancement presse européen, organisé près de Montpellier : nationales fraîchement resurfacées, départementales partiellement fripées, communales complètement laminées... La V-Strom 800 SE offre une excellente tenue de routes, au pluriel donc !
La fourche Showa SFF-BP réglable en précharge uniquement - mais à l’hydraulique bien réglée - et le mono-amortisseur Showa réglable en précharge - avec molette, bien vu ! - et détente encore, sont bien aidés dans leurs taches par la monte de pneus d’origine : les Dunlop D614F à l’avant et D615 à l’arrière.
Partis sur route humides, MNC a pu apprécier le grip rassurant de ces gommes spécifiques qui ne pourront être rachetées dans le commerce une fois la première paire usée... "Les clients pourront passer sur du Trailmax Mixtour notamment, comme on trouve sur la DE", oriente naturellement l’équipe Suzuki France.
Grâce à ses dimensions très conventionnelles (pneus de 110/80-19 et 150/70-17, en Tubeless), la Suzuki acceptera des chausses mixtes ou routières selon les désirs de leur propriétaire. Une monte plus sportive n’est pas à exclure étant donné la puissance du moteur... et celle du nouveau frein avant !
La paire de double disque de 310 mm (tout rond et pas à pétale comme sur le DE) mordue par des étriers Nissin à fixation radiale et à 4-pistons (Vs axial 2-pistons) a du répondant ! Le train avant permet d’ailleurs de garder le doigt sur le levier en entrée de courbe puis de le relâcher sans retenue, ni écart de trajectoire.
Qui dit suspensions plus courtes, dit selle plus basse ! En l’occurrence, la selle de la SE - parfaitement identique à celle de la DE - s’abaisse de 30 mm pour atteindre une hauteur raisonnable de 825 mm. La garde au sol chute quant à elle de 220 à 185 mm... Cela reste néanmoins confortable pour affronter la jungle exclusivement urbaine et ses dos d’âne parfois non réglementaire.
Les motard(e)s d’1,70 m apprécieront de pouvoir poser les deux pieds au sol simultanément sur cette V-Strom 800 SE. Les pilotes qui disposent en plus de grandes jambes ou de grosses bottes pourront se tenir sur leurs talons et délester leur machine le temps de manoeuvrer, moteur éteint. Un bon point pour les débutants auxquels s’adresse justement la version A2.
Plus accessible donc, la seconde V-Strom 800 est également plus abordable. Affichée à 10 490 euros, elle coûte 1000 (mille) euros de moins que la machine originelle. La SE se cale donc juste en dessous de la Transalp 750 (10 599 euros pour la récente Honda) et plus bas encore que la Ténéré 700 (10 999 euros pour le best-seller Yamaha).
Attention toutefois, d’autres références de trails "mid-size" orientées 100 % route sont mieux placées que la V-Strom 800 SE d’un point de vue tarifaire : la Tracer 7 notamment se négocie à partir de 9 599 euros, la Tiger Sport 660 démarre à 9 695 euros, la NC750X (avec DCT de série) s’affiche actuellement à 9749 euros...
Cependant, la Suzuki marque un autre point - fort ! - avec son autonomie appréciable : le réservoir embarque 20 litres d’essence, brûlés à raison de 4,4 litres tous les cent kilomètres selon le constructeur. La barre des 450 km pourra donc être franchie par les gros rouleurs qui ouvrent les gaz en petit. Pour information, MNC avait consommé 4,8 l/100km en moyenne avec la DE face à la "T7", sans rouler à l’économie...
Dernier point fort de cette V-Strom 800 SE relevé par Moto-Net.Com lors de son essai d’un peu plus de 200 km à travers l’Hérault : la protection. Ou, là encore, "les protections" puisque Suzuki prend soin du motard au guidon de la V-Strom 800 SE, comme de la moto elle-même...
Pour commencer, la bulle Touring fortement recommandée sur la V-Strom 800 DE à l’issue de notre Duel contre la Ténéré 700, n’est plus un accessoire mais un élément intégré de série sur la SE ! Plus haute, elle dévente chez MNC les deux-tiers du casque (contre zéro sur la DE), si bien que les aérations du sommet sont bien abreuvées d’air ("cool" !) tandis que l’éventuelle casquette est ballottée par les turbulences (moins cool).
La découpe de la bulle est habilement travaillée : étendue en sa base, plus fine au milieu et de nouveau élargie en haut, elle isole efficacement les bras, abrite complètement le buste et soulage agréablement les épaules. Même les genoux et les cuisses sont partiellement épargnés des courants d’airs grâce au large réservoir qui offre en plus un bon maintien sur les - gros - freinages.
Parallèlement, la moto est protégée d’hypothétiques gamelles par son électronique parfaitement au point, à défaut d’être de pointe : la V-Strom 800 SE ne dispose pas de centrale inertielle ni de radar, mais les futurs acquéreurs dont certains descendent de maxitrails ultra-sophistiqués et ultra-onéreux apprécieront, justement.
Les modes moteur A, B ou C sont respectivement - et effectivement, test à l’appui - réactif, prévenant et doux. Tous donnent accès à la puissance maxi du bicylindre (84 ch), d’où l’utilité des trois crans d’antipatinage 1, 2 ou 3 qui musellent progressivement et efficacement les accélérations.
Sur route impeccable et sèche, le traction-control réglé sur 3 refuse catégoriquement de lâcher tous les chevaux vers la roue arrière, par précaution. En sélectionnant le mode 1 au contraire, l’ensemble de la cavalerie monte à l’assaut et permet d’accélérer à toc, comme lorsque le "STCS" est déconnecté, ce qui peut être fait en roulant, pour décoller la roue avant un peu, beaucoup, passionnément, à la folie... patatras ?!
Enfin, l’ABS veille continuellement sur les deux roues, selon deux modes plus ou moins intrusifs, mais jamais déconcertants pour le pilote qui peut freiner fort sur le sec et se contente de raisonnables décélérations sur le mouillé. En cas d’urgence et si le grip combiné des Dunlop et de la route ne suffit pas, les interventions sont furtives et efficaces. L’antidribble veille également lors des rétrogradages - trop - hâtifs.
Avec son poids tous pleins faits de 223 kilogrammes, soit 7 kg de moins que la fausse-jumelle DE, cette Suzuki continue de boxer dans la catégorie poids-lourds... des trails de moyennes cylindrées. Cette masse est sensible - dans les cuisses et les bras - lorsqu’on déplace la moto sur un parking en béton parfaitement coulé et plus encore - plus piégeux ! - sur un terrain gravilloneux et en pente...
En plombant encore la machine - en duo et valises chargées, par exemple -, le pilote devra maintenir l’aiguille du compte-tour au-dessus des 4000 tr/min pour bénéficier de reprises performantes. Il faudra garder la poignée grande ouverte pour que le Twin parallèle calé à 270° (comme un certain CP2) délivre son couple maxi de 78 Nm à 6800 tr/min , puis ses 84 ch quelques 190 trous plus haut.
Si le bras oscillant est en aluminium, l’ensemble du cadre est en bon gros acier. Un avantage certain lorsqu’on souhaite partir à l’aventure loin des concessions modernes et feutrées, et que l’on souhaite réparer sa monture après une vilaine chute. La boucle arrière en acier aussi, est boulonnée, donc plus facile à remplacer en cas de besoin. Mais ces caractéristiques n’intéressent pas forcément les routards, si ?
Au cours de sa transformation de DE à SE, afin d’économiser quelques kilogrammes on l’a vu et quelques euros aussi, la V-Strom 800 a laissé tomber plusieurs éléments : les protections du cadre - les "crash-bars", si vous préférez -, le sabot moteur - en plastique, mais quand même -, et les pare-mains... vraiment ?
Moto-Net.Com souligne que de manière assez ironique, Suzuki France a veillé à ce que soient installés d’office - mais pas de série, hélas - des protège-mains sur l’ensemble des V-Strom 800 SE à l’essai dans son réseau ! Les futurs acquéreurs pourront également cocher l’option béquile centrale, fort utile pour entretenir - la chaîne de - leur moto.
En raison de son programme 100 % bitume, la SE délaisse plus logiquement le mode de conduite Gravel spécifique à la DE, ainsi que la désactivation de l’ABS à l’arrière. Pas de séances de glisse à l’accélération façon Flat Track avec cette nouvelle routière Suzuki donc, ni de glisse à la Supermotard au freinage. Qui s’en plaindra ?
Les gros rouleurs regretteront en revanche que l’ordinateur de bord de leur partenaire de déplacements pro au quotidien et voyages perso lointains, ne dispose pas d’un module Blutooth permettant d’appairer son smartphone et de relayer les instructions, virage par virage, de leur navigateur GPS.
Intégralement pompée à la DE - qui s’est servie sur la "big" V-Strom -, l’instrumentation est par ailleurs très réussie, évidente à utiliser grâce aux trois commandes au guidon. MNC apprécie aussi de pouvoir changer les modes moteur, les niveaux d’intervention du Traction Control et de l’ABS en roulant ! C’est tellement plus pratique pour un journaliste essayeur, et pour le client final aussi.
Dernier reproche que l’on peut émettre au sujet de la V-Strom 800 SE - équipée de série d’un quickshifter très convaincant - : l’absence de régulateur de vitesse, alors que les routes françaises sont infestées de radars fixes, mobiles, chantier, tronçon, embarqués, etc. C’est d’autant plus dommage que le moteur fait appel à un accélérateur électronique, facile à maintenir à un régime précis, donc à une certaine vitesse.
Enfin, à la vue de la fiche technique et aux dires du constructeur, le Journal moto du Net s’attendait à ce que la V-Strom 800 SE se montre plus agile. Pour rappel, le train avant a été retravaillé entre la "Dual Explorer" et la "Sport Explorer" : empattement réduit (1515 mm Vs 1570), angle de chasse fermé (26° Vs 28)... mais chasse allongé (124 mm Vs 114), c’est vari.
Concrètement, la moto se laisse diriger très facilement à faibles vitesses et en ville, du bout du large guidon. Les prises d’angles sont progressives, les entrées en courbe sont tranchantes : l’adoption d’une jante avant de 19 pouces est sensible (Vs 21 pouces sur la DE, 17 pouces à l’arrière toujours) mais le gain à vitesse supérieure sur petites routes est moins évident.
Très appréciés des gros rouleurs, la rigueur et la stabilité de la famille V-Strom dans le sinueux ne font pas défaut chez ce nouveau membre. Le comportement de ce trail très routier est non seulement rassurant, il est engageant et incite à mettre du gaz, du frein, de l’angle. La garde au sol est d’ailleurs satisfaisante !
Revers de la médaille, dans certains enchaînements rapides de virages (merci à nos hôtes pour leur savoureuse sélection de routes, voir notre essai complet en vidéo et nos images captés à l’occasion), les pectoraux et les dorsaux sont mis à contribution. C’est une surprise pour MNC, pas une déception.
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CONDITIONS ET PARCOURS | ||
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POINTS FORTS V-STROM 800 SE | ||
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POINTS FAIBLES V-STROM 800SE | ||
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