Décroché par les plus récentes motos hypersportives faute de développements depuis une petite dizaine d'années, Suzuki contracte méchamment les muscles pour reprendre la pole position avec sa nouvelle GSX-R1000 2017. MNC a testé sa déclinaison haut de gamme, la GSX-R1000R, sur le somptueux circuit de Phillip Island (Australie). Essai !
Ce n’est pas vraiment une surprise au regard du changement de philosophie revendiqué - et appliqué - par Suzuki : la GSX-R1000 2017 sacrifie certains aspects du confort dans sa quête de performances. Cette radicalisation se perçoit d’emblée par la position sensiblement portée sur l’avant, surtout sur la version "R" dont le té de fourche supérieur est fixé quelques centimètres plus bas sur les fourreaux. Sur la version standard - non testée pendant cette prise de contact entièrement consacrée à la "R" -, les tés sont situés à ras des bouchons, ce qui diminue la flexion du buste.
Mais sur la GSX-R1000R, les contraintes sur les poignets sont suffisamment marquées pour y réfléchir à deux fois avant de projeter de longues étapes sur le réseau secondaire. D’autant que le repli exercé sur les jambes est à l’avenant, sans atteindre toutefois des sommets d’inconfort grâce à un espace à bord assez important. La "logeabilité" reste par conséquent supérieure à celle des motos au format Kate Moss, comme l’Aprilia RSV4 et la Yamaha R1. Les pilotes de grande taille apprécieront, même si l’orientation générale "circuit" est palpable comme l’illustre aussi la dureté de la selle : le prix à payer pour revenir sur les podiums...
Contrairement au modèle précédent, n’espérez pas gagner un peu de confort en modifiant la position des repose-pieds : le fleuron sportif d'Hamamatsu fait une croix sur ce réglage pourtant très pratique pour s’adapter aux différentes morphologies et à l’usage (relevés pour la piste, abaissés pour la route). Au quotidien, l’absence de tout espace de rangement dans le coffre - encombré par les capteurs - et de réglage d’écartement au levier d’embrayage sera aussi regrettée.
La moto est indubitablement plus courte de l’avant (le cadre périmétrique est raccourci de 20 mm), renforçant cette sensation d’être davantage basculé vers la bulle. Celle-ci offre une protection très correcte dans cette catégorie, bien meilleure en tout cas que celle du ridicule saut de vent de la nouvelle CBR1000RR ! MNC a apprécié de pouvoir se tapir derrière pour remonter la ligne droite de Phillip Island sans être chahuté par les turbulences, en égrenant les rapports avec fluidité grâce à la douceur et la réactivité du shifter propre à la "R". Troisième, quatrième et cinquième à bloc, puis une léchouille sur les freins et banzaï : on replonge plein pot dans le Doohan Corner !
Le réservoir et le cadre plus étroits permettent de mieux faire corps avec la machine et d'être plus mobile, critères ô combien appréciables quand il s'agit de virer à de telles vitesses. Bien qu'améliorée, la compacité de la Suzuki n'atteint cependant pas celle de l'étroite RSV4, référence des 4-cylindres grâce à son architecture en V. Mais la différence de gabarit avec l'ancienne GSX-R n'en reste pas moins bluffante, donnant de prime abord l'impression prendre les commandes d'une GSX-R750 ! La sensation s'estompe dès les premières accélérations, tant le rendement moteur impressionne...
Toujours très souple à bas régime, le 4-cylindre de 999,8 cc relance souplement en sixième à 50 km/h à environ 2500 tr/mn. Un punch conséquent déboule ensuite entre 4000 et 6000 tr/mn grâce au couple généreux de 117,6 Nm. A la clé : des relances toniques et des sorties de courbes canons, même après une épingle mal négociée. Puis les choses prennent une autre tournure, nettement moins conviviale : la sonorité gagne encore en intensité au passage des 8000 tr/mn, signe avant-coureur d'un puissant et grisant déferlement de puissance qui ne s’arrêtera pas jusqu’au rupteur à 14 500 tr/mn.
Entre 8000 et 10 000 tr/mn, le bloc rugit violemment et met à pousser avec la force d'un Rafale au décollage grâce à l'action de la distribution variable. L'arrivée de puissance à ce stade est tout sauf lisse, parfaitement dans l'esprit des moteurs de GSX-R depuis trois décennies. Pour autant, ce déferlement de chevaux évite l'écueil de la violence pour rester exploitable : l'entrée en action du Variable Valve timing (VVT) est totalement transparent et n'engendre pas d'effet "Turbo", comme le fait le V-Tec Honda de la VFR800. Et heureusement, car gérer un soudain regain d'énergie avec autant de watts à disposition se révèlerait pour le moins délicat sur l'angle !
Certes, la GSX-R1000R étire les bras et retrousse les manches de la combinaison, mais elle le fait de manière prévisible et contrôlable par le truchement de son inédit accélérateur électronique ride-by-wire. Sa poussée est moins épuisante à gérer que les bestiaux coups de boutoir délivrés par la BMW S1000RR, par exemple. Pour autant, la sensation de catapultage n'en reste pas moins sidérante, bien aidée aussi par le raccourcissement de la transmission, comme en atteste l'exceptionnelle vigueur déployée lors de la réaccélération plein angle en 4ème dans une cassure à droite du circuit. Quel souffle et quelle allonge, ce moulin !
L'autre atout de la Suzuki tient à son électronique parfaitement calibrée, à la seule exception près de sa remise de gaz accompagnée d'à-coups sur les phases de fermeture/ouverture de la poignée. Le phénomène est surtout sensible sur la cartographie "A" - la plus réactive - et se montre moins prononcé en "B", où la distribution de puissance est lissée. Plusieurs tours sont nécessaires pour dompter cette éphémère rugosité, en accompagnant doucement la rotation de l'accélérateur sur le filet. Une fois la méthode assimilée, la gêne s'estompe, voire s'oublie selon la sensibilité du pilote.
L'antipatinage réglable en roulant - gaz coupés - réalise de son côté une prestation sans aucune fausse note, prenant le relais de manière particulièrement douce en cas de dérobade, même réglée à faible intensité (seuil 3 sur 10). Le système se montre réellement prédictif, dans le sens où sa mise en éveil intervient en amont de la perte de grip grâce aux nombreuses infos collectées par la centrale électronique et les capteurs de position de l'IMU. En cela, sa programation est plus aboutie que celle de la CBR1000RR, trop permissive donc parfois brutale lors de ses corrections apportées quand son seuil d'intervention est faible.
Avec les réglages de suspensions et les pneus d'origine, ce contrôle de traction Suzuki a eu du pain sur la planche à Phillip Island, circuit de tous les extrêmes ! Les longues courbes rapides, avec beaucoup d'appuis, ont mis en exergue les limites du compromis d'amortissement d'origine, trop souple pour encaisser de telles contraintes. Ceci posé, rares seraient les motos de série à pouvoir y faire face sans broncher ! L'amortisseur arrière finit par laisser échapper des mouvements à pleine charge, le pneu en 190 mm peinant alors à se caler au détriment du grip. A vérifier par la suite, mais cette souplesse remarquée sur piste est potentiellement synonyme d'un certain confort sur route.
Quelques réglages adaptés à la piste - davantage de précharge et hydraulique durcie - et des pneus offrant plus de grip (des Bridgestone R10 homologuées route mais avec moins de sculptures que les RS10) suffiront à totalement éradiquer le phénomène, preuve de la qualité de la partie cycle en général et des supensions en particulier.
La GSX-R1000R se livre alors à un véritable récital, offrant une précision redoutable dans les entrées en courbes, une motricité exceptionnelle et surtout une stabilité impertubable, malgré les vitesses de passage en courbe supersoniques et les rafales de vent. Les entrées en courbes sur les freins sont digérées comme qui rigole par son train directeur sûr et neutre, y compris sur les quelques bosses du tracé. La fourche offre une sensibilité et un "toucher de bitume" optimums, deux qualités à l'origine d'un rassurant sentiment de confiance lors de la mise sur l'angle.
La capacité de la Suzuki à faire passer ses 202 ch au sol sans amorcer de wheelings intempestifs ni patiner outre mesure est tout autant stupéfiante, à mille lieux du comportement "remuant" de certaines de ses rivales. La GSX-R1000R est rivée à la trajectoire, mais sans demander d'efforts excessifs pour l'y placer : le compromis trouvé par les ingénieurs est excellent, la métamorphose totale avec la génération précédente - nettement plus pataude.
Pour autant, malgré la perte de poids et le train avant sérieusement refermé, la Suzuki reste légèrement en retrait en termes de vivacité pure par rapport aux "ballerines" de la catégorie comme les R1, RSV4 et CBR1000RR. Les changements d'angle rapides et brutaux demandent ainsi une implication physique supplémentaire. A confirmer toutefois sur un circuit "normal", où les passages en courbes sont moins rapides qu'à Phillip Island et donc moins énergivores !
Un mot enfin sur le freinage assuré par des étriers monobloccs Brembo à l'avant (et Nissin derrière), le tout correctement taillé pour les performances de la moto. Le mordant et la puissance sont au rendez-vous, ainsi que la constance malgré l'absence de durits avia. Là encore, à vérifier sur un autre tracé dans la mesure où Phillip Island ne compte que deux très gros freinages aux abords d'épingles à droite, dont une particulièrement délicate car en descente.
La transparence de l'ABS Nissin et surtout sa remarquable gestion du décollement de la roue arrière sont particulièrement louables : la poupe de la moto reste collée au bitume même sur les plus forts freinages, sans se soulever ni dribbler. En cela, la fonctionnalité anti-soulèvement de la GSX-R1000R 2017 est plus au point que celle de la nouvelle CBR1000RR, trop remuante du croupion en version d'origine.
Pendant ces phases de freinage, le pilote profite de la fontion "Down" du shifter pour confortablement rentrer les rapports sans débrayer, l'électronique se chargeant de gérer le régime moteur et de donner le coup de gaz "ki-va-bien". Le système est parfaitement au point, fort d'une remarquable rapidité d'exécution et d'un verrouillage précis : MNC n'a rencontré aucun faux point mort de la journée, ce qui n'est pas toujours le cas avec tous les shifters double effet déjà testés.
Suzuki se replace dans le peloton de tête avec sa GSX-R1000 après s'être longuement laissé distancer par des rivales toujours plus sophistiquées. Son fort tempérament moteur et sa progression dynamique sont franchement convaincantes, tandis que sa fine gestion électronique force carrément l'admiration : la Suzuki, en version R, fait jeu égal avec les Superbike de pointe dans ce domaine. Un sacré exploit dans la mesure où elle partait quasiment de zéro !
Au chapitre des défauts, MNC ne pointe que de légères - mais sensibles - vibrations ressenties au cap des 7500 tr/mn, ainsi qu'une finition générale correcte mais sans plus : les soudures sur le banal bâti arrrière de section carré et la visserie moteur sont quelconques, tandis que la pompe à eau et ses durits sont exposées au regard sous le carter gauche. Pardonnable sur la version de base à 15 999 €, mais un peu moins sur la GSX-R1000R à 18 999 €.
Un ABS réglable et déconnectale aurait aussi été le bienvenu sur une moto de ce calibre, surtout sur la déclinaison "R", tout comme des durits de freins tressées. De même, davantage d'audace esthétique aurait mieux valorisé la totale rupture marquée par ce modèle, comme l'a fait par exemple Yamaha en redessinant entièrement sa R1 en 2015. On pleure aussi, dans un autre registre, le retrait des GSX-R600 et 750 en Europe (faute d'ABS et de compatibilité avec Euro4) l’année même du lancement de cette excitante remise à niveaux du fleuron hypersportif de la marque...
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CONDITIONS ET PARCOURS | ||
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POINTS FORTS GSX-R1000R | ||
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POINTS FAIBLES GSX-1000R | ||
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