KTM renforce son offre dans le segment concurrentiel des roadsters de moyenne cylindrée avec son inédite 790 Duke à moteur bicylindre. Pour la jauger, le Journal moto du Net l'oppose à la meilleure vente française de la catégorie : la Kawasaki Z900. Duel MNC spécial permis A2, en version bridée à 47,5 ch (35 kW).
Petite piqûre de rappel : depuis le 1er juin 2016, tous les futurs motards - quel que soit leur âge - mettent la botte au cale-pied via le permis A2, format intermédiaire limité pendant deux ans aux motos de 35 kW (47,5 ch). Le permis A - sans limitation de puissance - n'est accessible qu'après cette période et une formation payante de 7 heures. Terminé l'accès direct au permis A à partir de 24 ans qu'autorisait l'ancien dispositif...
Cette contrainte discutable - le permis B permet, lui, de conduire dès 18 ans tous types de voitures, y compris une Bugatti Veyron de 1000 ch ! - implique de brider de nombreuses motos de grosse cylindrée pour les rendre accessibles aux nouveaux permis moto. Y compris les sacros-saints roadsters de 700 à 900 cc, catégorie aussi appréciée que concurrentielle.
Comme si cela ne suffisait pas, ce bridage n'est autorisé que sur des motos dont la puissance en version libre ne dépasse pas 70 kW (95 ch), soit deux fois le seuil maxi en A2. Autrement dit : la Z900 et la nouvelle 790 Duke sont en théorie hors de portée des jeunes permis, car elles développent respectivement 125 et 105 ch en Full !
Fins stratèges, les constructeurs ont cependant trouvé la parade pour adapter leur moto trop puissante aux exigences du permis A2 : proposer une déclinaison identique... mais bridée de manière irréversible à 95 ch. C'est le cas du roadster Kawasaki - meilleure vente de sa catégorie en France au premier semestre 2018 - et de sa nouvelle rivale de chez KTM, opposés ici dans leur configuration A2 de 47,5 ch.
Hormis ce bridage à 35 kW, les Kawasaki Z900 et KTM 790 Duke "A2" sont identiques aux modèles standards. Esthétique, partie cycle et périphériques sont exactement les mêmes (voir tous les détails en page 2), autant pour flatter l'ego que pour contenir les coûts de production. Ainsi, nul besoin de construire deux motos distinctes comme l'avait expérimenté Kawasaki avec feu la Z800e !
Leurs équipements semblent toutefois surdimensionnés au regard de leur puissance limitée à 47,5 ch et leur statut de "première moto". La remarque vaut surtout pour la KTM : son robuste bras oscillant caissonné en impose, de même que ses étriers monoblocs à fixation radiale fabriqué par le manufacturier espagnol J. Juan et son optique à LED en forme de fer à cheval.
Mais c'est surtout sur le plan technologique que s'illustre la 790 Duke - accolée au suffixe "L" en version A2 - avec son accélérateur électronique, son antipatinage et son ABS sensibles à l'angle, quatre modes de conduite et son assistant au départ, comme les motos sportives. Elle reçoit même - toujours de série - un shifter bidirectionnel (montée et descente sans débrayer), équipement digne d'une Superbike !
Aucune rivale n'en offre autant à ce jour, mais son prix s'en ressent : 9490 euros contre 9099 euros pour la Z900 A2 (actuellement en promotion à 8499 €). Les d'jeuns vont tousser... Sauf que "jeunes permis" ne signifie plus forcément "jeunes motard" : le quadra ou le quinqua A2 - au pouvoir d'achat généralement supérieur - peut faire fi de ces tarifs pour s'offrir le plaisir de débuter sur une moto au top !
Toujours est-il que La Z900 accuse le coup face à cette débauche d'équipements : c'est bien simple, hormis l'ABS obligatoire, la Kawasaki est dépourvue de toute forme d'assistances ! Ses étriers à fixation axiale et son bras oscillant de section carrée renforcent cet aspect "basique" face à la KTM, qui marque encore des points avec ses valves coudées, ses durites renforcées et son large écran couleurs commandé depuis le guidon.
La manche statique de notre duel MNC est-elle pliée pour autant ? Pas nécessairement car la Z900 repasse au vert - forcément ! - grâce à sa finition un cran au-dessus, forte d'une présentation irréprochable à l'exception du cache en plast(oc)ique sur la partie médiane de son treillis tubulaire. Surtout, ses suspensions offrent une palette de réglages autrement plus étendue.
La nécessité de réaliser des compromis se fait effectivement sentir dans deux domaines habituellement soignés chez KTM : la qualité de l'amortissement et celle de certains matériaux. Les écopes excessivement pointues le long du réservoir de la 790 Duke font notamment assez "cheap", ses rétroviseurs semblent dater et le circuit électrique pourrait par endroits être mieux intégré .
Mais la principale déconvenue provient de ses suspensions, très basiques malgré leur provenance de chez WP (marque KTM) : le mono-amortisseur - monté sans biellette - n'est réglable qu'en précharge, tandis que la fourche inversée fait carrément l'impasse sur toute forme d'ajustements. La Z900, elle, dispose d'une précharge et d'une détente ajustables à l'avant comme à l'arrière.
Enfin, si "notre" KTM d'essai affiche crânement des Pirelli Diablo Rosso III (Dunlop Sportmax D214F sur la Kawasaki), sa monte d'origine n'est normalement pas aussi sportive : la 790 Duke reçoit de série des pneus Supermaxx ST de chez Maxxis, manufacturier taïwanais réputé dans le milieu du cyclisme et de la moto tout-terrain mais quasi inconnu sur le segment route.
Pour s'illustrer dans la catégorie, KTM n'y pas allé avec le dos de la clé de 12 : non contente d'être aussi "électronisée" qu'un Airbus, la 790 Duke pose également de nouvelles références en termes de poids. Annoncée à 185 kg tous pleins faits, la "Duchesse" colle d'emblée des complexes à la Z900 et ses 210 kg…
Cette différence de 25 kg (!) l'avantage durant les manoeuvres moteur coupé, puis dans la circulation : un atout précieux pour les débutant(e)s, renforcé par sa facilité de prise en mains. Malgré une selle perchée à 825 mm (795 mm sur la Kawa), la 790 Duke surprend en effet par son accessibilité : un(e) motard(e) de 1m75 pose aisément deux pieds à plat.
L'autrichienne doit cette qualité à son gabarit incroyablement menu : elle est à peine plus trapue que la très ludique 690 Duke, malgré son cylindre supplémentaire ! KTM a parfaitement su tirer de la compacité de son bicylindre parallèle, de l'étroitesse de sa selle et du petit volume de son réservoir (14 litres Vs 17 sur la Z).
Loin de rendre les "Z'armes", sa rivale japonaise réplique avec sa selle ultra basse (-30 mm) qui semble comme creusée dans son châssis. La Z900 s'enjambe ainsi sans difficulté dès 1m70 malgré ses volumes plus imposants. Un joli tour de force dans la mesure où son "4-pattes" compte deux cylindres et 149 cc supplémentaires (948 cc Vs 799) !
Revers de la médaille : les jambes sont plus repliées que sur la KTM, car elles ont moins d'espace à disposition. La 790 Duke pousse son avantage grâce à son guidon peu cintré et assez haut, qui engendre une posture bras tendus et buste droit à mi-chemin entre roadster et trail. Un peu comme son autre grande rivale nippone : la Yamaha MT-09 !
Sur la Kawasaki, le pilote doit davantage s'incliner pour attraper son guidon, non seulement plus bas mais également plus large (830 mm contre 815 mm pour la KTM selon les mesures MNC). La position est plus agressive, évoquant l'esprit "street-fighter", sans être radicale pour autant.
Entre ses kilos supplémentaires et cette ergonomie moins favorable, la Z900 ne partait pas favorite dans les encombrements urbains... Et pourtant, elle fait mieux que tenir tête à la svelte 790 Duke : la "Verte" fait notamment valoir son diamètre de braquage ultra court (4,63 m contre 5,16 selon les mesures MNC) et, surtout, son élasticité mécanique.
Son quatre-cylindres capable de reprendre au ralenti en 6ème est un allié précieux, de même que la souplesse remarquable de son levier d'embrayage. Là encore, jeunes et moins jeunes permis A2 apprécieront ! Plus rugueux dans le premier tiers du compte-tours, le twin de la KTM exige davantage de doigté malgré une injection mieux calibrée.
Bien que la 790 Duke soit dépourvue de ce hoquet qui entache la remise des gaz sur la Z900, son moteur renâcle à bas régimes : son seuil de souplesse se situe vers 2500 tr/mn (50 km/h en 4ème). En ville, mieux vaut privilégier le troisième rapport pour conserver de la rondeur, voire le deuxième dans une circulation chargée.
Et ça tombe bien, car son shifter bidirectionnel rend les changements de vitesses instantanés et ludiques : le dispositif KTM est doux et réactif, y compris à faible allure. Une bonne surprise dans cette gamme de prix : celui de la MT-09, par exemple, est plus récalcitrant en plus d'être à simple effet (montée uniquement). Et la "Zed" ? Elle en tout simplement dépourvue : "Neuf sans aides", comme le titrait MNC à sa sortie en 2017 !
Cette plaisante efficacité du shifter "Orange" compense largement la relative dureté du levier d'embrayage de la 790 Duke, dans la mesure où celui-ci devient pratiquement inutile : on ne s'en sert que pour démarrer, manoeuvrer et s'arrêter ! Autant de facilité et d'agrément amènent même à s'interroger sur l'intérêt d'une boîte automatique à moto...
Reste que si la 790 Duke brille sur sur cet aspect - d'autant que la sélection de la Z900 est un peu rêche -, d'autres petits "travers" apparaissent en cycle urbain. Outre sa moindre disponibilité que la Kawasaki, son moteur expulse aussi beaucoup de calories : en été, ses remontées de chaleur vers les cuisses sont gênantes. Aucun souci à ce niveau sur sa rivale.
Le message est clair : vite, cap sur des parcours dégagés pour laisser respirer le twin autrichien, avec de préférence une abondance de portions sinueuses pour profiter du slogan "Ready to Race" (prêt à courir) cher à la marque de Mattighofen !
Place à l'action donc pour le "Scalpel", surnom très prometteur donné à la 790 Duke dans les vidéos promotionnelles KTM aux accents très, très sportifs. Celle qui vient étoffer une offre jusqu'ici limitée au monocylindre serait une Orange "pur jus", du genre sanguine : miam !
Hélas, la réalité n'est pas aussi savoureuse... Certes, la nouveauté jouit d'une maniabilité exceptionnelle, malgré la légère retenue exercée par son amortisseur de direction à très basse vitesse. KTM ne grossit pas le trait concernant sa vivacité : la 790 Duke plonge d'une chiquenaude, puis esquive le pif avec une célérité qui laisse sur le paf !
La Z900 accuse le coup, et sévèrement : sa masse supplémentaire n'autorise pas autant d'improvisation, l'inertie supplémentaire qu'elle engendre impactant toutes les phases de pilotage. Pour résumer : l'une virevolte en toute décontraction quand l'autre requiert davantage de concentration.
En revanche, la "précision chirurgicale" vantée par le constructeur autrichien n'est pas au rendez-vous sur la 790 Duke, la faute à son amortissement vite dépassé en conduite dynamique. Trop souples et pas particulièrement bien accordées, ses suspensions n'offrent pas la rigueur attendue d'une telle moto. Erreur de casting ?!
Leur insuffisance est prégnante quand le bitume se frippe : maintenir un rythme élevé engendre des mouvements mal canalisés, en plus de mettre en lumière une stabilité perfectible à haute vitesse. Soumis à de fortes contraintes, fourche et amortisseur s'affaissent sans retenue, au détriment de la précision et du plaisir de conduite...
Rouler vite avec la KTM exige un pilotage fluide et un revêtement nickel, comme celui emprunté durant notre présentation presse en Espagne. Tiens, tiens, curieux hasard ! Au final, le "Scalpel" manque singulièrement de tranchant. Qui l'eût cru ? Certainement pas les actuels propriétaires de 690 Duke ! Les débutants, dans un premier temps moins exigeants, seront sans doute moins déçus.
Beaucoup plus ferme de suspensions, la Kawasaki secoue davantage dans les portions cassantes : la Z900 paie ici son débattement plus restreint (120 et 140 mm contre 140 et 150), retenu entre autres pour contenir sa hauteur de selle. Assise qui s'avère au passage extrêmement dure sur ces deux motos : à croire que personne n'a dépassé 100 km d'une traite pendant leur mise au point ?!
Reste que le compromis d'amortissement de la Verte se montre plus efficace : malgré son absorption sèche des bosses, la Z900 possède cette cohésion qui fait défaut à sa rivale autrichienne. Plus saine, la japonaise en profite pour prendre - et garder - les devants dans les successions de virages.
La moto d'Akashi perd en revanche quelques points au freinage, assez inconsistant à la prise du levier. La puissance est présente, mais demande à être convoquée fermement. Les étriers radiaux de la KTM sont beaucoup plus efficaces et faciles à doser. A l'arrière, l'une comme l'autre sont suffisamment performantes pour corriger une trajectoire.
Autre domaine dans lequel la 790 Duke prend sa revanche sur la Z900 : le tempérament moteur, très - trop - lissé sur la Kawasaki dans cette version bridée à 47,5 ch. Le caractère explosif et coupleux du "4-pattes" d'origine est totalement édulcoré par sa cartographie spécifique "A2". Résultat : la "Zed" accélère avec vigueur, mais de manière extrêmement linéaire.
Nos comparaisons des reprises sont sans appel : la Verte est dominée par la KTM à 3000 tr/mn comme à 5000 tr/mn, quel que soit le rapport. Son excédent de poids explique aussi cette différence frappante de rendement. Dommage enfin que les vibrations propres à toute la série "Z" soient encore de la partie, malgré de sérieux progrès par rapport à l'ancienne Z800...
La 790 vibre également sensiblement, surtout sous les bottes et les mains, mais on lui pardonne volontiers ce "petit" désagrément en raison de sa bonhomie mécanique communicative. Le twin gronde et pétarade généreusement dans son échappement relevé, et ce n'est pas que l'esbroufe : elle marche la Katoche, même bridée à 47,5 ch !
La nouveauté prend ses tours avec vivacité jusqu'à 5500 tr/mn, seuil où le bridage lui coupe brutalement la chique. La 790 Duke continue ensuite à prendre des tours, mais lentement et sans réellement accélérer : le cap des 47,5 ch est atteint, le moteur n'en délivrera pas un de plus !
Ses relances n'en restent pas moins très consistantes entre 3000 et 5000 tr/mn, avec de belles crêtes de couple qui lui donnent un caractère sympathique et joueur malgré sa puissance limitée. Des deux, la 790 Duke est clairement la plus fun en termes de moteur.
La Kawasaki, bridée sur toute la plage de régime, est trop timorée sur ce point : son accélération ne présente pratiquement aucune pic jusqu'à 7000 tr/mn, puis commence à décroître pour respecter la limitation de puissance. Autant dire que tirer les 5000 tr/mn restants ne sert à rien...
Vive, légère et extrêmement bien équipée, la KTM 790 Duke remporte notre duel MNC face à la Z900 dans cette configuration A2. Les nouveaux motards qui la choisiront pour s'initier aux joies de la moto apprécieront sa maniabilité diabolique, son gabarit rassurant, son moteur joueur et sa dotation pléthorique.
Leur satisfaction pourrait néanmoins évoluer au terme de leur apprentissage de deux ans, quand surviendra l'envie d'accélérer la cadence et de tirer profit du débridage à 95 ch. L'amortissement mollasson de la 790 Duke risque alors d'en décevoir certains, surtout ceux qui s'imaginaient ciseler des trajectoires et "découper" la concurrence avec leur "Scalpel"...
La Kawasaki Z900, certes négligée sur le point de l'électronique, se montre beaucoup plus homogène et efficace dans ce domaine. Et comme son 4-cylindres retrouve une grande partie de sa vivacité en passant de 35 à 70 kW, MNC se dit que l'issue de ce match aurait très probablement tourné en sa faveur avec des motos débridées à 95 ch !
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CONDITIONS ET PARCOURS | ||
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POINTS FORTS KAWASAKI Z900 A2 | ||
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POINTS FAIBLES KAWASAKI Z900 A2 | ||
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POINTS FORTS KTM 790 DUKE A2 | ||
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POINTS FAIBLES KTM DUKE A2 | ||
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