Plus légère, plus puissante et encore plus performante, la Triumph Daytona 675 2013 nous a littéralement charmés sur circuit dans sa sublime déclinaison R. Sur route, la version standard de la Supersport anglaise est-elle aussi convaincante ? Essai.
Malgré des demi-guidons fixés 5 mm plus haut, la position de conduite imposée par la Daytona 675 2013 est à peine moins radicale qu'auparavant. Les jambes sont repliées vers l'arrière et le poids du buste est directement supporté par les poignets. Au guidon de l'Anglaise, l'expression "nez dans la bulle" prend tout son sens !
La selle, fine, dure et étroite, donne au pilote l'impression d'être assis sur un morceau de scotch noir collé à même la batterie, tandis que la minuscule bulle offre peu ou prou le degré de protection d'une capote (anglaise, of course) trouée... Sans surprise, l'accord de suspension est du genre ferme, mais l'excellente progressivité de l'élément arrière procure un relatif - et inattendu - confort.
Finement calibré, le magnifique mono-amortisseur à bonbonne séparée absorbe les chocs avec une efficacité empreinte d'une délicatesse bienvenue. Bien sûr, ses réactions vives et son tarage "sportif" se rappellent douloureusement à votre bon souvenir sur revêtement fripé : nonobstant ses qualités, cet amorto Kayaba est avant tout conçu pour la performance plutôt que le confort ! Mais certains systèmes concurrents s'avèrent nettement plus intransigeants, notamment du côté de Bologne (lire notre Essai de la Ducati 848 Evo Corse)...
D'une légèreté confondante, la Triumph offre de surcroît un rayon de braquage correct pour une moto sportive, deux atouts précieux en agglomération. A basse vitesse, la faire tourner demande peu d'efforts, malgré la présence d'un amortisseur de direction sous le té inférieur. Les demi-tours exigent toutefois plus d'attention : d'une part à cause de la hauteur de selle (820 mm), de l'autre car les poignets puis les mains viennent rapidement au contact du réservoir.
Exigeante, l'Anglaise déploie néanmoins quelques bonnes manières appréciables comme une clé codée et des valves de jantes coudées (comme sur pratiquement toutes les Triumph récentes). En outre, ses rétroviseurs s'avèrent assez efficaces et se replient aisément afin de faciliter le stationnement ou le transport. Enfin, son instrumentation comporte une jauge à essence, deux trips, un indicateur de rapport engagé et de température du moteur. Pas mal, pour une moto de cette catégorie !
En revanche, elle fait l'impasse sur des commandes au guidon, des warnings et un réglage d'écartement sur le levier d'embrayage (cinq positions pour le frein). De la même manière, son minuscule coffre ne peut accueillir qu'un petit bloque-disque et ses repose-pieds - non réglables - ne sont pas recouverts de caoutchouc. Fort heureusement, le Triple ne laisse échapper des fourmillements qu'à partir de 7000 tr/mn. Pas de bol : ce régime correspond à un petit 130 km/h en sixième...
Grâce à sa souplesse et à sa disponibilité, le moteur permet de s'extirper des bouchons sans trop souffrir : il est possible de descendre à 25 km/h en quatrième - l'aiguille du compte-tours indiquant alors 1500 tr/mn -, puis de repartir sans un hoquet. Certes, un 4-cylindres de moyenne cylindrée se montre tout aussi disponible, mais la comparaison s'arrête là : dès les bas régimes, l'accélération du "trois-pattes" de 675 cc est autrement plus vigoureuse !
Le paysage se met alors à défiler très rapidement, au son des sourdes vocalises de ce bloc entièrement repensé (lire notre Point technique). Dommage que Triumph n'en ait pas profité pour éradiquer son agaçant sifflement et le léger à-coup de transmission perceptible à la remise des gaz. A l'inverse, les progrès réalisés sur l'embrayage sont flagrants : le levier gauche est d'une exquise douceur, permettant de profiter pleinement d'une sélection rapide et plutôt silencieuse pour une sportive.
Toujours aussi enjouée et vive à prendre ses tours, la mécanique britannique possède une force inouïe dans les mi-régimes : bien aidée par son poids plume, la Daytona 2013 offre des reprises à faire pâlir certaines grosses cylindrées ! Contrôlable du bout des doigts par l'entremise d'une injection aussi précise que réactive, cette fougue se renforce progressivement avant de se muer en un excitant déferlement de puissance brute de 8000 à... 11 000 tr/mn.
En France, c'est en effet à ce moment-là que le bridage se fait ressentir : alors qu'elle semblait vouloir se jeter littéralement sur la butée, l'aiguille du compte-tours se met alors à stagner et gravit de plus en plus lentement les dernières graduations jusqu'aux 15 000 tr/mn du rupteur. Pourtant, même en 106 ch, la plage d'utilisation reste redoutable : une YZF-R6, par exemple, ne peut en dire autant...
Mais ce n'est pas que pour ce moteur charmeur et aussi rempli que le coffre d'un monospace sur l'autoroute des vacances que l'on craque pour la Triumph Daytona 675 : sa partie cycle est toute aussi réjouissante, voire plus tant elle se montre redoutablement efficace !
Aussi tranchant qu'un scalpel, le train avant offre une connexion directe avec le bitume. Le travail de la fourche de 41 mm est parfaitement perceptible et prévisible, aussi bien en compression qu'en détente, ce qui met immédiatement à l'aise. Et c'est là l'une des principales qualités de la Daytona 675 : malgré la rigidité cadavérique de son cadre en alu, aucun mode d'emploi particulier n'est nécessaire pour se faire plaisir à son guidon.
Intuitive, elle semble deviner les intentions en même temps qu'elles prennent forme dans l'esprit : un coup d'oeil vers la corde et la "balle d'Hinckley" s'y précipite ! Grâce à la meilleure centralisation des masses obtenue via l'abandon de l'échappement sous la selle, elle se montre impériale en entrée de courbes. Et, comme le freinage est à la hauteur (puissance, feeling et endurance : tout est là !), on prend rapidement plaisir à user et abuser de ce qui apparaît comme l'un des meilleurs trains avant de la catégorie.
Extrêmement svelte, l'Anglaise offre énormément de mobilité à son pilote : les amateurs du "pilotage déhanché" peuvent se mouvoir sans retenue autour du réservoir et se servir des repose-pieds pour la diriger. Pour autant, adopter la "Marquez attitude" n'est pas une obligation sur cette moto fine comme une 250 cc : la Dayto 675 répond très favorablement aux ordres donnés uniquement par le guidon, son poids plume et sa précision directionnelle facilitant l'exercice.
Cette impression de docilité - relative, on parle d'une sportive, pas d'un scooter 125 cc ! - provient aussi de la stabilité irréprochable de la moto, même lorsqu'une bosse déboule en pleine ré-accélération sur l'angle. Alors qu'une certaine "nervosité" était à craindre au vu de son empattement ultra-court (1375 mm) et de son angle de chasse très fermé (22,9°), la Triumph conserve son cap sans qu'il soit nécessaire de se battre avec elle.
Sur routes bosselées, la seule limite proviendra en réalité de votre capacité à supporter les réactions très vives de son châssis de moto de course. Une contrainte qui peut vite se révéler épuisante sur des petites routes mal revêtues, tant sa selle en teck massif et sa position radicale mettent déjà les fesses, le bas du dos et les poignets à rude épreuve...
Verdict : mieux que mieux, c'était donc possible !
A l'issu de cet essai, Moto-Net.Com ne peut que féliciter Triumph d'oser aller de l'avant dans le seul objectif d'améliorer une moto sans véritable défaut. Au vu du contexte économique et de l'état du marché des sportives, cette quête du "toujours meilleur" constitue la meilleure expression de l'état d'esprit audacieux et passionné mis en avant dans la communication du constructeur britannique.
Néanmoins, cette mutation réussie ne signifie pas que la Daytona 675 2013 soit arrivée à la perfection : l'Anglaise la tutoie de très près, mais comme la perfection n'est pas de ce monde, MNC lui a tout de même trouvé quelques défauts. Bon, autant l'avouer, l'exercice n'a pas été simple... D'autant qu'à la longue liste de ses qualités s'ajoute une qualité de réalisation et une finition irréprochables. Le tout à un tarif "raisonnable" et avec un ABS déconnectable proposé à prix canon (+ 400 euros).
Toutefois, certains irréductibles ne lui pardonneront jamais la "japonisation" de ses lignes (la coque arrière pointue évoque immanquablement la Yamaha R6), ni l'abandon de son silencieux sous la selle. Certes, cette disposition n'était pas la meilleure solution sur le plan dynamique, alors que placer la sortie en position basse, à proximité du moteur, permet de recentrer les masses et de réduire le poids en utilisant des conduits d'échappements moins longs. Et ça, c'est excellent pour l'agilité de la moto !
Mais cette sortie sous la selle faisait partie des signes distinctifs de la Daytona 675, au même titre que la sonorité rocailleuse de son 3-cylindres : la belle a gagné en efficacité ce qu'elle a perdu en originalité visuelle.
Enfin, si Triumph assure qu'elle n'a aucun besoin d'un contrôle de traction (lire la partie Électronique en avant-dernière page), le Journal moto du Net n'est pas tout à fait du même avis : cette béquille électronique développée pour le circuit est selon nous devenue un véritable outil de sécurité active dans le cadre d'un usage routier, au même titre que l'ABS.
Car s'il est exact que la motricité offerte par l'excellent châssis et les non moins excellents Pirelli Diablo Supercorsa SP est quasiment impossible à prendre en défaut, cela ne vaut que sur routes sèches et avec des gommes en bon état. En ville sur un passage "graisseux" ou sur une départementale humide avec des pneus en fin de vie, la conclusion sera moins "triumphante"...
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CONDITIONS ET PARCOURS |
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POINTS FORTS TRIUMPH DAYTONA 675 |
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POINTS FAIBLES TRIUMPH DAYTONA 675 |
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