Moto Guzzi fête discrètement son siècle d'existence avec une gamme ramenée à trois motos seulement : les classiques V7 et V9 et le trail V85TT, toutes dorénavant équipées du même moteur Euro5. Comment départager les V7 et V9 devenues extrêmement similaires ? En lisant notre double essai MNC !
Cent ans déjà que l'aigle emblématique des Moto Guzzi déploie ses ailes sur les rives du lac de Côme, en Lombardie (Italie), depuis l'usine et siège historique à Mandello del Lario… Moto Guzzi a beau faire partie du groupe Piaggio depuis 2004 - après être passé aux mains d'Aprilia en 2000 -, la marque transalpine conserve après ce siècle sa délicieuse authenticité.
La preuve en 2021 avec les évolutions apportées sur la V7, moto iconique lancée en 1967 : ce petit custom aux lignes classiques illustre à merveille l'art du changement dans la continuité ! Roue avant de 18 pouces, silencieux en position basse, réservoir long et étroit, guidon relevé, combinés-amortisseurs et twin face à la route : tout semble identique aux yeux d'un non-initié.
Une analyse plus poussée révèle toutefois l'apparition de LED pour l'éclairage et les clignotants, d'une nouvelle instrumentation LCD ainsi que d'un cache en forme d'aigle sur l'optique ronde de la V7 Stone. Sa variante Special, plus "rétro" avec ses jantes à rayons et touches de chrome, conserve elle un phare à ampoule et deux cadrans à aiguille. À l'ancienne !
La plus importante modification est en réalité peu visible car d'ordre mécanique : la V7 récupère une version assagie du V-twin de 853 cc du trail V85TT, à ce jour le seul moteur homologué Euro5 chez Moto Guzzi. Eh oui : le performant et récent bicylindre de 1380 cc des California 1400 est passé à la trappe, tout comme le twin de 1200 cc de la Griso...
Autrement dit, la marque aborde son centenaire avec un seul moteur et seulement trois motos : les V7, V9 et V85TT. Deux classiques et un trail : l'offre est d'autant plus limitée que les deux premières sont proches visuellement et encore plus techniquement (même type de cadre double berceau acier, amortisseurs Kayaba et freins Brembo identiques).
Cette similitude est aussi renforcée par le choix de leur accorder exactement les mêmes performances : 65 ch et 73 Nm, en hausse de respectivement 13 ch sur V7 et 10 ch sur V9. Ce moulin refroidi par air - commandé par un accélérateur électronique - est par ailleurs bridable pour les permis A2, en plus de rester fidèle à son cardan qui simplifie l'entretien.
D'où la question qui titille MNC : laquelle choisir en 2021, sachant en outre que V7 et V9 sont toutes deux disponibles dans une superbe livrée "Centenario" verte et grise avec selle marron (+ 200 euros) pour célébrer ce cap des 100 ans ?
Premier point commun entre les Moto Guzzi V7 et V9 : quelle allure, ces italiennes ! Difficile de ne pas succomber à leur charme intemporel, surtout en découvrant la nouvelle V9 ici dans sa déclinaison "Bobber" et déco Centenario. Avec son imposant pneu avant de 130 mm et son guidon plat, la Bobber ci-dessous flirte avec un genre canaille... et ça lui sied à ravir !
Moins tape-à-l'oeil, la V7 ci-dessous en version Stone est surtout plus classique d'un point de vue stylistique : elle se rapproche en réalité davantage de la V9 Roamer. Pourquoi alors s'intéresser à la V9 Bobber ? Car la Roamer n'était pas disponible pendant cette prise de contact ! Pas grave : l'objectif n'est pas d'opposer les deux Moto Guzzi, mais plutôt d'identifier leurs différences.
L'une comme l'autre présente un niveau de finition satisfaisant, sans pour autant égaler le raffinement chic de leur rivale frontale Triumph Street Twin. Les matériaux sont de qualité - comme les panneaux en alu -, mais certains ajustements de câbles et de gaines laissent notamment à désirer ici (derrière la cuve de phare) et là (autour de l'admission).
L'absence de charnières sur le bouchon de réservoir et de leviers réglables est par ailleurs critiquable au regard de leur prix : à partir de 9199 euros pour V7 et 10 049 euros pour V9. De même, la prise USB sur la colonne de direction de la V9 aurait aussi parfaitement sa place de série sur la V7 ! Un petit espace sous la selle ne serait pas non plus du luxe...
Basses et étroites, les V7 et V9 s'enfourchent aisément dès 1m70 : ce sont des petits "gabarits" qui mettent à l'aise, d'autant qu'elles braquent remarquablement court et que leur poids est agréablement contenu (218 kg pour la V7 Stone, 223 kg pour la V7 Special ci-dessous et 220 pour la V9 Bobber). Surtout si l'on tient compte de leur transmission par cardan, "mécaniquement" plus lourde qu'une chaîne !
Seuls les motard(e)s de grande taille se sentiront à l'étroit sur leur selle plate, par ailleurs peu confortable car étroite et ferme. Les genoux, notamment, manquent d'espace pour éviter les contacts avec les culasses : le constat vaut surtout pour la V9, qui s'est pourtant sacrément améliorée sur ce point grâce à ses repose-pieds reculés depuis notre premier essai en 2016.
Sur la V7, le réservoir échancré sur sa partie basse offre davantage de maintien tandis que les formes anguleuses de celui de la V9 tendent à cisailler l'intérieur des cuisses. Son look plus moderne dynamise certes l'image de la V9, mais entraîne des contraintes aussi bien ergonomiques que pratiques : sa contenance s'établit à 15 litres contre 21 l pour la V7 !
La position gentiment avancée des pieds est identique sur les deux motos, tout comme celle des commodos à partir desquels est dirigée l'instrumentation. Celle-ci n'est pas spécialement lisible mais riche en informations : vitesse, compte-tours, rapport engagé, température de l'air, heure, consommations moyenne et instantanée. Une connexion Bluetooth avec le téléphone est même disponible en option !
La principale différence de posture entre V7 et V9 tient au format différent de leur guidon, plus étroit et relevé sur la V7. Le guidon plat de la V9 ouvre davantage les épaules, aux bénéfices d'un meilleur bras de levier. Pas du luxe au regard du caractère "collant" à basse vitesse qu'entraînent les 3 cm supplémentaires de son pneu avant (130 Vs 100 mm sur V7)...
La V9 Bobber a beau être montée en 16 pouces à l'avant pour tenter de préserver l'agilité, rien n'y fait : son gros "boudin" plombe sa réactivité, surtout à basse vitesse. Cette caractéristique est à l'origine d'une sensation de mise sur l'angle en deux fois, avec d'abord une légère résistance à vaincre avant l'inclinaison.
Le contraste est saisissant en passant sur la V7 : la "benjamine" est d'une facilité déconcertante en comparaison, malgré l'effet gyroscopique supérieur lié à sa "grande" roue de 18" ! Sa direction plus naturelle fait merveille dans les bouchons et le sinueux : débutant(e)s comme motard(e)s confirmé(e)s apprécieront ses placements évidents et intuitifs. La V7, c'est la moto-école des classiques !
Bien équilibrée, la V7 n'exige aucun effort pour passer d'une courbe à l'autre et y dévoile par ailleurs une stabilité accrue : Moto Guzzi a amélioré cet aspect critiqué sur l'ancien modèle en lui greffant un pneu arrière plus large - 150 au lieu de 130 mm - et en renforçant la rigidité du cadre au niveau de la colonne de direction ("+10%").
A cette progression bienvenue s'ajoute un gain significatif sur sa qualité d'amortissement : ses combinés-amortisseurs passent de 93 à 120 mm de débattement aux bénéfices de la progressivité. La V7 y gagne autant en agrément qu'en rigueur, laissant dans le "rétro" les réactions "tape-cul" de sa devancière.
La décrire comme "confortable" serait toutefois un gros mensonge, mais le progrès est flagrant : une selle plus épaisse suffirait d'ailleurs à la rendre encore plus fréquentable sur revêtement bosselé. A bon entendeur…
Là encore, la V9 Bobber marque le pas avec ses amortisseurs qui s'ébattent sur 97 mm : la moto se montre à la fois plus cassante et "dandinante". Elle-aussi dotée d'une assise passable, la V9 n'épargne pas les lombaires lorsque le bitume se froisse avec ses réactions sèches.... Dommage, car le potentiel est là : preuve est en avec la V7, extrêmement proche de conception, et pourtant autrement plus conciliante.
Cette base jumelée se retrouve au freinage, avec les mêmes qualités... et les mêmes défauts : le simple étrier Brembo est plus flatteur au regard que convaincant à la main droite. La pince italienne demande de la poigne dans les portions "enroulées-rapides" ! Idem pour l'arrière sous forme de gentil ralentisseur, qui exige également une importante pression.
Ce freinage peu incisif va comme un gant à la fourche télescopique de 40 mm et à ses tarages souples. Faute de maintien suffisant, le train avant tend à s'affaisser : les V7 et V9 conservent des réactions "à l'ancienne", avec une évidente préférence pour une conduite souple. Des trajectoires toutes en rondeur sont aussi conseillées pour ménager leur garde au sol limitée, comme sur la plupart de ce type de motos ceci étant.
Frustrant ? Pas vraiment. Ce sont simplement de "vraies" motos classiques qui font apprécier leur joyeuse simplicité et leur rigueur certes perfectible, mais tout de même largement suffisante pour "viroler" sereinement au son caractéristique de leur V-twin.
Ce moteur, justement, présente tous les marqueurs de la production mécanique de Mandello del Lario : son architecture atypique - vilebrequin en position longitudinale - lui confère notamment ce couple de renversement propre à toutes les Guzzi. Un coup de gaz à l'arrêt et la moto se balance de gauche à droite, comme pour s'ébrouer avant de partir.
La distribution culbutée délivre ses cliquetis métalliques au ralenti, tandis que la boîte balance un "klong" bien senti au passage de la première. L'arrière de la moto se soulève ensuite gentiment avec la prise de vitesse : c'est l'effet "ascenseur" lié à sa transmission finale par cardan, qui tend les ressorts à l'accélération et les comprime à la coupure des gaz.
Pour certains, ces réactions "rustiques" traduisent une forme d'anachronisme dépassée... Pour d'autres, elles constituent au contraire l'identité des Moto Guzzi et concourent à les rendre aussi uniques qu'attachantes ! Les "gardiens du temple" s'insurgent eux devant l'adoucissement progressif de tous ces traits de caractère, à leur yeux associés à l'esprit originel "Guzzi". Vaste débat, qu'il appartient à chacun de juger selon ses affinités.
Toujours est-il que ce moteur chipé à la V85TT se montre extrêmement souple puisqu'il autorise les V7 et V9 à descendre à 1500 tr/mn sur les rapports supérieurs. Merci l'accélérateur électronique finement calibré ! La boîte en revanche reste lente et accrocheuse par rapport aux standards actuels, et ce malgré d'évidents progrès au fil des millésimes.
Docile, ce twin n'est pas particulièrement démonstratif sous 3000 tr/mn : les relances sont même un rien laborieuses sur les rapports supérieurs. Pas de bol, le cap des 3000 tr/mn correspond aux 80 km/h légaux en 6ème ! Les reprises sont moins toniques qu'escomptées avec la greffe du nouveau moteur : MNC s'attendait à un gain plus marqué en matière de couple à bas régime, surtout sur la V7 qui gagne tout de même 13 Nm !
En vérité, comme sur le trail V85TT, ce moulin de 853 cc exprime davantage de consistance dans la deuxième partie du compte-tours : en témoignent d'ailleurs le régime élevé où sont situés les 73 Nm de couple (5000 tr/mn). La puissance maxi de 65 ch est quant à elle carrément perchée à 6800 tr/mn, soit à la lisière de la coupure d'allumage à 7000 tr/mn !
Il en résulte une plage d'exploitation curieusement décalée entre 4000 et 6000 tr/mn, où les Moto Guzzi accélèrent avec entrain et conviction ! Les V7 et V9 tractent alors de façon enjouée et dynamique, offrant de solides relances et une allonge surprenante. Ce n'était pas notre premier réflexe de les cravacher, mais elles s'en accommodent en réalité fort bien !
Cette mécanique pleine d'allant à partir des mi-régimes délivre certes quelques vibrations, mais leur fréquence assez basse participe davantage à renforcer leur caractère qu'à provoquer de véritables désagréments.
Signalons enfin la présence d'un antipatinage de série, plus rassurant que réellement utile sur une moto de 65 ch : ce dispositif désactivable n'est jamais sollicité sur bitume sec, d'autant que les V7 et V9 bénéficient d'une motricité correcte. Sur sol humide, en revanche, cette "béquille électronique" au déclenchement assez intrusif peut toutefois éviter une dérobade intempestive !
Piloter une Moto Guzzi est toujours une expérience sympathique car riche en émotions : libre à chacun de les apprécier ou pas. Question de goûts, de sensibilité et d'envies : les V7 et V9 sont des motos communicatives avec leur "petit caractère", sans pour autant être exigeantes.
L'équilibre est subtil, mais le constructeur italien est passé maître dans l'art de les améliorer par petites touches : les années semblent ne pas avoir de prise sur la V7, qui a notre préférence à l'issue de ce "vrai-faux" comparatif.
Son ergonomie plus naturelle et son meilleur amortissement la rendent plus agréable à piloter, tandis que son prix inférieur plaide également en sa faveur. MNC aurait toutefois apprécié que sa mécanique et sa selle se montrent plus consistantes !
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CONDITIONS ET PARCOURS | ||
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POINTS FORTS MOTO GUZZI V7/V9 | ||
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POINTS FAIBLES MOTO GUZZI V7/V9 | ||
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