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ESSAI
Paris, le 5 novembre 2015

Essai KTM 1290 Super Adventure : monumen-trail !

Essai KTM 1290 Super Adventure : monumen-trail !

Les motos maxi-trail versent dans la surenchère mécanique et technologique, au détriment de leurs aptitudes tout-terrain... La KTM 1290 Super Adventure s'inscrit dans cette tendance vertigineuse avec ses 160 ch de feu et son équipement pléthorique. Essai.

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Dynamique : le trail le plus expressif du monde !

Allongé par rapport au roadster, le sixième rapport maintient les 130 km/h légaux sur autoroute française à 4750 tr/mn sans aucune difficulté (avec autant de puissance en réserve, l'inverse aurait été malheureux !) La sonorité délivrée par le twin autrichien est moins claquante que sur la Super Duke R, mais elle reste grondante et assez présente. Peut-être un peu trop en mode "abattage de bornes"...

A cette allure, les quelques frémissement ressentis sous les fesses prennent de l'ampleur et viennent brouiller l'image renvoyée par les rétros, jusque-là très efficaces. Le phénomène se propage aux poignées de maintien du passager, littéralement "vibrantes" à certains régimes. Désagréable, surtout que l'intensité de ces vibrations franchit un cap supplémentaire à 7000 tr/mn...

Autre "petit" désagrément mécanique : le moteur LC8 chauffe rapidement et généreusement, au point de se demander dans un premier temps si la fonction selle chauffante n'a pas été activée par erreur ! Une fausse manip' tout à fait possible dans la mesure où la navigation dans les multiples menus et sous-menus du tableau de bord n'est pas franchement intuitive...

Des touches de raccourcis seraient les bienvenues pour accéder facilement aux fonctions essentielles comme le tarage électronique des suspensions, les poignées chauffantes ou les modes de conduite (qui influent sur le répondant moteur mais aussi sur la sensibilité de l'ABS et de l'anti-patinage). Ce n'est pourtant pas la place qui manque pour les installer, notamment sur le commodo droit au format XXXXL !

Vérification faite, non, le chauffage de selle n'est pas enclenché : la chaleur ressentie sur le mollet droit et sous les fesses provient uniquement du bicylindre ! Voila pourquoi le dessous de la selle pilote est recouvert d'isolant thermique, à la place du rembourrage supplémentaire qui lui fait tant défaut ! Mais ce subterfuge ne suffit pas pour stopper le rayonnement du moteur, surtout en ville ou à faible allure...

Hormis cette nature "chaleureuse" et "frémissante", la 1290 Super Adventure possède un lot de qualités parfaitement adaptées à sa condition de moto routière déguisée. A commencer par la protection offerte par sa bulle réglable grâce à des molettes placées de chaque côté : un pilote d'1m75 est correctement abrité, à l'exception des bras et des jambes pour lesquels des déflecteurs optionnels sont proposés.

Seules de légères turbulences viennent chatouiller le haut du casque et, de manière surprenante, le... buste. La cause de ces quelques remous ressentis à hauteur de poitrine provient de l'ouverture pratiquée dans la bulle pour éviter le phénomène de poussée aérodynamique dans le dos en position haute. L'astuce fonctionne parfaitement !

Monter et descendre l'imposant pare-brise est possible en roulant, à condition toutefois d'avoir débloqué le mécanisme en tirant un levier sur la droite. L'opération pourrait être simplifiée - ce levier de blocage est-il réellement indispensable ? - et le coulissement adouci pour un meilleur confort d'utilisation. On se console en songeant que certains dispositifs concurrents exigent encore de sortir des outils !

Si l'assise est assez ferme, le confort général est toutefois préservé grâce à la position relax - bras droits et jambes détendues à l'aplomb du buste - et à la qualité des suspensions. En mode "Confort" et "Street", la fourche inversée et le mono-amortisseur de la 1290 Super Adventure font jouer leur débattement digne d'une motocross (200 mm !) pour absorber toutes les imperfections du bitume. Un vrai tapis roulant !

Cette souplesse engendre d'importants transferts de masses, aussi bien à l'accélération qu'au freinage. La plongée est d'autant plus prononcée vers l'avant que les étriers radiaux Brembo ne manquent pas de puissance ! Leur mordant très bien contrôlé apparaît comme un atout dans ces conditions, tout comme l'efficacité et le dosage précis de l'élément arrière.

Mention très bien aussi pour l'ABS MSC, très réactif et capable de répartir les forces entre l'avant et l'arrière sur l'angle s'il détecte une pression trop forte sur la roue avant. Cette qualité profite à la précision de la direction, jamais "verrouillée" dans les courbes débutées sans relâcher les freins.

A vive allure, l'amortissement manque rapidement de réactivité en mode "Confort" : faute de retenue et de détente suffisantes, les suspensions n'ont pas le temps de revenir à leur position initiale entre chaque impact. D'un simple "clic" sur les flèches du commodo gauche, le mode "Street" est activé, meilleur freinage hydraulique à clé.

Les plus sportifs opteront en toute logique pour le mode "Sport", dont le calibrage se révèle tout simplement parfait pour arsouiller avec efficacité, tout en profitant du confort offert par le vaste débattement. Le contraste entre la mollesse de la configuration la plus souple et la tenue ferme - mais sans excès - du mode sportif est carrément bluffant : quel grand écart ! Et dire que l'opération ne prend que quelques secondes, sans s'arrêter et encore moins sortir d'outils !

Bien équilibrée et précise, la 1290 Super Adventure révèle une nature étonnamment joueuse que ses mensurations balaises ne laissaient pas présager. Car sans surprise, l'autrichienne n'est pas exactement une ballerine, la faute à son poids conséquent, aux masses placées en hauteur (merci le gros réservoir !) et à l'empattement de 1560 mm...

Malgré son excellent rayon de braquage et son accélérateur d'une précision chirurgicale, elle demande de l'autorité ainsi qu'une bonne dose d'énergie pour virer à très basse vitesse. Quant à risquer de poser ses pneus dans la terre...

L'expérimenté et athlétique Marc Coma, ancien chef de file KTM en rallye-raid et vainqueur du dernier Dakar, parviendrait sûrement à passer outre et à réaliser des choses incroyables en tout-terrain. En revanche, pas sûre que la menue Laia Sanz - embauchée cette année dans le team officiel KTM - parvienne à dompter ce mastodonte d'un quart de tonne en off-road, pas plus que le motard lambda ou les journalistes de MNC !

D'autant qu'un autre paramètre complique sérieusement les prétentions de la 1290 Super Adventure en dehors du bitume : le répondant monstrueux de son moteur, pas vraiment le meilleur allié pour trouver l'adhérence dans un pierrier en devers !

Un moteur de ouf !

Nettement plus conciliant que sur la Superduke R, le bicylindre de 1301 cc reprend sans hoqueter dès 2000 tr/mn et accepte de traverser une agglomération en 4ème à 50 km/h à 2500 tr/mn. La réponse précise du ride-by-wire (réglable à sa main, via les quatre modes de conduite), l'embrayage et la sélection hors de critique facilitent l'exercice.

La progression par rapport au sulfureux roadster, qui cogne sous 3000 tr/mn sur les rapports supérieurs, est incroyable : le LC8 est effectivement "méchamment" civilisé ! Plus doux dans sa prise de régime, il parviendrait presque à faire oublier ses tempétueuses origines, tout en offrant de solides relances de 2500 à 5000 tours.

A ce stade, il se passe quelque chose d'aussi inattendu que réjouissant : l'accélération déjà copieuse semble redoubler d'intensité ! La boîte à air laisse échapper un râle sourd et puissant qui pique la curiosité : rares sont les maxi-trails à s'exprimer de la sorte, y compris les variantes plus sportives comme la Multistrada 1200 et la S1000XR...

Puis le cap des 6000 tr/mn arrive et la 1290 Super Adventure se livre à une véritable démonstration de force, comme si son bicylindre avait vaincu toute l'inertie de ses grosses gamelles. Le bloc délivre plusieurs vagues de puissance d'une intensité ahurissantes, dont la déferlante se situe entre 8 et 10 000 tr/mn. Aucun autre maxi-trail du marché ne provoque de telles sensations à l'accélération !

Pour mieux cerner ses capacités, MNC s'est "amusé" à déconnecter toutes ses assistances électroniques, dans l'idée aussi de mieux mesurer les effets de son contrôle de traction jugé de prime abord assez intrusif. En réalité, cette assistance entre fréquemment en action non pas pour pallier un éventuel déficit de grip des excellents Contitrail Attack2... mais pour que la roue avant reste au sol !

L'afflux de puissance est en effet tel à partir des mi-régimes que la moto part en wheeling à l'accélération sur le deuxième rapport, ce qui n'est pas si courant dans cette catégorie. Plus stupéfiant encore : une franche remise des gaz en troisième provoque le même résultat, ce qui est beaucoup plus rare quel que soit le type de machine !

Il suffit de se placer à 6000 tr/mn en 3ème et de mettre la poignée dans le coin pour faire décoller la Katoche en douceur, sans toucher au levier d'embrayage. A 8000 tr/mn, en maintenant l'accélérateur grand ouvert, la moto se dresse jusqu'à la verticale ! Certains badauds croisés par MNC dans cette drôle de position n'en reviennent toujours pas ! Et pour être honnête, nous non plus...

Cette vitalité mécanique contraint aussi à gérer ses sorties de courbes avec un minimum d'attention : se montrer léger sur le guidon et ferme sur ses cuisses est impératif avant de remettre du gros gaz, sous peine de pâtir d'un délestage de la direction. Et ce jusqu'en 4ème ! Quand on vous dit que ça ouate... D'où aussi une consommation d'essence qui dépasse rapidement les 8,5 l/100 km (lire notre encadré à droite "Conditions et parcours")...

En un éclair, ce maxi-trail bourré de punch et d'allonge - douce régulation électronique à 10 000 tr/mn - attrape puis dépasse les 220 km/h, vitesse à partir de laquelle l'association "CX d'armoire normande + très large guidon" est à l'origine d'ondulations dont il est préférable de tenir compte. Sans compter le caractère hautement toxique de ces allures prohibées sur le permis de conduire...

Verdict : Un trail Orange qui fait voir rouge !

Compte tenu de son attachement à l'architecture bicylindre, il était assez logique que KTM transfère son excellent LC8 sur une autre moto que le roadster Superduke R. La démarche était attendue, d'autant qu'elle permet de rentabiliser les lourds investissements requis pour mettre au point - et aux normes - un tel moteur.

Pour autant, MNC aurait d'avantage misé sur une sportive ou une routière - ou encore un mix des deux, comme la Superduke GT prévue l'an prochain. Mais non, c'est bien un trail qui hérite du V-twin de 1,3 litre le plus sensationnel du monde ! Le résultat est détonnant, voire intimidant, tant par les volumes de la "bête" que par ses capacités mécaniques - tous deux hors normes. Pour un peu, la pourtant vigoureuse 1190 Adventure paraîtrait presque "facile" en comparaison !

Au final, la 1290 Super Adventure est aboutie et redoutablement bien équipée, mais elle repousse tellement loin des limites du genre que ressurgit inévitablement notre interrogation posée en préambule : où s'arrêtera la surenchère de puissance et de technologie sur ces motos à la base prévues pour relier la route "A" au carrefour "B" en passant éventuellement par le chemin de traverse "C" ?

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CONDITIONS ET PARCOURS

  • Modèle avec options MSR (frein moteur à assistance électronique) et HHC (aide au démarrage au côte) et protège réservoir, 11514 km au départ
  • Parcours : 460 km
  • Routes : réseau secondaire, ville, voies rapides
  • Pneus : Continental Contitrail Attack 2
  • Conso : de 6,52 km à 8,64 l/100 km
  • Problèmes rencontrés : RAS

POINTS FORTS KTM 1290 SUPER ADVENTURE

  • Equipements pléthorique et efficaces
  • Moteur époustouflant de vigueur !
  • Partie cycle équilibrée et précise

POINTS FAIBLES KTM 1290 SUPER ADVENTURE

  • Poids et encombrement
  • Selle haute, dure et chauffée par moteur
  • Sang-froid indispensable...