C'est une évidence : Suzuki a trop tardé à dégainer son premier maxi roadster, laissant depuis plus de dix ans le champ libre à ses concurrents... Mais grâce à son 4-cylindres de feu, la GSX-S1000 fait en grande partie pardonner cette attente. Essai.
Grâce à sa hauteur de selle située dans la "bonne" moyenne de la catégorie (815 mm, comme sur les Z1000 et S1000R), la GSX-S1000 s'avère assez accessible, bien aidée dans ce domaine par la largeur très contenue de son assise au rembourrage prometteur.
Satisfaisant sur de courts trajets, le confort de selle l'est toutefois moins sur la durée en raison du faible espace disponible : étroite et pas très longue, l'assise n'offre pas un maintien exceptionnel ni une très grande liberté de mouvements. Les plus grands viendront buter sur la naissance de la selle passager, sous laquelle peuvent par ailleurs se glisser un bloc-disque et un chiffon.
Le guidon plat apparaît pour sa part idéalement placé, ses extrémités légèrement cintrées vers le buste offrant une prise en main naturelle et pas excessivement penchée sur l'avant. Roadster sportif oblige, la GSX-S1000 possède en revanche des repose-pieds haut perchés et reculés : c'est parfait pour la garde au sol en virage (excellente), un peu moins pour le confort des jambes.
Dernier détail ergonomique à prendre en compte : si la largeur est agréablement modérée à l'entrecuisse, elle s'élève sensiblement au niveau des genoux du fait des flancs volumineux du réservoir de 17 litres. L'inédite instrumentation entièrement digitale apparaît bien fournie et les informations essentielles (vitesse, jauge à essence, rapport engagé, heure) s'y déchiffrent facilement.
Le régime moteur demande toutefois plus d'attention pour être visualisé avec précision, car ses graduations sont petites et rapprochées. Même chose pour les trips et les indicateurs de consommation. On se console toutefois en constatant la présence d'une commande déportée sur le commodo gauche, permettant de faire défiler le tout sans lâcher le guidon.
Sans surprise, la protection est inexistante et les aspects pratiques restreints : pas de réglage d'écartement sur le levier d'embrayage, ni de caoutchouc sur les repose-pieds, ni de valves coudées. La béquille centrale est "sportivement" sacrifiée sur l'autel de la performance, tandis que l'ABS est en option (500 euros).
Il faudra donc se contenter de warnings, de rétroviseurs efficaces, d'un ergot de béquille suffisamment grand et de pratiques crochets d'arrimage sur les platines arrière... ce qui n'est déjà pas mal dans cette catégorie !
Saine et évidente
Malgré un rayon de braquage assez élevé et un levier d'embrayage ferme, la GSX-S1000 se tire correctement de l'exercice urbain : sa direction neutre, ses masses bien réparties et son poids réduit (207 kg sans ABS, 209 avec) sont autant d'atouts pour "commuter" sans transpirer.
Surtout, la disponibilité de son moteur fait merveille : le 4-cylindres en ligne est un véritable élastique, capable de reprendre au ralenti sur les rapports supérieurs sans un soubresaut. Certes, tous les moteurs de cette architecture partagent cette caractéristique, mais dans la plupart des cas leurs reprises s'avèrent ensuite aussi trépidantes qu'une course d'escargots...
Pas de ça ici : le bloc dérivé des "K5" ajoute à cette onctuosité traditionnelle des 4-pattes une exceptionnelle vigueur. En clair, il reprend très bas, mais surtout très fort ! Par exemple, en 6ème à 90 km/h à 2750 tr/mn, il n'est pas nécessaire de rétrograder pour dépasser sereinement d'un coup de gaz : le "coffre" dont la GSX-S1000 dispose dans la première partie du compte-tours suffit amplement !
Puis l'accélération se renforce au passage des 5000 tr/mn, la sonorité déjà particulièrement rauque devenant d'autant plus excitante qu'elle s'accompagne alors d'un sourd ronflement de boîte à air. Jusqu'à présent musclées, les reprises deviennent sportives jusqu'au cap des 7000 tr/mn...
A ce stade, les bras s'allongent et les bijoux de famille se contractent : les 145,5 ch semblent soudain vouloir faire exploser leur box de 999 cc et déploient à cette fin une énergie incroyable ! Aucun répit n'est à espérer : la GSX-S1000 garde le mors aux dents jusqu'à l'entrée en zone rouge (à 11 500 tr/mn) et galope joyeusement à plus de 230 km/h en 4ème !
Plein comme un oeuf avec ses 106 Nm de couple et foudroyant à haut régime : ce "vieux" moteur peut donner la leçon à de nombreux jeunes concurrents ! Et puis, quel plaisir de renouer avec le charme d'un frein moteur important, si agréable pour peaufiner une trajectoire sans avoir à toucher aux freins dans le cadre d'une conduite enroulée.
Des défauts ? Oui, quelques-uns, mais qu'on lui pardonne facilement, comme ses vibrations ressenties dès les mi-régimes sous les pieds puis qui se propagent sous les fesses. Ou encore l'absence d'embrayage anti-dribble qui, en raison du puissant frein moteur, demande de l'attention pour garder la roue arrière dans l'axe lors de rétrogradages brutaux, surtout sur routes glissantes...
Sur plusieurs modèles très peu kilométrés (seulement 56 km au départ dans notre cas !), la sélection est en outre apparue assez rêche, sans doute par manque de rodage puisque les rapports passaient très souplement sur les autres GSX-S1000 présentes. Enfin, dernier petit détail agaçant mais loin d'être insurmontable : le tirage excessivement long de la poignée de gaz.
En revanche, impossible de faire abstraction des à-coups d'injection à la remise des gaz. Quel que soit le rapport engagé ou le degré de douceur déployée par le poignet droit, les évolutions sur le filet sont désagréables car systématiquement chaotiques. La gestion électronique manque clairement de finesse à l'ouverture des gaz, à l'opposé bizarrement de nos souvenirs concernant la GSX-R1000 "K5"...
Ce phénomène, dans la mesure où il pénalise fatalement les phases de ré-accélération sur l'angle, constitue par ailleurs l'une des rares critiques à émettre au niveau du comportement dynamique de la GSX-S1000. Car à part ça, le nouveau roadster Suzuki se révèle terriblement efficace dans le sinueux !
Très bien campée sur ses appuis, la GSX-S1000 vire avec aisance, sans manifester de tendance à amplifier ou retarder les ordres. Sa stabilité est de tout premier ordre : malgré l'importante cavalerie, le guidon large et l'absence d'amortisseur de direction, le train avant reste rivé au sol, y compris sur le bosselé et dans les courbes abordées à plus de 200 91 km/h...
Ce comportement brillant est dû en grande partie au châssis intelligemment conçu, autour d'un empattement assez court (1460 mm) et d'un angle de direction pas excessivement fermé (25°). En revanche, son train avant n'offre pas dans les enchaînements la vivacité diabolique et la précision directionnelle chirurgicale d'une Superduke 1290, d'une Tuono V4 ou d'une CB1000R.
Le pneu arrière large et bas (190/50/17) retenu par Suzuki - probablement pour le look - n'y est sans doute pas étranger... Par ailleurs, si ses suspensions s'avèrent plutôt confortables pour la catégorie et jouissent d'un accord imperturbable, la fourche gagnerait à offrir plus de sensibilité en début de course.
Le freinage délivre quant à lui la puissance attendue sur une moto aussi performante (ses développeurs assurent avoir pris 270 km/h compteur sur circuit !), mais le mordant des étriers avant pourrait être plus prononcé. Un maître-cylindre radial et des durits renforcées régleraient sans doute le problème, en plus d'apporter un supplément de précision et de constance.
En raison d'une pédale placée trop bas, le frein arrière est délicat à gérer en cas de besoin, sans compter que le simple étrier ne déborde pas de puissance... Enfin, l'ABS manque de réactivité et ses entrées en action s'accompagnent de retours d'efforts au levier droit. Dommage qu'il ne soit pas possible de programmer son seuil d'intervention comme sur les dispositifs les plus sophistiqués, voire de le désactiver pour les sorties sur circuit... Carton plein en revanche pour l'anti-patinage, aussi efficace que simple à régler depuis le guidon.
La moitié de cet essai s'étant déroulée sous une pluie battante, MNC a pu apprécier sa sensibilité, sa rapidité et surtout sa douceur d'intervention à plus d'une occasion, notamment lors de la réalisation d'une vidéo embarquée sur une petite route rendue aussi glissante qu'une patinoire !
Verdict : objectifs atteints !
Avec cette nouvelle GSX-S1000, Suzuki investit avec la manière le segment des roadsters sportifs, son moteur du tonnerre valant à lui seul le détour. De plus, et ce n'est pas pour nous déplaire, le 4-pattes Suz' prouve que la course à la (sur)puissance sur un roadster n'est pas une nécessité : ses 145 ch suffisent très largement !
La partie cycle n'étant pas en reste - tout comme les équipements au regard de son prix placé (11 999 € sans ABS) -, le succès devrait en toute logique être au rendez-vous. Cependant, aussi réussie et savoureuse "mécaniquement parlant" soit-elle, la GSX-S1000 aura fort à faire pour imposer ses arguments car elle ne se distingue pas suffisamment de l'offre existante...
Ce n'est en effet ni la plus originale, ni la plus puissante, ni la plus sophistiquée. Or dans ce créneau, une bonne partie de la réussite commerciale est conditionnée par l'une de ces caractéristiques, voire par l'alliance des trois : les Honda CB1000R et Yamaha FZ1, hier au top et aujourd'hui "bradées" sous les 10 000 € (8499 € actuellement pour la Yam' !), peuvent en témoigner...
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CONDITIONS ET PARCOURS |
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POINTS FORTS SUZUKI GSX-S1000 |
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POINTS FAIBLES SUZUKI GSX-S1000 |
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