Alors que Denis Bouan vient de remporter pour la deuxième année consécutive le Dark Dog Moto Tour au guidon de sa Buell XB12STT, nous avions rencontré Erik Buell, fondateur et patron de la marque, il y a quelques jours au Mondial du deux-roues. Interview.
Alors que Denis Bouan vient de remporter pour la deuxième année consécutive le Dark Dog Moto Tour au guidon de sa Buell XB12STT (lire notre Dossier spécial Dark Dog Tour 2007 et notre Essai Moto-Net.Com de la Buell XB12STT), nous avions rencontré Erik Buell, fondateur et patron de la marque, il y a quelques jours au Mondial du deux-roues.
Avec un accent américain à couper au couteau et un sourire illuminant constamment sa tronche 100% cow-boy, Erik Buell arpente son stand comme un kid qu'il a su rester. Difficile, dès lors, de mener une simple interview : c'est un passionné !
Erik Buell est un grand personnage de la moto contemporaine. Pour preuve, il fait partie du cercle fermé de l'US National Hall of Fame "en récompense à sa conception d'un design radical et innovant", rappellent consciencieusement ses équipes au bas de chaque communiqué de presse.
Pour autant, l'homme demeure disponible, que ce soit pour une interview avec Moto-Net.Com ou pour recenser les avis des visiteurs sur son stand au Mondial du deux-roues. Impossible, dès lors, de ne pas tomber sous le charme de cet américain de 57 ans, pilote, ingénieur, constructeur, visionnaire et surtout... terriblement bavard !
Car Erik Buell est avant tout un passionné - un possédé ? - qui transmet, même autour d'une table et l'espace d'un quart d'heure, une dose incroyable de sensations... buellesques ! Avec lui, pas le temps de s'ennuyer, de chercher ses mots ou même ses questions. Rencontre.
Moto-Net.Com : Bonjour Erik. Tout d'abord, pourrais-tu nous dire quel est aujourd'hui le statut de Buell par rapport à Harley-Davidson ?
Erik Buell : Well ! J'ai créé ma première "Buell" en 1983, c'était la RW750. La Buell Motorcycle Company en tant que telle est née en février 1994. À l'époque, Harley-Davidson possédait 49% de la société et ce n'est que quatre ans plus tard que HD est devenu l'actionnaire majoritaire. Ainsi je me concentre uniquement sur la conception de nouveaux modèles et je laisse le "sale boulot" à Harley, par exemple Harley Financement, Harley Services, etc. !
MNC : Quels sont tes liens personnels avec Harley ?
E.B. : C'est une longue histoire ! En fait j'ai été embauché par Harley en 1979, après avoir obtenu mon diplôme d'ingénieur à l'Université de Pittsburg. À l'époque, je courais en AMA Superbike sur Ducati 900SS et en Formula One sur Yamaha TZ750. Ma moto de tous les jours était une Suz GT750 : sympa, économique et fiable. En moins de quatre ans, j'ai été promu cinq fois ! Pour un jeune comme moi, c'était génial. J'ai notamment bossé sur le concept du V4 "Nova" dessiné par Porsche mais le châssis à l'époque n'était pas bon, il avait des soucis de stabilité. Puis j'ai travaillé sur les châssis de FXR et on m'a même demandé de bosser sur un projet de "trois roues", mais je n'y croyais pas : je suis un motard ! Et puis ce que je voulais faire, c'était une sportive, les Harley n'étaient pas trop mon style.
C'est quand j'ai vu des gars licenciés, partir en pleurs en débarrassant avec un petit carton leurs bureaux pleins de vieux souvenirs, que je me suis dit : "Je veux pas piquer la place d'un mec motivé et attaché à la marque comme çà". Du coup, je suis parti et je me suis concentré sur la fabrication de mes propres motos de course...
MNC : Comment a réagi Harley-Davidson lorsque tu as décidé de monter un moteur Rotax sur votre nouveau modèle ?
E.B. : Ca aussi, c'est une longue histoire... Pour faire court (difficile pour Erik Buell, NDLR), je souhaitais créer la 1125R depuis longtemps ! En 1988, Harley m'avait inclus dans le projet V-Rod. Le moteur était près, validé, mais les responsables n'y ont pas cru... Pourtant, le marché des moteurs à refroidissement par air tendait à diminuer et je voulais un moteur à refroidissement liquide pour ma moto. En 1995, le projet "Revolution" aurait pu être intéressant pour moi et je l'ai suivi de près. Malheureusement, le cahier des charges de Harley et le mien n'étaient pas les mêmes. Au fur et à mesure que le développement progressait, nos projets s'éloignaient l'un de l'autre et je n'ai pas pu en profiter.
Puis les années 2000 sont arrivées et je voulais toujours ce moteur à refroidissement liquide ! Mais Harley-Davidson avait déjà des tonnes de projets en route... Ils m'ont dit qu'ils ne pouvaient pas en amorcer de nouveaux d'ici à 6 à 7 ans... Du coup, les gars de Harley m'ont dit : "OK, puisqu'on ne peut pas, tu peux aller ailleurs pour le créer et le produire". Tout ça c'est passé en très bons termes. Je suis allé voir Rotax, à qui j'ai demandé un moteur bien précis : pas moins de 60° (comme le Mille Aprilia, NDLR) mais pas plus que 90° non plus pour que la moto ne soit pas trop longue et qu'il n'y ait pas trop de poids sur l'avant. Ils ont développé le moteur d'après mes idées !
MNC : Visiblement, vous sembliez apprécier le 2-temps. Pourquoi ne pas avoir installé un moteur de ce type que BRP Rotax développe pour faire une sportive définitivement à part ?
E.B. : Effectivement, ce serait plaisant ! Mais je pense que le marché actuel n'est pas prêt pour ce type de motorisation. C'est dommage... BRP Rotax possède de beaux engins comme les hors bords Johnson et Evinrude !
MNC : Y aura-t-il d'autres versions de la 1125 ?
E.B. : Il n'y a pas de projets. Enfin, rien que je puisse dire...
MNC : À qui s'adresse la 1125R ?
E.B. : Principalement à de nouveaux clients. Ce qui plaît chez Buell, c'est la maniabilité, la précision et la puissance. Malheureusement pour certains, cette puissance s'arrêtait trop tôt (il mime une belle courbe bien pleine qui tombe à pic relativement tôt, NDLR). Avec la 1125R on a plus, mais on conserve ce côté "sans mauvaise surprise", exploitable et fun !
MNC : Félicitations pour la victoire de la XB-RR en Pro Twin français !
E.B. : Yeah, thanks ! Je n'en reviens pas ! J'ai suivi toute la saison de chez moi grâce à Internet. Je n'en croyais pas mes yeux ! Je me souviens pour l'épreuve de Spa, je me disais : "Naaan, ils vont avoir trop de mal sur ce tracé"... (Il se cache les yeux d'une main et de l'autre fait mine de taper "Enter" sur un clavier)... Or ils ont gagnés ! Et remporté le challenge avant même la finale à Magny-Cours ! Formidable ! Tout ça grâce à deux concessionnaires (Harley-Davidson Buell Grenoble et Macadam Moto à Montpellier, NDLR), de vrais passionnés qui fournissent un travail incroyable !
MNC : Et aux USA, comment se défend Buell ?
E.B. : Aux États-Unis, ce n'est pas pareil ! J'ai l'impression que les Américains sont moins passionnés que vous. Ils veulent juste une moto qui marche, monter dessus pour gagner et en descendre sans y toucher. On dirait qu'ils sont moins bricoleurs dans l'âme que les Français. C'est dommage.
MNC : Prévois-tu de te lancer dans le Superbike, maintenant que les Twins peuvent cuber 1200cc ?
E.B. : Râââhhh... La 1125R en a le potentiel, j'en suis sûr ! Maintenant, c'est comme pour beaucoup de choses : il faut trouver le sponsor, l'argent... Mais en compé-client, la nouvelle Buell pourrait marcher, je pense...
MNC : Pourquoi ne pas équiper le team de Michael Jordan ?!
E.B. : Héhé pas bête ! Ses pilotes courent sur Suzuki tu sais... Ouais c'est vrai que ce serait une bonne association. Il faudrait lui demander !
MNC : Que penses-tu du travail de Lazareth présenté sur ton stand ?
E.B. : Elle est vraiment cool ! Elle fait très technologique (pas dans le sens "MotoGP" du terme) mais je l'aime comme ça. Je l'ai beaucoup observée et je me disais "Ouuuh, ça n'a pas dû être facile de faire ça". Mais elle est vraiment très belle, très réussie !
MNC : Penses-tu qu'elle serait commercialisable ?
E.B. : Dur à dire... Ca représente des heures et des heures de travail manuel. Le problème serait d'en construire suffisamment pour baisser le prix, mais produire "en masse" ce type de moto n'est pas évident...
MNC : Merci Erik et à bientôt !
E.B. : Yeaaaah ! Thanks !
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