Une moto c'est deux roues, un guidon et un moteur. La preuve, on a "toujours fait comme ça"... Avec sa roue supplémentaire à l'avant, le Yamaha Niken serait donc exclu de cette définition ?! MNC a voulu en avoir le coeur net en opposant la version GT de ce déroutant tripode à la Tracer 900 GT. Duel.
Vous connaissez l'effet "waouh", qui désigne la réaction de surprise admirative à la découverte d'un nouveau produit impactant. Dans le monde de la moto, cette expression prisée des services marketing est l'apanage des sportives latines, des roadsters "couillus" ou des néo-rétros particulièrement léchées.
La découverte "du" (oui, son appellation officielle est masculinisée) Niken GT provoque un autre type d'exclamation : "houla" ! Voire "houlala, quelle tronche !"... Son train avant massif laisse bouche bée car il est posé non pas sur une, mais sur deux roues ! Ses jantes de 15 pouces, inclinables, sont suspendues par une double fourche reliée à un parallélogramme (détails en page 2). Du jamais vu sur une moto !
Car, oui, Yamaha le considère comme tel : le Niken GT - nouvelle déclinaison aux prétentions routières renforcées par des sacoches semi-rigides de 25 litres, une bulle haute et une selle confort - prend place à côté de la Tracer 900 GT dans l'offre "Motos Sport Touring" du constructeur japonais, qui le décrit crânement comme "une routière sportive pour toute l'année".
Alors ? Z'ont abusé du saké, au siège d'Iwata ?! Pas si sûr, car la Tracer 900 GT et le Niken GT partagent plusieurs organes essentiels : moteur, boîte de vitesses - avec shifter simple effet d'origine -, freins radiaux et transmission par chaîne. Certaines commandes, les poignées chauffantes, le régulateur, l'antipatinage et les cartographies sélectionnables de série sont également identiques.
Autre point commun : les deux se conduisent avec le permis A (moto), à l'inverse des Piaggio MP3, Peugeot Métropolis, Can Am Spyder et autres Trike Harley-Davidson accessibles avec le permis B (voiture). Le Niken, c'est pour les motards ! Ce choix restrictif est dicté par le caractère volcanique de son 3-cylindres de 115 ch chipé à la MT-09. Manière aussi de bien le distinguer des scooters à 3-roues, comme son lointain cousin Tricity.
Confronter la Tracer 900 GT au Niken GT donne par conséquent la possibilité d'établir des comparaisons directes et de mesurer l'intérêt - ou pas - de cette roue supplémentaire. Et de répondre à une question qui taraude MNC depuis notre premier contact avec ce tricycle Yamaha : trois-roues valent-t-elles réellement mieux que deux ?!
Qu'elles fassent mieux, cela reste à prouver au cours de cet essai comparatif. Mais une chose est d'ores et déjà certaine : trois-roues valent considérablement plus chère que deux ! Le Niken GT s'affiche à 16 299 € contre 12 199 pour la Tracer 900 GT, soit 4100 euros d'écart. Sa technologie inédite se paye cash : logique dans un sens, abusé dans l'autre...
Surtout que certains aspects de finition sont indignes de ce prix élevé (l'équivalent d'une MT-09 et d'une MT-07 dans votre box) : l'intégration des gaines et des câbles électriques laisse à désirer autour du "3-pattes" de 847 cc, tout comme celle de la durit de remplissage du radiateur. Pas bien joli tout ça...
Le traitement brut de certains plastiques chagrine également, de même que les morceaux de scotch bleu et les colliers rilsan ici ou là... Enfin, les supports de valises enlaidissent considérablement l'arrière lorsqu'on démonte cette bagagerie insuffisamment vaste pour y loger un casque (constat hélas identique avec les valises rigides de 22 litres de la Tracer 900 GT).
La comparaison avec les élégantes - et pratiques - fixations intégrées de la Tracer 900 GT illustre toute la différence entre une version accessoirisée comme le Niken GT et un modèle à part entière comme sa rivale à deux-roues. Saluons toutefois l'aspect qualitatif de la selle à surpiqûre blanche du trois-roues, de ses platines évidées et ses superbes fixations de garde-boue avant en alu.
Cette selle, justement, écarte davantage les cuisses que sur la Tracer 900 GT : la faute à son encombrante architecture en Y ! L'assise a donc été abaissée pour ménager l'accessibilité : 820 mm sur le tricycle contre 850 mm sur la "motocyclette", par ailleurs relevable à 865 mm (non réglable sur le Niken). Dans le même but, les suspensions sont raccourcies à 110 et 125 mm (137 et 142 mm sur la Tracer GT).
Mais ça ne suffit pas : un pilote d'1,75 m ne pose pas parfaitement les deux pieds au sol sur le Niken GT, alors que c'est le cas sur la Tracer 900 GT. La moto - la "vraie" ! - profite de sa finesse sur sa partie avant mais dévoile au passage une selle ferme et légèrement en pente. Celle du tripode, large et épaisse, ménage douillettement le séant !
La position est sensiblement différente : la Tracer 900 GT offre une posture confortable, le buste à peine incliné sur son guidon droit et les pieds légèrement reculés. Sur le Niken GT, la position est encore plus relax : son guidon légèrement plus large (88 cm contre 85 selon les mesures MNC) est cintré vers l'arrière, tandis que ses repose-pieds sont à l'aplomb du buste.
Seul bémol ergonomique : lesdits repose-pieds sont assez hauts, limitant d'autant l'espace alloué aux jambes. Le repli engendré est frustrant pour un engin d'un tel gabarit, surtout sur de longues distances. Le confort y gagnerait s'ils étaient abaissés, au détriment néanmoins de la garde au sol. Et ce serait dommage, tant le Niken GT autorise de généreuses prises d'angle !
Yamaha annonce une inclinaison possible de "45 degrés" avec le Niken... MNC n'a pas sorti son rapporteur pour vérifier, bien trop occupé que nous étions à profiter de sa stupéfiante aisance à prendre de l'angle ! Le maniement intuitif de son train avant tranche radicalement avec les réactions plutôt pataudes des autres tricycles à moteur.
Le Niken GT est bluffant de fluidité lors de son inscription sur l'angle, très proche en termes de sensations avec la moto. Si, si, foi de MNC ! La résistance engendrée par sa roue supplémentaire est surtout perceptible à très faible allure, sans être véritablement gênante. Quelques mètres suffisent pour pratiquement l'oublier. Et ce d'autant plus vite qu'on ne distingue pas ses pneus de 120 mm !
Mais le véritable intérêt de cette troisième roue se manifeste sur routes bosselées et/ou humides, où ce troisième point de contact autorise des entrées en courbes sensiblement plus élevées qu'avec la Tracer 900 GT. Le Niken GT offre une sérénité totale, quelles que soient les conditions, à l'origine de négociations de courbes ultra-rapides. Supérieures à celles de la moto ? Oui. Du moins, sur bitume piégeux…
MNC en a fait le constat en prenant la route dès potron minet, alors que le soleil se levait à peine sur un bitume glacial et humide... Le Niken GT s'est joué de ces conditions avec une insolente désinvolture, offrant la possibilité de limer les repose-pieds malgré des températures négatives (jusqu'à -4°C au tableau de bord): impossible à réaliser avec la moto sans perdre immédiatement l'avant !
En forçant le trait, les limites finissent tout de même par se manifester : son adhérence très élevée finit par céder, occasionnant une dérive latérale des deux-roues avant. Le tripode élargit alors en ripant - sans brutalité -, avant de retrouver du grip pour reprendre sa trajectoire initiale. Gare toutefois à ne pas en abuser, au risque de partir dans le décor ou sur le côté opposé de la chaussée...
L'alerte est toutefois moins stressante que sur une moto à deux roues, qui tend à soudainement se coucher vers l'intérieur dès que l'adhérence manque à l'avant. Or tout le monde ne s'appelle pas Marc Marquez pour rattraper ce type de "low side" avec son coude ! Cet appui supplémentaire "antichute de l'avant", Yamaha le propose de série sur son Niken !
A l'arrivée de notre trajet matinal de 220 km, avalés d'une traite pour rejoindre la Tracer 900 GT, MNC établit deux autres constats positifs à propos du Niken GT : son moteur commun à la famille MT-09 le tracte avec beaucoup d'entrain, offrant un délicieux mélange d'onctuosité et de - fort - caractère. Enfin, son confort général préserve agréablement des rigueurs de ces conditions hivernales.
Bien installé sur sa selle épaisse, les mains au chaud sur les poignées chauffantes, le pilote est convenablement abrité derrière sa bulle fixe. Son enveloppante partie avant et ses fourches protègent quant à elles efficacement les pieds et les tibias. Sur la Tracer 900 GT, les membres inférieurs sont totalement exposés !
La Tracer se rattrappe avec ses pare-mains qui garantissent avec les poignées chauffantes un confort impérial en toutes circonstances. Sa bulle réglable offre par ailleurs davantage de polyvalence que celle - fixe - du Niken GT. Sa protection est cependant similaire en position haute : le buste, les épaules et une grande partie du casque sont abrités de manière similaire sur les deux engins.
Dommage que le rembourrage de la selle de la Tracer 900 GT ne soit pas plus épais et que les motoristes Yamaha n'aient pas mieux canalisé les vibrations du trois-cylindres : sur la moto comme sur le tricycle, des grésillements se font sentir dans la selle, le guidon et les repose-pieds entre 4000 et 5500 tr/mn, soit entre 100 et 130 km/h (les deux tournent exactement au même régime).
Sur bitume lisse et sec, la Tracer 900 GT prend cette fois l'ascendant sur le Niken GT : son pilote peut désormais l'incliner sans retenue et profiter de son agilité supérieure. La moto, forte de ses 40 kg de moins (227 kg contre 267), s'incline d'une simple pression sur le repose-pied, là où le tripode sollicite essentiellement les bras.
Cette différence se fait vite ressentir musculairement parlant dans les portions très sinueuses ! L'inertie exercée par la roue supplémentaire se ressent aussi à haute vitesse, où le Niken GT devient un rien chahuteur : sa stabilité, impériale à basse et moyenne vitesses, est remise en cause dans les courbes ultra-rapides.
La moindre action sur le guidon entraîne alors des réactions parfois exacerbées : la rançon sans doute de sa vivacité à faible allure. La Tracer 900 GT continue alors à s'échapper, malgré une cohésion de suspensions perfectible : c'est une moto extrêmement sensible aux réglables d'amortissement, comme MNC l'avait déjà relevé lors de notre duel face à la Suzuki V-Strom 1000.
La Tracer 900 GT tire également profit de son tonus supplémentaire à l'accélération pour maintenir son avantage. Les deux moteurs délivrant exactement les mêmes performances (115 ch et 87,5 Nm), l'avantage va en toute logique à la Tracer 900 GT : la moto - plus réactive - colle quelques mètres au tricycle à chaque relance, surtout à bas régimes. Et plus l'accélération dure, plus l'écart s'accroît...
Reste que la moto à trois-roues est moins à la traîne que prévu ! Il est même possible de rattraper tout ou partie du retard pris en entrée de courbes, particulièrement au freinage : sa troisième roue confère au Niken GT des possibilités de ralentissement supérieures à celles de la Tracer 900 GT, malgré un mordant en retrait. Logique, puisque l'adhérence à l'avant est multipliée par deux !
L'exercice se révèle cependant fatiguant, surtout sur des itinéraires tortueux : les épaules chauffent et le corps fatigue, suggérant au pilote du tripode de rendre la main... Sur la Tracer 900 GT, les enfilades sont négociées tambour battant jusqu'à plus soif avec, l'honneur est sauf, une touche de "fun" et de possibilités d'improvisation supérieures !
Le Niken GT est une excellente surprise pour MNC : le tripode Yamaha est de très loin le meilleur trois-roues testé par le Journal moto du Net en 20 ans d'essais ! Son train avant possède le naturel qui fait défaut aux MP3, sans manifester de résistance comme celui d'un Quadro ou - dans un autre registre - de cet aspect "collant" propre au Can-Am Spyder.
Son comportement dynamique s'avère extrêmement ludique, tout en procurant un supplément d'adhérence et de stabilité sécurisant par rapport à la Tracer GT. Pari réussi donc pour Yamaha, qui est effectivement parvenu à reproduire en partie les sensations d'une moto… avec une roue supplémentaire !
Ce bilan flatteur doit aussi beaucoup aux qualités de son moteur, à peine retouché par rapport aux MT-09 / Tracer (injection retravaillée et vilebrequin alourdi). Le CP3 fait, une fois encore, carton plein : souple, plein et vigoureux à tous les régimes, ce "3-pattes" développe une énergie truculente et un sourd feulement très agréable !
Certes, les 40 kg supplémentaires du Niken GT lui coupent un peu la chique sous 4000 tr/mn, mais sans jamais étouffer sa joie de vivre communicative. C'est un moteur alerte, vivant et "râpeux" dans les mi-régimes, qui reste pourtant capable d'une docilité à toute épreuve en bas du compte-tours.
Un bloc performant mais pas débordant : son explosivité est parfaitement canalisable - oui, sacré tour de force ! -, malgré une injection tatillonne sur la moto comme sur le tricycle. Au vu de son répondant, le choix de Yamaha de limiter l'accès du Niken aux motards apparaît sensé !
En définitive cependant, MNC accorde la victoire à la Tracer 900 GT pour son rapport "qualité-équipements-prix" imbattable. La moto est de surcroît plus ludique, moins fatigante et plus efficace en deuxième partie de virage. Sur routes bien revêtues, la routière Yamaha imprime une cadence physiquement intenable pour le trois-roues. Ouf ?!
Grâce à son débattement de suspensions supérieur, la Tracer 900 GT jouit par ailleurs d'une meilleure progressivité d'amortissement : le Niken GT, aux réactions plus sèches, secoue davantage quand le revêtement se fripe, même si sa selle moelleuse gomme heureusement en grande partie ce phénomène.
Le 3-roues peut également se prévaloir d'une rigueur de suspensions qui fait quelque peu défaut à la moto, un peu mollassone sur l'arrière. Cette qualité s'associe avec sa troisième roue pour lui donner l'ascendant sur mauvais revêtement, en toute confiance. Yamaha peut se vanter d'avoir deux excellentes propositions routières sportives à deux ou trois roues : aucun autre constructeur ne peut en dire autant !
Laquelle choisir ? MNC opterait pour la moto comme véhicule principal et s'offrirait le Niken GT comme deuxième moto pour les virées hivernales sur réseau secondaire défraîchi. Problème : le budget atteint alors les 28 500 euros ! Énorme ?! Oui et non : c'est le prix de certaines motos routières haut de gamme de type Goldwing, K1600 GTL ou même R1250RT "full optionnée"...
Le Niken constitue également une alternative crédible pour certains motards suffisamment refroidis par une belle frayeur à deux roues pour songer à raccrocher les gants. L'adhérence supplémentaire prodiguée par le trois-roues est une solution à considérer attentivement, car finalement pas incompatible avec le plaisir de tenir un guidon. Et n'est-ce pas là l'essentiel ?
.
.
CONDITIONS ET PARCOURS | ||
| ||
POINTS FORTS NIKEN GT | ||
| ||
POINTS FAIBLES NIKEN GT | ||
| ||
POINTS FORTS TRACER 900 GT | ||
| ||
POINTS FAIBLES TRACER 900 GT | ||
| ||
Commentaires
Ajouter un commentaire
Identifiez-vous pour publier un commentaire.