La Kawasaki Z1000SX est une excellente moto sport-GT, rendue plus polyvalente encore en 2017 avec d'intéressantes évolutions. Mais son électronique de pointe et son confort retravaillé suffisent-ils face à la très complète Yamaha Tracer 900 et son salivant rapport prestations/prix ? Duel MNC aux normes Euro4.
Les premiers tours de roue avec ces deux roadsters semi-carénés hyper-polyvalents se font dans une ambiance polaire : les thermomètres de la Z1000SX et de la Tracer 900 descendent jusqu'à -5°C et les rafales de vent renforcent encore la sensation de froid... Ça pique, surtout en l'absence de poignées chauffantes de série. Et le réchauffement climatique, alors ?!
La meilleure protection de la Yamaha et ses protège-mains font dans ces conditions chaud au coeur, et au reste aussi ! Si l'aspect "Goldorak" de ses pare-mains divise - tout comme la silhouette générale de la moto -, leur agrément rallie tous les suffrages. En ville, gare toutefois à bien intégrer leur important encombrement... Toujours est-il que le buste, les épaules et une grande partie du casque sont correctement abrités derrière sa bulle, surprenante d'efficacité au regard de son format.
La satisfaction est loin d'être similaire sur la Z1000SX, toujours assez moyenne sur ce point malgré le nouveau dessin de sa bulle et ses millimètres supplémentaires. L'entêtement de Kawasaki à conserver un trop court pare-brise inclinable se paie ici douloureusement à cause du froid ! Certes, passer de la position haute à basse est plus simple grâce à ce système. Et la bulle conserve ainsi un aspect sportif autrement plus sexy que le look "pelle à tarte" de la Tracer 900.
Mais la déflexion en pâtît, avec des remous sensibles sur le haut du buste et toute la moitié supérieure du casque. Même insuffisance au niveau des épaules, copieusement "ventilées". On se console - un peu - avec la meilleure protection des membres inférieurs qu'assurent ses élégants carénages, surtout au niveau des tibias. La Tracer 900 fait moins bien, mais de peu car l'étroitesse de son réservoir de 18 l autorise une excellente intégration des jambes.
Grâce à ce dessin réussi et à sa compacité générale, les genoux et les cuisses font davantage "corps" sur la Yamaha. Cette caractéristique valorise la déflexion générée par ses courts carénages, en plus d'améliorer le maintien en selle. Très large sur sa partie haute, le bidon de 19 l de la Z1000SX écarte nettement les genoux. La Kawasaki ménage toutefois une meilleure accessibilité grâce à sa hauteur de selle moindre (non réglable à 815 mm, contre 845 mm sur la Tracer en position basse).
D'une manière générale, les volumes plus généreux de la Z1000SX trahissent ses 196cc et son cylindre supplémentaires (4-en ligne Vs 3-en ligne). A cette différence d’architecture s'ajoute aussi un écart de génération mécanique, puisque le "CP3" Yamaha profite d'une conception très récente alors les origines du 4-pattes remontent à feu la ZX-9R, boosté avec des pièces des dernières ZX-10R.
Tout ceci explique le considérable écart de poids entre les deux motos : 235 kg contre 210 kg tous pleins faits. Autre différence notable : l’ergonomie sport-GT de la "Zed" SX. Agréable à moyenne et vive allure, elle engendre son lot d'appuis à basse vitesse, malgré une inclinaison du buste et un recul des repose-pieds finement calculés pour éviter les excès. Loin d’être aussi exigeante que sur une sportive, cette position est à mi-chemin entre roadster et routière. Soit exactement la credo de la Z1000SX !
Sur la Yamaha, le buste est droit et les bras sont tendus autour du très large guidon (910 mm mesurés Vs 780 sur la SX !), position évoquant le genre trail avec lequel flirte la Tracer 900. Cette ergonomie détendue associée à son poids plume font que la Yam' virevolte littéralement dans les bouchons et les virolos, impeccablement servie par une direction agile et franche. La moto est vive sans être vicieuse : un compromis très plaisant, propice à l'improvisation et à une conduite enjouée !
A cause de son ergonomie et de ses 25 kg supplémentaires, la Kawasaki exige plus de sérieux et d'énergie. D'autant qu'il faut aussi composer avec son train avant tombant sous 30 km/h, phénomène imputable à ses masses plus portées sur l'avant mais aussi à son pneu arrière aux dimensions Superbike : 190/50/17 contre 180/55/17 sur la Tracer 900. Plus chic, mais aussi plus cher à remplacer…
Pénalisante dans les courbes serrés, cette tendance à engager la dessert aussi à faible allure et moteur coupé. Quand faire demi-tour en 5,48 m (mesurés) est d'une simplicité enfantine sur la Yamaha, réaliser la même chose sur la Kawasaki en 5,80 m demande une "maturité" supplémentaire. Et des muscles aussi, rapport à son relatif embonpoint !
C'est l'atout maître de la Z1000SX et de la Tracer 900 : leur moteur à la fois performant et sensationnel, parfaitement adapté au programme Sport-touring. Souples, le 4-cylindres d'Akashi et le 3-pattes d'Iwata ont une disponibilité digne d'un banquier suisse face à un ministre du budget français. L'un comme l'autre acceptent d'évoluer au ralenti sur le dernier rapport, sans faiblesse ni hoquet.
Le bloc repris à la Z1000 mène cependant l'opération avec un agrément supérieur à celui chipé à la MT-09. Et surtout, ces relances à très bas régimes ont davantage de vigueur : la Kawasaki reprend rondement dès 1250 tr/mn à 30 km/h en 6ème, quand la Yamaha demande 1750 tr/mn, soit 40 km/h. En cela, la Z1000SX évoque les anciennes générations de "4-pattes", hyper pleins et consistants mais avec plus d'inertie que les moteurs modernes.
A 90 km/h en sixième, les incrémentations moyennement visibles de la Tracer 900 se stabilisent à 3500 tr/mn, tandis que l'aiguille de la Kawasaki indique lisiblement 3750 tr/mn. C'est hélas pile le régime auquel le 4-cylindres commence à vibrer, malgré l’installation d’un arbre d’équilibrage pour 2017... La Yamaha est de son côté exempte de vibrations gênantes.
Les grésillements caractéristiques de la Z1000SX, certes moins prononcés qu'auparavant, sont encore - trop - présents. D’autant qu’ils interviennent dès les mi-régimes, donc dans la plage d'exploitation en solo et surtout en duo. La Verte se rattrape avec un levier d'embrayage - réglable - d'une douceur exquise, quand celui de la Tracer 900 se montre plus ferme. Dommage aussi qu'il ne soit pas ajustable en écartement car il est un poil éloigné...
La Kawasaki prend aussi l’ascendant en termes de transmission primaire grâce à sa sélection rapide et silencieuse. Identique à celle la MT-09, la sélection de la Tracer 900 offre le même fonctionnement, un peu rêche. La "Zed SX" perd toutefois quelques points au niveau de sa transmission finale, pas totalement transparente malgré la chaine. La Yamaha fait mieux en la matière. Les deux offrent une injection précise et agréable hormis en mode A sur la Tracer 900, assez brutal.
Précisons une nouvelle fois que la cartographie développée spécifiquement pour la Tracer 900 lui confère un agrément et une progressivité qui font quelque peu défaut au roadster dont elle dérive. MNC n'aurait rien contre le fait de retrouver ce mapping sur la MT-09, toujours perfectible sur ce point même dans sa dernière version ! A bons entendeurs, du côté d'Iwata !
A ce stade, la distribution de bons points récompensant leurs capacités dynamiques frôle l'égalité entre la Tracer 900 et la Z1000SX. C'est à ce moment que la Verte abat ses meilleures cartes : d'une part, le souffle exceptionnel de son moteur, supérieur à celui d'Iwata. Le "CP3" a beau avoir beaucoup moins de kilos à tracter, rien n'y fait : si la Tracer 900 et la Z1000SX font jeu égal jusqu'à 3000 tr/mn, la "Zed" accélère ensuite beaucoup plus fort.
Porté par sa sonorité rauque très expressive, le moteur d'Akashi entérine son avantage dans les tours, forte de sa cylindrée et de ses 27 ch supplémentaires (142 ch contre 115). Reste que les relances de la Tracer 900 sont saisissantes de vitalité, surtout à mi-régimes. Et sa bande-son caverneuse alliée à sa réactivité décuplent les sensations ! Mais sa poussée se tasse dans les dernières graduations du compte-tours, quand celle de sa rivale s'y muscle encore.
"Zeu", "Zet" et match sur un plan mécanique pour la Z1000SX qui conforte sa réputation de moto au moteur à multiples facettes, capable d'alterner douces caresses et bourrades torrides avec un naturel confondant ! Amateurs de 4-cylindres performants et pourvoyeurs de sensations, c'est toujours chez Kawa' que ça se passe !
Brillante à l'accélération, la Zak' l'est aussi au freinage : mordants mais dosables, ses étriers monoblocs font les "freins", justement, au dispositif radial de Yamaha. Si sa puissance fait jeu égal avec la Z1000SX, le levier droit de la Tracer 900 manque de consistance sur son premier tiers. La progressivité et la précision en pâtissent, surtout à rythme élevé, comme sur la MT-09.
La Z1000SX poursuit sa convaincante démonstration avec une qualité de suspensions un cran au-dessus, surtout au niveau de sa fourche inversée. Bien tenue en hydraulique, celle-ci offre une combinaison réussie entre absorption des chocs et maintien, y compris sur les forts freinages. Dans ces conditions, la fourche Tracer 900 tend à s'avachir sur son important débattement.
Même constat à l'arrière : la Yamaha n'est pas aussi rigoureuse à haut rythme, laissant échapper de légers mouvements causés par des transferts d'assiette pas toujours maîtrisés. La Kawasaki offre au contraire une stabilité royale, capable de se jouer de passages en courbes à Mach 12. Revers de la médaille : son amortissement manque d'un zest de sensibilité en début de course, à l'origine de réactions plus sèches dans les parties bosselées.
Moins rigoureuse, certes, la Tracer 900 profite de sa relative souplesse de suspensions pour mieux digérer l'obstacle. Quand la Z1000SX commence à tressauter, la Tracer 900 passe sans ralentir sur les bosses, tout en ménageant un meilleur traitement à son pilote. Et comme la selle de la Kawasaki n'est finalement pas plus confortable au long cours que celle de la Yamaha - pourtant plus ferme de prime abord -, la Tracer 900 remporte la mise sur parcours mixte.
De mémoire de MNC, rarement un duel s'est montré aussi serré entre deux motos : la Tracer 900 comme la Z1000SX sont toutes deux pétries de qualités, à commencer par un moteur sensationnel, au sens propre du terme. Les départager n'en est que plus difficile, tant ce facteur s'avère subjectif : certains seront sensibles au surcroît de peps du 4-pattes quand d'autres ne jureront que par la rondeur bourrée de punch du 3-cylindres.
Dans les deux cas, le grand écart réalisé entre coffre en bas et tempérament dans les tours est tout bonnement incroyable, avec malgré tout un avantage assez net de performances pour la Z1000SX. Quelle réussite ce bloc de "Zed", quand bien même ses 196cc et ses 27 supplémentaires le favorisent "mécaniquement" ! Dommage que ses vibrations gâchent le plaisir, surtout au contact de son réservoir au dessin perfectible (trop gros sur sa partie supérieure)…
La Z1000 en robe de routière profite aussi d'un meilleur freinage et de suspensions de qualité supérieure, qui restent toutefois un peu sèches sur le bosselé. A peine moins rapide sur du billard, la MT-09 carénée tolère mieux les aléas du bitume. Et dans le sinueux, son agilité record fait merveille : sa mise sur l'angle incisive donne parfois l'impression d'être aux commandes d'un Supermotard sur-vitaminé, sensation renforcée par son guidon très large !
Mais surtout, comme décrit en page 1, la Tracer 900 marque des points capitaux grâce à sa dotation de série irréprochabe au regard de son tarif. Dépourvue de nombre de ses équipements si pratiques (comparez en page 3), la Z1000SX fait pâle figure, surtout quand on intègre ses 3100 € supplémentaires dans l'équation… A trop vouloir se comparer à des motos dites "Premium" (type BMW R1200RS), Kawasaki en oublie l'essentiel comme une prise 12V, une béquille centrale et une "vraie" bulle ! Yamaha ne commet pas cette erreur.
L'électronique sophistiquée de la Z1000SX ne suffit pas, non plus, à justifier un tel écart de prix : certes son IMU (centrale à inertie) accroit la réactivité et la finesse de l'ABS et de l'anti-patinage, plus transparents que les dispositifs Yamaha. Mais ce paramètre est quasiment imperceptible : c'est quand elles sont poussées comme des motos sportives que des différences apparaissent, avec notamment une régulation plus castratrice sur la Tracer 900 en cas de perte de motricité.
Insuffisant pour renverser l'issue de ce match clairement en faveur de cette insolente Tracer 900, forte de son compromis pertinent entre dynamisme et polyvalence. On comprend mieux pourquoi elle se vend comme des petits pains… et on se prend à rêver d'une Tracer 900 "R" montée en Öhlins (partenaire suspensions historique de Yamaha), encore plus rigoureuse et confortable !
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CONDITIONS ET PARCOURS | ||
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POINTS FORTS TRACER 900 | ||
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POINTS FAIBLES TRACER 900 | ||
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POINTS FORTS Z1000SX | ||
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POINTS FAIBLES Z1000SX | ||
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