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INTERVIEW EXCLUSIVE
Paris, le 7 mars 2003

Rémy Heitz, nouveau délégué interministériel à la sécurité routière

Rémy Heitz, nouveau délégué interministériel à la sécurité routière

Rémy Heitz a pris lundi ses nouvelles fonctions de délégué interministériel à la sécurité routière et de directeur de la sécurité et de la circulation routières au ministère français des Transports, en remplacement d'Isabelle Massin. Interview exclusive.

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A 40 ans, Rémy Heitz, magistrat de profession, a exercé successivement les fonctions de substitut au tribunal de grande instance de Pontoise, chef de bureau de la justice pénale et des libertés individuelles au ministère de la Justice, puis procureur au tribunal de grande instance de Saint-Malo. Vice-procureur au tribunal de grande instance de Paris depuis septembre 2001, il intègre en 2002 le cabinet du premier ministre à la faveur du changement de majorité, puis est nommé délégué interministériel à la sécurité routière et directeur de la sécurité et de la circulation routières (DSCR) en remplacement d'Isabelle Massin. Interview exclusive, 5 jours après son entrée en fonction.

Moto-Net : Rémy Heitz, vous êtes magistrat, vous avez été conseiller de Jean-Pierre Raffarin à Matignon, quelles sont les motivations qui vous ont poussé à accepter ce poste de délégué interministériel à la sécurité routière ?
Rémy Heitz : La sécurité routière m'a toujours intéressé. J'ai pu l'aborder dans mes différents postes sur le terrain et à la Chancellerie, puis à Matignon où j'ai travaillé à la préparation du comité interministériel du 18 décembre dernier. La mission que m'a proposée le premier ministre est passionnante et je n'ai pas hésité à l'accepter, surtout au moment où l'on constate une vraie prise de conscience collective sur ce sujet.

Rémy Heitz, nouveau délégué interministériel à la sécurité routière, répond en exclusivité aux questions de Moto-Net.ComMoto-Net : L'Assemblée nationale s'apprête à examiner le projet de loi gouvernemental qui prévoit notamment la multiplication des contrôles et l'automatisation des sanctions. Pourquoi un texte aussi répressif ?
Rémy Heitz : Vous savez, ce projet de loi est beaucoup plus large que ce qu'on a pu en dire jusqu'à présent. Il est vrai que nous avons mis l'accent sur la répression des comportements dangereux, car notre objectif est de protéger le mieux possible la vie humaine. Cela passe notamment par l'aggravation des sanctions en cas d'homicide ou de blessures involontaires. Le conducteur doit savoir qu'il doit respecter absolument la vitesse et qu'il n'a aucune excuse pour s'exonérer de cette obligation. Ce texte nous donne les moyens juridiques de mettre en place un dispositif technique qui permettra de faciliter et de multiplier le nombre de contrôles. L'idée est bien de faire reculer l'impunité sur la route. Il faut vraiment que les comportements changent et le but de l'automatisation des contrôles et des sanctions est de faire en sorte que lorsqu'on emprunte un axe routier, on soit responsable. C'est, comme l'a dit le premier ministre, la fin du "pas vu pas pris". Certains reprochent à ce texte d'être trop répressif mais il comporte aussi plusieurs innovations en matière de formation et de prévention. L'instauration du permis probatoire, par exemple, permettra un apprentissage progressif de la conduite car les jeunes conducteurs ne se verront attribuer leur capital de 12 points qu'après 3 ans sans infraction. Nous mettons aussi en place des peines complémentaires, comme la possibilité de faire un stage de formation à la sécurité routière qui est maintenant prévue noir sur blanc dans le code pénal. Les juges peuvent donc condamner quelqu'un à suivre un stage de formation à la sécurité routière. C'est un dispositif intéressant dont on a très peu parlé !

Moto-Net : A trop stigmatiser la vitesse, ne risquez-vous pas d'ignorer d'autres facteurs de danger sur la route ?
Rémy Heitz : Il y a en effet d'autres causes que la vitesse. Il y a notamment dans le projet de loi une disposition très importante sur le traitement des obstacles latéraux : les arbres, les poteaux, les installations, etc. Le texte prévoit que le gestionnaire du domaine public peut demander au propriétaire de ces obstacles, un opérateur privé par exemple, de les déplacer. Les modalités de ce texte devront être précisées par décret en Conseil d'Etat, mais il y a une volonté très forte de lutter contre ces obstacles latéraux. Et vraiment, je vous le dis sincèrement, ce ne sont pas des mots : les trois composantes de la sécurité routière seront prises en compte de façon égale par ce gouvernement : le comportement du conducteur, l'état du véhicule (contrôle technique) et l'état de la route (infrastructures dangereuses).

Moto-Net : Y compris les glissières de sécurité ?
Rémy Heitz : Je sais que c'est un sujet important pour les motards et nous y travaillons. Car si l'Etat demande aux motards de faire des efforts, notamment sur le respect de la vitesse, il est normal qu'en échange il en fasse aussi de son côté. En tout cas ce que je peux vous dire, c'est que la DSCR ne sera pas touchée par les restrictions budgétaires !

Moto-Net : Comment appréhendez-vous les manifestations de motards qui auront lieu les 15 et 16 mars dans toute la France ?
Rémy Heitz : Avant de répondre à la FFMC il faudrait que je connaisse mieux leurs revendications. C'est dans mes objectifs mais ce n'est pas encore le cas aujourd'hui. Je vous rappelle que je suis entré en fonction il y a seulement cinq jours et que vous êtes le premier journaliste que je reçois !

Moto-Net : L'automatisation des contrôles et des sanctions et l'impossibilité de recourir à un juge avant de payer ne sont-elles pas contraires à la Convention européenne des droits de l'homme ?
Rémy Heitz : Non, dans le dispositif l'accès au juge est toujours prévu. Simplement, il est conditionné au paiement d'une consignation. Le principe c'est que quand vous êtes propriétaire d'un véhicule, que vous êtes titulaire d'une carte grise, que vous avez les moyens d'assurer ce véhicule, que vous empruntez une voie ouverte à la circulation et que vous commettez une infraction, eh bien oui, vous prenez le risque, si vous êtes verbalisé, de devoir acquitter le paiement d'une consignation avant de pouvoir contester. Le but est de ne pas ouvrir la voie aux recours abusifs. On met en place un système automatisé. Or il est certain que si tous les contrevenants ont la possibilité, par une simple lettre, de contester devant le juge, notre système judiciaire - qui souffre déjà d'un important manque de moyens - sera asphyxié et notre objectif ne serait pas atteint. On a donc posé ce principe de la consignation obligatoire à laquelle on ne peut pas échapper, même sous prétexte d'un manque de moyens financiers. C'est pour cette raison que certains ont dit que c'était contraire à la Convention européenne des droits de l'homme. La question de savoir s'il est vraiment anormal et choquant d'exiger cette consignation devra être débattue à l'Assemblée nationale et au Sénat. Mais le choix du gouvernement est clair et nous considérons qu'il fallait prévoir ce dispositif.

Moto-Net : Si vous aviez une baguette magique, quels seraient vos choix en matière de sécurité routière ?
Rémy Heitz : Vous savez, la sécurité routière est une action qui se mène au quotidien et à long terme et elle ne se résout pas avec une baguette magique... Les chiffres sont difficiles à analyser et il ne faut pas tenter le diable en prenant des engagements qui seraient difficiles à tenir. Vraiment, si j'avais une baguette magique, j'aimerais faire en sorte que dans un nombre raisonnable d'années, notre pays se positionne mieux en termes de sécurité sur la route par rapport à ses voisins européens.

Moto-Net : A propos de chiffres, que pensez-vous du rapport Miquel qui dénonce une très grande imprécision des statistiques ?
Rémy Heitz : Je n'ai pas encore pris connaissance de ce rapport, mais il y a toujours 1001 raisons pour considérer que les chiffres ne sont pas exacts ou pour dénoncer une autre cause que celle qui nous concerne au premier chef individuellement : si j'ai un accident c'est parce que la route n'est pas bonne, ou si la route est bonne c'est parce que le véhicule n'est pas fiable, etc. Mais pour s'attaquer à la fièvre, il ne suffit pas de casser le thermomètre ! La réponse est en fait beaucoup plus complexe. Dans le triangle "route, véhicule, conducteur", il y a toujours des interactions nombreuses et compliquées mais le rôle du conducteur est prédominant. De son côté, l'Etat ne s'exonérera pas de sa responsabilité en matière de statistiques, d'équipement ou de contrôle des véhicules. Les industriels et les constructeurs ont aussi un rôle important à jouer. C'est vraiment une affaire collective, dans laquelle chacun doit prendre sa part et ne pas esquiver sa responsabilité. Parce que sinon, vous ne faites rien ! Certes, on peut comparer le nombre de morts sur la route avec ceux liés aux accidents domestiques. On peut aussi ne rien faire et baisser les bras, mais ce n'est pas mon état d'esprit !

Moto-Net : Le CNSR instauré en 2001 par Jean-Claude Gayssot, qui devait être une institution clé en matière de sécurité routière, est-il mort et enterré ?
Rémy Heitz : Non, il est simplement un peu en sommeil actuellement mais l'objectif du gouvernement est de le faire revivre très prochainement. Le Conseil national de sécurité routière a un rôle fondamental à jouer en termes d'orientation stratégique et d'aiguillon de la politique gouvernementale.

Moto-Net : Etes-vous motard ?
Rémy Heitz : Non mais j'apprécie énormément la place de passager, notamment pour circuler dans Paris.

Moto-Net : Si l'on considère que les deux-roues motorisés sont un bon moyen pour fluidifier le trafic dans les grandes villes, ne faudrait-il pas leur faciliter la vie plutôt que de les réprimer lorsqu'ils empruntent les voies de bus ou stationnent sur les trottoirs ?
Rémy Heitz : Je compte rencontrer très prochainement le maire de Paris, Bertrand Delanoë, pour en discuter. Pour finir, me permettez-vous à mon tour de vous poser une question ? J'aimerais savoir si le signe du pied que font les motards lorsqu'ils doublent une voiture est bien un signe de remerciement ?

Moto-Net : oui...
Rémy Heitz : C'est bien ce qui me semblait ! Mais l'autre jour à l'Assemblée nationale, un député a interpellé le ministre des transports en lui expliquant que les motards passaient leur temps à faire des bras d'honneur avec les pieds !

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