Pour revenir sur le devant de la scène roadster, Yamaha se recentre sur les fondamentaux de la catégorie avec une nouvelle moto légère et nerveuse, la MT-09. MNC lui oppose la brillante Triumph Street Triple et le best-seller Kawasaki Z800... Comparatif !
La Z800 e version tire son épingle du jeu grâce à une injection parfaitement maîtrisée, doublée d'un ensemble "embrayage-boîte" le plus précis et le plus plaisant à utiliser des trois. La Triumph fait jeu égal en termes d'onctuosité et de précision au niveau de la liaison entre l'accélérateur et la roue arrière, mais perd quelques longueurs sur le plan de la sélection, plus sèche que sur la Kawa.
Concernant la Yamaha, le bilan est nettement moins élogieux sur ces points précis : passe encore la boîte un poil rêche et bruyante à froid - les "Yamahistes" y sont habitués - et la progressivité passable de l'embrayage, mais impossible de fermer les yeux sur les à-coups d'injection engendrés par l'accélérateur électronique ride-by-wire.
Même après plusieurs centaines de kilomètres passés à son guidon, les réactions brutales de la MT-09 à la reprise du filet de gaz restent difficiles à cerner, alors de là à s'en accommoder... L'électronique qui gère l'ouverture des papillons d'admission manque cruellement de progressivité et de transparence, rendant parfois chaotique une simple déambulation à très bas régimes.
Le phénomène est plus ou moins accentué en fonction du mode de conduite engagé : la cartographie "Standard" nous semble au final la plus indiquée, la "B" plus castratrice étant réservée aux conditions difficiles (pluie, routes piégeuses). Quant au mode "A", avec lequel la réponse moteur est la plus immédiate, on peut ironiser en résumant "avec un "A", comme Aprilia", en référence aux catastrophiques premières versions des ride-by-wire du blason de Noale (lire notamment notre Essai de la Shiver 2007) !
Ce manque de mise au point ne parvient pourtant pas à éclipser le fabuleux potentiel du nouveau trois-cylindres développé par Yamaha : hyper souple et disponible, il offre une consistance enthousiasmante dès les plus bas régimes. Peu importe le rapport engagé ou le nombre de tours-minutes affichés au tableau de bord : vissez la poignée droite et la MT-09 vous catapulte immédiatement et sans temps mort en avant, laissant derrière elle la Street Triple et la Z800 e version.
Pénalisée par son déficit de cylindrée (675 cc contre 847), le vigoureux 3-pattes anglais s'incline sans véritable surprise à bas et mi-régimes. Plus vif, il parvient néanmoins à garder la Yamaha en ligne de mire grâce à son allonge et son explosivité dans les tours. En la cravachant - ce qu'elle incite à faire ! -, il est même possible d'éviter que la grosse dizaine de mètres concédée par la Street Triple à l'accél' se multiplie par dix avant le virage suivant !
A condition toutefois que le pilote de la MT-09 n'adopte pas le même type de conduite énervée ! Car même si son accélération est plus linéaire et tend à se tasser légèrement dans les hauts régimes (bridage oblige), le "3-pattes" nippon pousse l'enfer : en seconde à partir 6000 tr/mn, une franche rotation de l'accélérateur propulse irrésistiblement la roue avant dans les airs, sans même recourir à l'embrayage ! Une fois n'est pas coutume, MNC s'est laissé griser...
Reléguée bonne dernière derrière ces deux furies, la Z800 e version exige d'être maintenue dans les tours pour rester au contact : malgré sa belle plage d'utilisation et sa transmission finale très courte, le 4-cylindres Kawasaki n'a pas autant de répondant. Un déficit "structurel" encore plus flagrant sur cette déclinaison "A2", qui rend 18 ch à la Z800 "tout court" mais aussi 7 Nm de couple (83 contre 76 Nm). Enfin, les 40 kg supplémentaires qu'elle doit tracter par rapport aux deux "triples" ne favorisent pas son dynamisme.
Que ce soit à l'accélération ou en courbes, cette surcharge pondérale pèse très lourd face aux deux "gazelles" aux jambes fuselées qui s'expliquent loin devant... En mode "arsouille", la Kawa tend ainsi à écarter vers l'extérieur des courbes, un phénomène qui s'aggrave sur le bosselé en raison d'un accord de suspension moins efficace.
Plus remuante de l'arrière que la Z800 "tout court", la e version s'avère aussi moins bonne freineuse : ses étriers deux pistons font le boulot correctement, mais sans égaler le mordant et la puissance de ses deux concurrentes.
Malgré ses "simples" étriers à fixation axiale, la Street Triple prend l'ascendant sur les systèmes à montage radial de la MT-09, qui n'offrent ni la même sensibilité ni autant précision en début de course. Reste que le mordant instantané du frein avant de la Triumph demande du doigté en cas d'imprévu, là où celui de la Yamaha se montre plus tolérant - à l'avant comme à l'arrière. Un "détail" à prendre en compte avant l'achat, surtout si celui-ci s'oriente vers une moto dépourvue de l'option ABS !
En usage sportif, la Street Triple conserve son titre de "reine des virolos" : le train avant de la bombinette Triumph est littéralement rivé au sol, ce qui permet d'entrer dans les virages à Mach 12 et d'en ressortir encore plus vite ! L'ADN commun avec la Supersport Daytona n'y est pas étranger... et son empattement réduit de 1410 mm non plus (1440 pour la Yam' et 1445 pour la Kawa).
Lorsque le rythme augmente, l'ergonomie "spéciale" de la MT-09 et ses transferts de masse importants demandent un peu d'habitude : extrêmement sollicité par le moteur, son amortisseur taré assez souple s'enfonce généreusement sous la charge, avant que l'huile ne commence à être efficacement ralentie par les clapets. L'astuce consiste à porter du poids sur l'avant en penchant le buste vers le guidon pour contenir les mouvements d'assiette.
Dans le même temps, adopter cette position "arsouillesque" permet de mieux contrôler le train avant et ainsi tuer dans l'oeuf sa tendance à vouloir jouer les filles de l'air à haute vitesse. Surtout dans les cas où le pilote "s'accroche aux branches" sous les incessants - et enivrants - coups de boutoir du triple nippon !
Même chose à l'avant, où l'important débattement de sa fourche inversée (17 mm de plus que la Z800 et 27 mm de plus que la Street Triple) occasionne de vives plongées lors de freinages très appuyés. Fort heureusement, Yamaha a pertinemment calculé la résistance offerte par les ressorts et les lois de l'hydraulique : la fourche est souple - mais pas molle - en début de course, puis elle se raffermit suffisamment pour offrir la précision et l'efficacité nécessaires à l'attaque. Un bien bel équilibre !
Verdict : MT-09, zéro bla-bla et beaucoup de tracas... pour ses concurrentes !
Au moment de dresser le bilan, le compromis dynamique très intéressant de la MT-09 incite à faire pencher la balance en sa faveur : plus confortable que la Street Triple et à peine moins rigoureuse en courbes, elle l'éclipse surtout sur le plan mécanique. Ce qui n'a rien d'un mince compliment dans la mesure où le trois-cylindres Triumph de 675 cc dictait jusqu'à présent sa loi dans la catégorie, même face à des plus costauds ! D'un autre côté, le bloc Yamaha dispose aussi d'un avantage de 172 cc...
Agréablement sobre (nous avons mesuré pendant cet essai une conso mini de 5,2 l/100 km en roulant sans traîner et en passant les rapports sur le couple), ce nouveau moteur apparaît toutefois rempli à la limite du débordement. La MT-09 exige en effet un minimum d'expérience et de sang-froid pour être apprivoisée, d'autant que les réactions vives de son châssis sont à l'avenant ! En cela, la nouveauté Yamaha se distingue radicalement de sa "frangine" FZ8, plus lisse de tempérament et donc plus universelle.
Espérons d'ailleurs pour le blason d'Iwata - et ses concessionnaires - que cette "double offre" aboutisse au résultat commercial escompté, à savoir ratisser plus large en attirant des motards aux profils distincts. Car le risque que la MT-09 ne mette un coup de frein à la carrière de la FZ8 est non négligeable, dans la mesure où la nouveauté est à la fois plus moderne, plus légère (de 23 kg) et moins chère (de 600 euros hors promos)...
La Street Triple conserve de son côté son statut de bête de courbes, une distinction qu'elle doit à l'orientation plus sportive de sa partie cycle et de sa mécanique. Mais le véritable tour de force de Triumph, c'est d'avoir réussi à maintenir son degré de performances dynamiques à un aussi haut niveau tout en la rendant plus fréquentable au quotidien : côté aspects pratiques - hormis l'absence de warning et un ergot de béquille trop petit -, elle surclasse la Yamaha et surtout la Kawasaki, négligée sur ce point.
Face à ses tempétueuses rivales et à leurs 3-cylindres gonflés à bloc, la Kawasaki Z800 e version s'incline sans pouvoir réellement lutter en dynamisme et en sensations. Une défaite due à des aptitudes sportives globalement en retrait, surtout dans cette variante "A2 approved" : "tout en conservant un caractère très sportif, la Z800 e version est facile à prendre en main, même pour les débutants", rappelle Kawasaki en mettant l'accent sur le côté "grand public" de cette déclinaison.
Reste qu'à force de tout miser sur la forme en évitant de revoir le fond, Kawasaki s'expose à une inévitable baisse d'intérêt envers sa "poule aux oeufs d'or"... Car ses évolutions stylistiques ne masqueront pas éternellement ses carences sur le plan du confort (selle dure, vibrations) et des aspects pratiques (coffre minuscule, pas d'indicateur de rapport engagé). Tout comme elles peinent à justifier son tarif...
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CONDITIONS ET PARCOURS |
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POINTS FORTS MT-09 |
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POINTS FAIBLES MT-09 |
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POINTS FORTS STREET TRIPLE |
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POINTS FAIBLES STREET TRIPLE |
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POINTS FORTS Z800 E VERSION |
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POINTS FAIBLES Z800 E VERSION |
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