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EXCLUSIF
Circuit de Sepang (Malaisie), le 6 décembre 2005

Moto-Net au guidon de la Honda RCV !

Moto-Net au guidon de la Honda RCV !

Après Rossi, Biaggi, Gibernau, Hayden, Melandri et consorts, Moto-Net prend le guidon de la plus victorieuse des MotoGP : la Honda RCV. Avec, cerise sur le gâteau : la RS250RW n°1 de Pedrosa. On ne publie pas tous les jours notre 1000ème article !

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Après Rossi, Biaggi, Gibernau, Hayden, Melandri et consorts, Moto-Net prend le guidon de la plus victorieuse des MotoGP : la Honda RCV. Avec, cerise sur le gâteau : la RS250RW n°1 de Pedrosa. On ne publie pas tous les jours notre 1000ème article !

Oubliés les pulls, blousons, moufles et autres écharpes : ne reculant devant aucun sacrifice pour son 1000ème article, alors que le froid vient de s'abattre sur Paris, Moto-Net s'est envolé pour Sepang, en Malaisie, où Honda a convié une poignée de journalistes européens à tester leurs deux bijoux : la RS250RW championne du monde avec Pedrosa et la RC211V qui, si elle souffre de l'écrasante suprématie de Rossi, n'en reste pas moins terriblement efficace.

Moto-Net prend le guidon de la Honda RCV

A peine arrivés sur le circuit de Sepang, les officiels Honda font comprendre aux journalistes présents qu'il vaut mieux éviter de faire chuter les motos... Au programme : un tour de chauffe puis deux tours lancés et un tour "d'honneur". Ce qui semble court au premier abord, mais sur une piste de 5 548 m, ces quatre boucles permettent largement de découvrir ces deux motos pas comme les autres...

Moto-Net prend le guidon de la Honda RCV

Le directeur sportif du HRC, Carlo Fiorani himself, nous invite à rejoindre les bêtes de course : deux RCV n°69 aux couleurs de Hayden et la 250 n°1 de Pedrosa patientent sagement dans deux stands... Le calme avant la tempête !

Moto-Net prend le guidon de la Honda RCV

Moto-Net prend le guidon de la Honda RCV

De l'autre côté de la grille, les RCV se font une dernière beauté. Les mécanos peaufinent les niveaux, passent un dernier coup de chiffon et envoient de l'air comprimé afin que la tenue de leurs divas soit irréprochable. A ce moment précis, l'impossibilité de rejoindre les RCV ne fait qu'augmenter l'envie de les enfourcher mais la pression monte : elles sont belles, puissantes, chères et il va falloir les tester sur quatre tours sans les mettre par terre...

La reine RCV

Menée - voire malmenée ! - par Valentino Rossi puis par Gibernau et plus récemment Hayden et Melandri, la RCV possède un palmarès impressionnant : trois titres de meilleure moto (2002, 2003 et 2004) et 40 fois victorieuse, elle n'a été battue que par six hommes : Rossi sur Yamaha à 21 reprises, Capirossi sur Ducati (une fois en 2003 puis trois fois en 2005), Biaggi sur Yamaha (deux fois en 2002), Checa sur Ducati (cette année à Sepang), Roberts Jr sur Suzuki (sous le déluge de Donington) et OJ (sous les torrents de pluie de Shanghai).

Moto-Net prend le guidon de la Honda RCV

En 2005, l'objectif de Honda était de reconquérir le titre mondial pilote et conserver celui de constructeur... Interrogé par Moto-Net lors de cet essai en Malaisie, Kyoichi Yoshii, en charge du projet de la RC211V, nous a confié qu'il avait demandé à ses ingénieurs motoristes "d'améliorer le contrôle de la puissance via la poignée de gaz, afin de permettre au pilote de mieux doser et accélérer toujours plus tôt et plus fort"...

Caractéristiques de la RC211V

Longueur (mm) 2 050
Largeur (mm) 645
Hauteur (mm) 1 130
Empattement (mm) 1 440
Poids à sec (kg) Plus de 148
Moteur - V5 (ouvert à 75,5°) 4-temps à refroidissement liquide, 4 soupapes par cyl.
Cylindrée (cc) 990
Puissance Max (ch) Plus de 240 !
Châssis - Double berceau Alu
Roues (pouces) Avant 17
Arr. 16.5
Suspensions Avant Télescopique Showa
Arr. New Unit Pro-link
Réservoir (L) 22

Parallèlement, le développement de l'ensemble de la moto s'est poursuivi mais sans obtenir les résultats escomptés (lire notre Dossier spécial MotoGP 2005) : Rossi et sa M1 n'ont laissé du championnat MotoGP 2005 que quelques miettes, que Honda a dû partager avec Ducati... Le numéro un mondial a donc terminé la saison sans aucun titre, avec seulement quatre victoires contre onze pour Yamaha et deux pour Ducati.

A qui la faute ? Sans doute à une dispersion des énergies et à la jalousie entre pilotes. Si, à l'époque du Doctor, tous les efforts étaient concentrés sur lui et lui seul, depuis son départ Honda peine à trouver la relève : Barros n'a pas réussi à confirmer ses excellents résultats de la fin de saison 2002, Biaggi n'a cessé de se plaindre de nombreux soucis et Gibernau, malgré de bonnes qualifs, n'est que rarement parvenu à "transformer l'essai" lors des courses.

La parole à M. Yoshii

Interrogé par Moto-Net, Kyoichi Yoshii (à droite sur la photo ci-dessous) révèle l'ampleur du problème : "Max s'est par exemple plaint de problèmes de dribble en phase de freinage " Chattering... chattering, chattering ! " (en anglais dans le texte, NDLR) s'époumonait-il auprès de ses mécanos. Après quelques tours effectués sur une moto réglée différemment, Max revenait dans le box et approuvait ou non les améliorations de la manière suivante : "C'est un peu moins bien - ou un petit peu mieux - mais quand même... Chattering... chattering, chattering !"...

Moto-Net prend le guidon de la Honda RCV

A l'évocation de ce "chattering" récurrent, l'ingénieur responsable de la motorisation de Biaggi en début d'année, appelé à d'autres fonctions à la mi-saison, ne peut réprimer un large sourire. Resté jusque-là très discret, il se permet même un léger rire qui en dit presque aussi long que le discours de M. Yoshii...

"Max veut aller droit au but"

"Max est un pilote qui se tient à un seul objectif et cherche à l'atteindre directement : peu importe les moyens, tout ce qui l'intéresse c'est le but fixé ! Il fonce droit devant alors que d'autres louvoient davantage afin de trouver le soutien tantôt du HRC, tantôt de Michelin, tantôt des ingénieurs", ajoute Kyoichi Yoshii avant de conclure : "Max est un fonceur, il ne connaît que la ligne droite !" Malheureusement pour l'empereur romain, cette autoroute vers le titre a été bloquée successivement par Doohan, Rossi voire Gibernau... ou le HRC lui-même !

Interrogé sur le cas Gibernau, M. Yoshii indique très simplement à Moto-Net que " Sete est une personne très agréable, avec qui il est plaisant de travailler. Il sait ce qu'il veut et se montre particulièrement organisé pendant les essais. Son problème réside dans son mental et la gestion de la course"... Ainsi, M. Yoshii rappelle qu'à maintes reprises, Rossi a usé de la même technique pour battre le catalan : "il reste dans sa roue, observe, économise sa machine et ses propres forces pour, cinq tours avant la fin, porter l'attaque décisive et creuser l'écart"...

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Et lorsqu'on demande au japonais pourquoi Sete - ou les autres - n'emploient pas cette méthode sur Rossi lui-même, c'est à son tour de se marrer en répondant que "c'est justement la prochaine étape !" Un cap que personne n'a encore franchi jusqu'à maintenant...

De son côté, Randy Mamola confirme à Moto-Net que les querelles entre les deux cadors étaient fréquentes : "je me souviens par exemple de la fois où Biaggi avait bénéficié d'une pièce spéciale "or" sur ses freins", rigole l'américain : "Sete est sorti de son stand et a gueulé : c'est quoi ce délire ! Pourquoi j'ai pas çà, moi ?"

Se concentrer sur un pilote

Concernant les jeunes pousses Honda qui ont animé la fin de saison, M. Yoshii est personnellement conscient que les problèmes de jalousie devront être réglés à la racine en "se concentrant clairement sur un seul pilote", comme à l'époque de Rossi. Or le choix devrait se porter logiquement sur le pilote numéro un du team Repsol : Nicky Hayden, dont nous allons justement essayer la machine n°69...

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D'autant que le jeune américain a fait preuve d'un grand professionnalisme tout au long de ses trois premières saisons : "Nicky passe ses séances d'essais assis dans son stand, à rendre compte de ses impressions et à demander des avis". Une méthodologie plus rigoureuse que chez son ancien coéquipier qui devra se confirmer la saison prochaine.

Mais Nicky n'est pas le seul à rouler fort sur la Honda : Marco Melandri s'est même permis de le battre au championnat, remportant une victoire de plus que le Kentucky Kid. Et histoire d'augmenter le trouble, Fiorani lui-même ajoute son grain de sable dans la machine : "quels sont tes objectifs pour la saison 2006 ?", demande le directeur sportif - italien - à son poulain lors d'un dîner devant la presse. "Si tu avais une demande à faire aux directeurs du HRC ici présents, quelle serait-elle ?"

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Devant les rires - polis - des journalistes et les sourires - plus crispés - des officiels Honda, Melandri répond qu'il "demande juste à Honda de me réitérer sa confiance : Rossi sera très dur à battre l'an prochain. Après tout, depuis cinq ans personne n'y est parvenu... Chercher dès la première course à le battre n'est pas la bonne solution. Je compte faire du mieux que je peux tout au long de la saison et j'aimerais beaucoup aider Honda à développer la moto. Nicky a fait une très bonne année, il est très compétent. J'espère que nous pourrons travailler ensemble !", lance finalement l'italien qui ne désespère pas de bénéficier des mêmes innovations techniques que Hayden et Pedrosa (lire Moto-Net du 1 décembre 2005).

Sur le circuit de Sepang, le garage s'ouvre enfin sur la voie des stands et les MotoGP se laissent approcher... Leur petit gabarit surprend toujours autant, tout comme l'aura qui s'en dégage : après tout, si l'on met de côté la Yamaha M1 pilotée par Rossi, la RCV n'est-elle pas la meilleure moto du plateau, celle que la majorité des pilotes souhaitent posséder, la plus victorieuse depuis l'arrivée des 4-temps en Grands Prix ?

Un rythme cardiaque proche du V5...

Les mécanos sortent les monstres sur la voie des stands : les motos sont prêtes à délivrer leurs sensations... Randy Mamola, dont les bagages sont restés bloqués à Singapour, enfile le cuir de Stéphane Lacaze de Sportbikes - notre seul confrère français - pour aller faire chauffer les deux RCV...

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Ca y est, le premier V5 s'anime ! Subitement mon coeur se met à battre plus fort, son rythme rivalisant avec celui des 5 cylindres de la Honda qui développe plus de 240 chevaux... Le bruit est infernal, terriblement pénétrant, d'autant que les larges toits couvrant les tribunes d'en face font office de caisse de résonance : la sonorité rauque du V5 retentit de plus belle et fait vibrer toute ma cage thoracique !

Moto-Net prend le guidon de la Honda RCV

Mais déjà Mamola s'élance sur la voie des stands et enchaîne quatre rapports à la volée avant même de joindre la piste ! L'ancien champion, qui n'a rien perdu de son aisance, boucle le tour de chauffe en un rien de temps ! A peine descendu de la première RCV, il enfourche la seconde et repart plein gaz...

Oscillant entre excitation et anxiété, je me pose près du muret de la ligne droite et observe les premiers tours de roues de mes confrères qui défilent sur le macadam... La vitesse est impressionnante, amplifiée par le hurlement du moteur poussé parfois jusqu'au rupteur ! Les deux RCV et la 250 roulent en même temps, les départs différés évitant toute gêne entre les essayeurs.

Mon heure de passage approchant, je rejoins les vestiaires pour me changer. La température atteint les 30°C mais heureusement, l'humidité n'est pas trop oppressante. Toujours est-il qu'une fois le cuir enfilé, ma température interne grimpe en flèche ! Et ce n'est pas l'arrivée de "ma" RCV qui calme le jeu...

Moto-Net prend le guidon de la Honda RCV

Le mécano d'Hayden me fait signe d'enfourcher la moto, puis me rappelle quelques infos : la boîte de vitesses inversée, les diodes de témoin de changement de vitesse et l'interdiction de chuter. Puis il me montre du doigt la sortie des stands et s'écarte...

J'enclenche la première, relâche progressivement le levier d'embrayage et ne peut m'empêcher de sourire... Un peu comme un gamin à qui l'on offrirait un tour de tricycle - mais un tricycle capable de monter à 340 km/h !

Pour mieux apprécier les lignes qui vont suivre, la rédaction de Moto-Net ne saurait trop vous conseiller de sélectionner un CD de votre choix, à la fois pêchu et mélodique. "One way ticket to Hell and Back" des Darkness, par exemple !

Premier tour !

La première caractéristique de la RCV qui me frappe est sa souplesse. Je négocie le premier virage en troisième à très faible allure, mais le V5 ne bronche pas. Mieux, il ronronne et me catapulte dans le gauche suivant en une fraction de seconde !

Dans ce rapide changement d'angle, je réalise alors avec quelle facilité déconcertante la RCV se laisse diriger, en tout cas à allure modérée. La comparaison à un vélo, souvent utilisée au sujet de motos maniables, n'est pas usurpée !

Puis vient un virage qui s'ouvre sur la droite et me permet pour la première fois d'accélérer sur l'angle. J'apprécie ainsi pleinement l'intérêt de disposer d'une boite inversée ! Calé sur le repose pied, une simple pression sur le sélecteur me permet de monter la quatrième, puis la cinquième. Le passage des vitesses se fait sans à-coups et ne modifie en rien le cap que j'ai fixé.

Moto-Net prend le guidon de la Honda RCV

Premier freinage, mon tout premier avec des freins carbone ! Prévenu de la relative inefficacité de ce type de frein lorsqu'ils ne sont pas à bonne température, je décide d'assurer en freinant très en avance. Là encore, le moteur se montre particulièrement conciliant : le rétrogradage s'effectue très facilement et le frein moteur quasi-absent confère à la moto une excellente stabilité.

Facile à conduire...

Ce quatrième virage - Langkwai - est un droit somme toute basique qui tourne à environ 90°. Il me permet d'apprécier la vivacité de la moto qui semble plonger d'elle-même au point de corde. Ma vitesse étant bien en deçà de celle prévue, je redresse la moto très tôt et accélère franchement.

Mais à peine ai-je le temps de pousser la troisième que je me retrouve plongé dans le long gauche suivant ! Si la téléportation n'existe pas - encore ? - , les MotoGP sont sans aucun doute ce qui s'en rapproche le plus ! Le moteur chante sans hurler et procure une sensation de vitesse enivrante. Mais l'heure n'est pas à la soûlerie...

Moto-Net prend le guidon de la Honda RCV

Les trois virages suivants se passent sans encombres et je prend conscience que mon corps tout entier est crispé sur la moto. Je décide de me décontracter, essayant d'adopter des trajectoires et des mouvements plus fluides. Arrive alors l'épingle la plus fermée du circuit : pour m'être entraîné sur PlayStation, je sais non seulement que ce virage se négocie à faible allure, mais surtout que le relief y est très contrasté : freinage en pente douce suivi d'une remontée plus accentuée sur Berjaya Tioman.

Et là, surprise : alors que j'ai déjà noté que le jeu sur console ne rend que grossièrement les dénivelés des virages précédents, ce passage, dans la réalité, ressemble davantage à une montagne russe qu'à sa version numérique ! Sans concurrencer le fameux Corkscrew de Laguna Seca, ce gauche-droite offre une sensation particulièrement grisante !

... mais de là à la piloter !

Un freinage appuyé - encore accentué par la descente -, un point de corde dans le fond de la "cuvette" et une accélération délicate sur les deux flancs du pneu : sûr qu'avec mon ZZR, j'aurai mis la poignée dans le coin dans ce droit qui s'ouvre devant moi ! Mais là, j'ai les fesses posées sur un missile et je n'ouvre que "prudemment" les gaz...

Moto-Net prend le guidon de la Honda RCV

Les ingénieurs Honda semblent avoir réalisé un travail bluffant et même si l'expérience de Moto-Net en termes de moto d'exception est pour l'instant limitée, je confirme les dires de mes confrères plus expérimentés : la RCV est un véritable bonheur à conduire ! Ses performances très impressionnantes sur le papier se traduisent par un plaisir de tous les instants sur la piste, sans qu'une seule fois la belle ne se transforme en bête, sans à-coup, sans ruade intempestive ou dribble.

Mais il est vrai que je ne fais que "conduire" la RCV. Un tel outil, avant d'être réellement "piloté", nécessite une assurance que je ne fais qu'emmagasiner au fil des mètres parcourus... Dans Sunway Lagoon, le freinage sur l'angle me permet de goûter à nouveau à la neutralité de cette moto. En revanche, les freins carbone me déstabilisent : le levier paraît plus mou et le feeling moins "direct" que celui d'un frein acier. Je ne parviens pas bien à doser la puissance du freinage mais heureusement, les pneus slicks et le comportement de la moto se montrent particulièrement cléments envers mon pilotage approximatif !

Je sors du virage en seconde et met plein gaz. La moto ne bouge pas, ou plutôt bouge très très vite vers le bout de cette première ligne droite mais sans aucun autre mouvement intempestif, pas de prémices de wheeling, pas de dribble. Mes avant-bras et mes épaules se contractent et parviennent juste à me maintenir en place : il est temps de passer derrière la bulle !

La téléportation existe !

Une fléchette sortie d'une sarbacane ? Une balle expulsée d'un canon de fusil ? Un carreau tiré à l'arbalète ? Les images - certes un peu "bateau" - ne manquent pas... La ligne droite se parcourt en une poignée de secondes : juste le temps de profiter de la cinquième vitesse et je me relève pour négocier le dernier virage... qui mène à une nouvelle ligne droite !

Moto-Net prend le guidon de la Honda RCV

920 mètres de bitume se présentent à moi et une seule question m'obsède : où vais-je freiner ? Je pensais avoir trouvé la réponse en observant les autres testeurs passer devant les stands : un peu avant le panneau des 200 m me semblait une distance raisonnable pour sortir les épaules, le genou et rentrer quelques rapports. Mais au guidon de la "belle bête", l'opération paraît beaucoup moins évidente...

M'enfin, il s'agit de représenter dignement Moto-Net - et ses lecteurs ! - devant ce parterre d'officiels à l'autre bout du monde ! Bref, à peine le temps de tergiverser et me voilà à quelques dizaines de mètres du panneau : branle-bas de combat ! Je rentre les vitesses (oui... sélecteur vers le haut) et me lance à nouveau dans le droit... C'est reparti pour trois tours !

La RCV me fait tomber... dans son jeu

Inutile de dire qu'avec si peu de temps, la découverte d'une nouvelle moto sur un nouveau circuit par un nouveau "pilote" limite largement les performances. Loin de moi donc l'envie, l'orgueil ou l'affront de comparer mes chronos aux pilotes inscrits au championnat ! De plus, je me suis fait le serment de ramener la moto entière aux responsables du HRC, en évitant tout excès de confiance ou prise de risques. J'entretiens donc un rythme soutenu mais sans agressivité.

Cependant, au fur et à mesure des courbes, la RCV me fait doucement tomber dans son piège... Je me prends au jeu et tout en restant raisonnable, réalise que le seul risque réside dans les accélérations brutales. Petit à petit, mon rythme augmente et les prises d'angles se font plus marquées.

Moto-Net prend le guidon de la Honda RCV

Mon style de pilotage - plus routier que pistard - ne me permet pas pour l'instant d'effleurer le sol. Mes sliders ont déjà tâté de l'asphalte, mais jamais sur une RCV à plusieurs(sss) dizaines(sss) de milliers(sss) d'euros(sss)... Je décide d'y aller progressivement, virage après virage, conscient que les autres essayeurs semblent poser le genou sans la moindre arrière pensée.

Mais une grande partie des courbes de Sepang se négocient en aveugle : mon manque de vitesse en courbe, mon déhanchement plus timide qu'à l'accoutumée et ma souplesse quasi-inexistante me privent pour le moment du bonheur d'annoncer fièrement : "j'ai posé le genou en MotoGP !"

Vigilance constante !

Quelque peu déçu, je me mets en tête, alors que je sors pour la troisième fois de Langkwai, d'observer la distance qui sépare mon genou du sacro-saint vibreur... A peine entré dans la courbe, je cherche du regard la piste. Mais mon instinct de survie se réveille et me dicte de relever les yeux... Et heureusement ! Le temps de baisser les yeux et d'apprécier ma hauteur par rapport au bitume, que déjà la RCV fondait dans le virage suivant, Genting.

Je saute sur les freins et rattrape sans encombres la trajectoire, qui n'est pas trop dure à regagner car légèrement déportée en entrée de virage... Si sur route le pilotage d'une moto demande une attention soutenue, sur piste la conduite d'une RCV exige une vigilance constante !

Cette maxime, j'ai pu la vérifier une seconde fois au cours de mon essai : lors de mon deuxième passage dans Sunway Lagoon, j'ai repéré un des trois photographes en poste sur le circuit. Son téléobjectif est impressionnant : il doit pouvoir lire le mélange de concentration et de douce folie dans mes yeux... Lors du passage suivant, je décide de le gratifier d'une franche accélération, tête dans la bulle, dans le plus pur style de l'ado, le menton collé au guidon sport de sa 103 SP !

Moto-Net prend le guidon de la Honda RCV

Mais ma vitesse en courbe ayant progressivement augmentée, je sors du virage en troisième à mi-régime au lieu de ma seconde "habituelle". Et c'est en remettant les gaz que la RCV m'offre un superbe cadeau : un wheeling progressif et sûr, que je coupe toutefois bien avant le point de non-retour. Espérant que le photographe ne se soit pas endormi malgré des conditions météo propices à la sieste, je prends conscience que le couple du V5 est phénoménal et repars à l'attaque, plus haut dans les tours où la puissance ne cabre pas l'engin.

Contrat rempli !

Je passe une dernière fois la ligne d'arrivée et le drapeau à damier agité me signale que je dois rentrer au stand à la fin de ce tour. C'est ma dernière ligne droite : je pousse à fond et lance la sixième sur quelques secondes. Bien loin de rendre la main pour mon "tour d'honneur", je constate que mes freinages se font plus tardifs et que mes accélérations sont plus marquées, tout en gardant la tête froide.

Mes trajectoires sont les plus propres possibles, mes gestes mesurés, mais mon engagement n'en reste pas moins important et plusieurs signes me prouvent que je n'effectue pas qu'une simple balade au guidon de la RCV : le moteur chante harmonieusement et ne se contente plus de fredonner ! Par deux fois, la roue arrière sursaute au freinage sans pénaliser mes plongées dans les virages. Mes freinages sont plus puissants si bien que les freins carbone - plus chauds - me laissent entrevoir leur fabuleux potentiel.

Moto-Net prend le guidon de la Honda RCV

Mais surtout, j'atteins l'un des objectifs que je m'étais fixés : dans le premier S - qui comprend Genting -, mon genou gauche puis mon genou droit vibrent joyeusement en frôlant l'asphalte ! Ca y est, mon baptême de RCV est complet : fond de six, wheeling, freinage sur une roue et slider posé !

Par ici la sortie...

C'est en abordant l'avant-dernier virage - Sunway Lagoon - que je me rends compte qu'emporté par mon allégresse, je n'ai pas repéré la voie des stands... Je me trouve dans la dernière ligne droite et décide de rendre la main afin de ne pas louper la sortie que je cherche encore des yeux...

Ah ! J'aperçois enfin une sortie à l'extérieur du dernier virage, mais étrangement barricadée par quelques plots... Je m'y engage et découvre trop tard que cette bande de bitume est sans issue. Le commissaire de piste me le confirme à grands renforts de drapeau : "ok, ok, j'ai pigé, je suis un boulet...", me dis-je in petto. J'entame alors mon demi-tour, mais j'atteins la butée de direction bien plus vite que prévu ! Ma jambe intérieure mouline et rattrape facilement le poids plume de la moto... Tomber à l'arrêt ? Et puis quoi encore !

L'entrée des stands se trouve en fait à la sortie du virage : je l'emprunte et réalise alors que je vais devoir quitter cette moto qui s'est montrée tellement docile mais en même temps rageuse, rapide et agile...

Mais comment font-ils ???

C'est en descendant de la RCV que je prends conscience de mon état de fatigue : le dosseret de selle que j'enjambe semble beaucoup plus haut qu'au départ et le vestiaire nettement plus loin ! En chemin, je croise Randy Mamola. Ruisselant de transpiration, le souffle plus court, je m'arrête et lui demande tout de go : "mais comment font-ils ?"

Moto-Net prend le guidon de la Honda RCV

L'ancien champion rigole et me retourne une question du tac au tac : "et toi, tu fais quoi lundi prochain ?" Un peu déconcerté, je lui réponds que je vais simplement regagner l'Empire Moto-Net Building pour faire mon boulot. "Eh bien voilà ! Hayden, Rossi et les autres, eux, ils vont venir ici trois jours pour s'entraîner ! Y a pas de secret, il faut que eux aussi travaillent comme tout le monde pour être bons !" Sympa Randy, il ne m'a pas parlé du don, de la "Magic Touch" qu'ils possèdent et moi pas...

Le temps d'étendre le cuir, de boire deux bouteilles d'eau minérale sur les bons conseils de mes hôtes et je m'approche du stand de la 250. Elle est sur la piste et ses deux mécanos patientent. Quelque peu rassuré par mon expérience concluante sur le monstre de 240 ch, je commence à me demander si le 250 ne va pas finalement être plus difficile à piloter... Et si je me renseignais ?

La RS250RW

C'est Trevor Morris, chef mécanicien de Takahashi la saison passée, qui m'accueille avec un large sourire. Nous entamons la discussion mais Trevor me coupe en s'excusant et saisit le chronomètre posé sur l'établi. Le bougre note les temps de chacun des essayeurs !

Je le préviens : "il ne faudra pas rire en voyant mes chronos ! " "Pas de risque", m'assure-t-il, "je note les temps pour contrôler le bon déroulement du test, je m'inquiète moins en connaissant à peu près vos temps au tour".

Moto-Net prend le guidon de la Honda RCV

Caractéristiques de la RS250RW

Longueur (mm) 1 960
Largeur (mm) 640
Hauteur (mm) 1 090
Empattement (mm) 1 350
Poids à sec (kg) Plus de 96
Moteur - V2 2-temps à refroidissement liquide.
Cylindrée (cc) 250
Puissance Max (ch) Plus de 90
Châssis - Double berceau Alu
Roues (pouces) Avant 17
Arr. 17
Suspensions Avant Télescopique Showa
Arr. Pro-link
Réservoir (L) 21

Je demande alors à Trevor si le moteur n'est pas trop pointu : "oh non !", répond-il tranquillement. "C'est un 2-temps, certes, mais sa plage d'utilisation est très large : les pilotes disposent de bonnes reprises à partir de 8 000 tr/mn désormais ! C'est important car même si l'étalage de la boîte est modifiable, il y a toujours quelques virages qui posent des problèmes. Il arrive que le pilote soit mal à l'aise dans certaines sorties de courbe, par exemple trop haut dans les tours en seconde ou bloqué trop bas en troisième... Même s'il demande toujours davantage de puissance maxi pour la vitesse de pointe, le pilote nous demande également plus de souplesse !"

Ouf, moi qui me voyait obligé de jouer abusivement de la boîte pour ne pas noyer la double championne du monde ! Cela dit, je me pose maintenant une nouvelle question : Dani mesure 1,59 m et pèse 48 kg. Avec mon 1,80 m et mes 70 kg, je ne risque pas de faire un peu crapaud sur une boîte d'allumettes ?

Moto-Net prend le guidon de la Honda RCV

Là encore, le chef mécanicien se montre apaisant : "ton confrère allemand mesure 1,90 m et il a été surpris du "confort" de la RS250 ! Ne t'inquiètes pas, en plus là tu vas retrouver des freins acier, ça va aller tout seul !"

Un goût de déjà vu...

La 250 rentre dans la voie des stands et l'essayeur précédent me laisse son guidon, le visage rayonnant. J'enfourche l'engin style "pocket bike" et là, surprise : je me retrouve projeté quelques années en arrière sur mon Aprilia RS125 ! Hyper légère - la 250 pèse seulement 96 kg -, je n'ai pas l'impression désagréable d'avoir les genoux sous le menton et les commandes tombent naturellement sous mes mains et pieds.

Je fais patiner la première vitesse et m'en vais retrouver la piste que je commence tout juste à connaître. Si la RCV est un vélo, alors la RS250 est une trottinette ! Je négocie les premiers virages à allure modérée, histoire de prendre mes marques, mais j'augmente rapidement le rythme. Stéphane avait raison : contrairement à la RCV, cette moto est plus à échelle "humaine" et on se prend au jeu d'autant plus vite !

Moto-Net prend le guidon de la Honda RCV

Le plaisir que je tire de mes quatre tours est si intense que je retrouve en cette bête de course la moto de mes rêves de jeune motard : une 125 cc (de gabarit) qui dispose de la puissance d'une 600 ! Une équation simple et diablement efficace...

Tout passe à fond ?

Mais encore une fois, mon but n'est pas de tester les limites de la machine (ou plutôt les miennes !) et je reste lucide : si peu de gens ont eu le privilège de piloter ce bijou, je ne souhaite pas être l'un des rares à l'avoir mis par terre ! D'autant que les quelques gouttes de pluie qui commencent à ruisseler sur ma visière me confortent dans mon choix de prudence : j'enroule plus que je n'attaque.

Moto-Net prend le guidon de la Honda RCV

Cependant, mon rythme ne cesse d'accélérer et chaque virage m'offre l'occasion de vérifier que "ça pouvait passer deux fois plus vite !" C'est d'ailleurs ce qui est le plus surprenant sur cette moto... Je me force à prendre les virages un peu plus rapidement à chaque passage et m'aperçois que je suis encore bien loin de la trajectoire optimale ! Dans les deux "S" du circuit, je finis par me demander si Dani n'arrive pas à passer "à bloc", tant la Honda est à l'aise !

A chaque freinage - que je dose plus habilement grâce aux disques aciers -, je me force à lâcher le levier plus tôt que je ne le ferai normalement et me rends compte que la RS suit sa course sans souci pour ressortir du virage à plus d'un mètre du vibreur... Damned, la prochaine fois je rentre plus fort !

Moto-Net prend le guidon de la Honda RCV

Finalement, le gabarit de la 250 n'est pas si minuscule : en étudiant les chiffres, on se rend même compte que la RCV n'est pas beaucoup plus imposante. Et puis une fois en piste, je passe autant de temps dessus qu'à côté : le déhanchement, même s'il est moins nécessaire que sur la MotoGP à mon niveau, me donne l'impression d'attaquer !

A côté des 240 ch (et plus ?) de sa grande cousine, les 90 ch (et plus ?) de la RS250RW ne font pas pale figure. Si le moteur n'est pas aussi rempli que le V5, le petit V2 2-temps offre des reprises honorables dès 7 000 tr/mn ! Et quel bonheur de sentir les chevaux débouler de plus en plus vite au fur et à mesure des tours ! Le bon vieux "coup de pied au cul" que l'essayeur Alan Cathcart "apprécie tant et regrette" depuis l'arrivée des dociles et dosables 4-temps en catégorie reine...

Moto-Net prend le guidon de la Honda RCV

Ce type de moto possède un charme indéniable et je comprends maintenant mieux ses protecteurs (lire Moto-Net du 6 décembre 2005)...

Comme sur la RCV, les quatre tours passent trop vite... Fatigué mais heureux, je rends la RS n°1 à ses mécanos. Un dernier regard sur les trois Honda d'exception et je rentre dans les vestiaires enlever mon cuir...

Sûr qu'après le test de ces motos, la niaque des pilotes MotoGP - quels qu'ils soient -, flirtant avec les limites deux fois par mois pour la gagne, prend toute son ampleur et devient simplement ahurissante !

Vivement que les pros reprennent du service dès le 26 mars 2006 à Jerez pour de nouvelles bastons, de nouveaux exploits, de nouveaux drames et de nouveaux tours par tours... Le tout sur Moto-Net, bien évidemment !

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