Quelle est la cible de la nouvelle campagne de sécurité routière ? Facile : la vitesse. Les ministres changent, les visuels changent, tout change... sauf ce postulat simpliste associant systématiquement la vitesse au danger. Changeons, oui, mais quoi ?
"Même pour les meilleures raisons du monde, on n'a jamais raison de rouler vite. Changeons". Tel est le message de la nouvelle campagne de sécurité routière qui sera diffusée à partir de demain en radio, télé et affichage. Les visuels évoluent, les ministres se succèdent, les parlementaires changent... mais la vitesse est toujours considérée comme la principale cause d'insécurité routière. Présentée ce matin par le ministre des transports Gilles de Robien, la nouvelle campagne (2,4 millions d'euros) repose sur deux affiches, deux spots radio et un spot télé. Ce dernier en dit long sur l'aveuglement des responsables des questions de sécurité routière, qui pris individuellement semblent pourtant être des gens plutôt ouverts et non dénués de jugeote...
Refus de priorité
Le clip présente un couple au volant qui grille une priorité et - logique - s'emplafonne violemment dans la voiture arrivant à sa droite. A votre avis, quelle est la cause de ce dramatique carton ? Le refus de priorité à droite, notion la plus bêtement élémentaire du code de la route ? Non point. La distraction du conducteur ? Que nenni. L'état des pneus du véhicule, l'usure des freins ? Vous vous égarez. La cause de cet accident est simple, consensuelle et tellement pratique : l'excès de vitesse ! Même pas la vitesse excessive - car il est évident qu'aborder un carrefour sans visibilité à 70 en ville est inapproprié, idiot et dangereux - mais bien l'excès de vitesse. Vous avez dit démoralisant ?
"65% des automobilistes et 75% des motocyclistes ne respectent pas les limitations, or la vitesse est le principal facteur déclenchant des accidents", estime Rémy Heitz (lire par ailleurs Moto-Net du 7 mars 2003). Pourquoi ne pas dénoncer plutôt la notion de vitesse excessive, beaucoup plus dangereuse que l'excès de vitesse ? "La notion de vitesse inadaptée est déjà prise en compte, poursuit le délégué interministériel à la sécurité routière : "si vous roulez à 50 km/h en ville au milieu d'une foule, vous pouvez être verbalisé". Certes. Mais alors pourquoi ne pas avoir le même raisonnement en sens inverse ? Un petit 200 sur autoroute déserte, sèche et offrant une bonne visibilité mérite-t-il vraiment d'être jeté en prison ?
"Moi aussi j'aime la vitesse"
"Vouloir réduire le nombre de victimes sur la route ne nous empêche pas d'être intelligents. Mais ouvrir la vitesse serait aujourd'hui un contre signal", estime Gilles de Robien. "On ne peut pas brouiller le message, il faut au contraire le concentrer même si dans certains endroits les limitations peuvent paraître contraignantes. A l'avenir, les technologies basées sur le GPS et Galiléo nous permettront de moduler la vitesse de façon plus fine". Y compris à la hausse ? "Pas forcément... Moi aussi j'aime la vitesse vous savez, mais je préfère la vie ! Et si les motards veulent vraiment faire de la vitesse, qu'ils se payent une demi-heure de circuit !"
Le credo antivitesse a toutes les chances d'être amplement relayé par le Conseil national de sécurité routière, réuni mercredi pour la première fois depuis son remaniement : son nouveau président n'est autre que le directeur de l'information de TF1 Robert Namias, auteur en 1994 d'un rapport intitulé... "Vitesse et sécurité routière".
Un monde de souffrance
Flanqué d'une Bernadette Chirac bronzée comme une pièce jaune - l'épouse du président de la République fait en effet partie des nouvelles recrues du Conseil - , Namias a estimé que le rôle du CNSR était "beaucoup plus que simplement consultatif". Quant à Mme Chirac, interrogée sur les raisons de sa présence au CNSR, elle précise que "c'est Jean-Pierre Raffarin qui me l'a demandé personnellement". Certes, la sécurité routière a été déclarée grande cause nationale par le président de la République "et il se trouve que je suis son épouse", reconnaît la First Lady, toutes mèches blondes dehors, soigneusement ébouriffée façon Courchevel. "Mais je suis surtout présidente de la Fondation des hôpitaux de France et je suis en contact avec ce monde de la souffrance qui découle des accidents de la route, notamment à Garches où je me rends régulièrement. C'est l'une des raisons de ce choix, je suppose", murmure la première dame en remettant ses lunettes fumées...
"Nous avons un immense rôle d'information à jouer et nous devons maintenir une pression permanente sur ceux qui prennent les décisions", martèle Namias. Gageons que malgré la présence d'un représentant de la FFMC - Frédéric Brozdziak, malheureusement absent ce mercredi pour cause d'accident de moto -, la "pression" exercée par le CNSR sur le gouvernement ne brillera pas par une approche particulièrement innovante des problèmes de sécurité routière... Vous avez dit "changeons" ?
.
.
.
Commentaires
Ajouter un commentaire
Identifiez-vous pour publier un commentaire.