Essai Ducati 1199 Panigale S : le diamant rouge de Bologne

Contact. L'injection de la 1199 Panigale s'initialise et la console de bord à matrices Thin Film Transistor s'illumine comme un sapin de Noël. Une comparaison totalement appropriée, car MNC se sent comme un petit garçon le soir du 24 décembre au moment de débuter son deuxième roulage avec la Ducati sur le luxueux et sélectif circuit Yas Marina !

Dérivée des écrans des plus récents smartphones, cette technologie TFT - apparue l'an dernier en moto sur les BMW K1600 - apporte de la couleur et surtout une visibilité parfaite à la console de bord ultra-riche de la Panigale (lire la partie "Instrumentation" de notre fiche technique en dernière page).

Prêt à faire feu, le v-twin comprimé à 12,5:1 ne demande plus qu'une (longue) pichenette sur le démarreur pour entamer son récital. Et quel récital ! Si quelques irréductibles ne pardonneront jamais à Ducati d'avoir osé abandonner les silencieux sous la selle (un signe distinctif depuis 1994 et la mythique 916), tous apprécieront en revanche la bande-son délivrée par les éléments placés sous le moteur !

Sourdes, profondes et incroyablement puissantes, les vocalises de la Panigale vous placent au coeur d'un univers sensoriel unique. Isolé du reste du monde par ce barouf intimidant, on tourne timidement la poignée de gaz électronique de type Ride-by-Wire de quelques millimètres, comme ça, juste pour voir... Et la réponse tombe immédiatement : le grondement guttural devient plus régulier et gagne (encore !) en intensité pour rappeler celui d'un bombardier au décollage !

Comme dénué d'inertie, le twin prend ses tours avec une gourmandise non dissimulée lors des premières accélérations pour rejoindre la piste. Sans surprise, la course ultra-courte du "Superquadro" lui confère un penchant pour les hauts-régimes nettement plus prononcé que sur la 1198.

Revers de la médaille : le couple de la 1199 Panigale est moins important que sa devancière à bas et mi-régimes. Capable de reprendre sous 3000 à tr/mn sur les premiers rapports - à condition de se montrer très doux sur la poignée de gaz hyper précise -, le nouveau bicylindre en L n'a pas le coffre de la 1198 entre 3500 et 5000 tr/mn.

Mais que les amateurs de sensations se rassurent : avec 132 Nm de couple à 9000 tr/mn, la Ducati n'a rien d'une moto "creuse" pour autant ! Sa plage d'utilisation est simplement décalée vers le haut, ce qui influe directement sur la façon de la piloter. Ainsi, alors que la 1198 permettait de ressortir d'une courbe avec un rapport de plus que sur un 4-cylindres, la 1199 Panigale demande de ne pas laisser le régime moteur redescendre sous 6000 pour s'extraire avec force.

Et de la force, ce moteur n'en manque pas : moins démonstratif en "bas", le twin Ducati l'est en effet nettement plus qu'avant en "haut". Passés les mi-régimes, la 1199 Panigale rue dans les brancards et accélère avec une vigueur incroyable que seule l'arrivée au rupteur vient stopper. Véritable monstre assoiffé de hauts régimes, le Superquadro avale les graduations du compte-tours avec une frénésie désarmante : du jamais vu sur un bicylindre !

Si Troy Bayliss le dit...

En seconde, à la sortie de l'unique épingle du circuit, la 1199 Panigale lève immédiatement son ravissant faciès aux lignes agressives vers le ciel lorsque le compte-tours (très visible) atteint 7000 tr/mn. Cette jouissive démonstration de puissance se poursuit sur chaque rapport qui passe à la volée avec une précision et une rapidité exemplaires grâce au Ducati Quick Shift (DQS), le shifter adopté de série.

Délivrés de manière aussi explosive qu'avec une BMW S1000RR - ce qui n'est pas le moindre des compliments ! -, les 195 ch de la Ducati mettent à rude épreuve une partie cycle aux réactions extrêmement vives. Doté d'un "toucher de piste" fabuleux, le train avant est d'une agilité confondante : bien aidée par son guidon plus large qui accentue le bras de levier, la 1199 Panigale plonge à la corde avec une facilité bluffante.

Intuitif, l'avant encaisse comme qui rigole des entrées en courbe sur les freins et passe de pif à paf avec une facilité dont ne peut se targuer la 1198, qui demande une conduite plus autoritaire et n'accepte que des placements précis en courbes, sans tolérer beaucoup d'improvisation.

Avec la 1199 Panigale, inutile de se battre pour imposer sa trajectoire : son ergonomie modifiée, sa rigidité de moto de course et son poids plume profitent à la maniabilité et permettent de diriger l'avant avec une précision chirurgicale. Comme posée sur un rail, la belle file alors au point de corde comme si elle avait un compte personnel à lui régler !

Ensuite, les choses se gâtent car la géométrie extrême et les performances moteur d'un autre monde demandent un certain bagage technique. Torturés par la soudaine arrivée de puissance en sortie de courbe, les suspensions et le châssis laissent échapper quelques mouvements si le pilote ne prend pas soin de bien serrer les cuisses autour du réservoir et de "charger" l'avant en déportant le haut du corps vers la bulle.

Et même un strict respect de ces précautions habituelles sur piste ne suffit pas toujours à contrer la nature brutale et sauvage de la 1199 Panigale ! Que ce soit dans les courbes avalées plein pot ou en ligne droite, la direction tend à s'alléger jusqu'au quatrième rapport, tandis que l'arrière finit par laisser échapper quelques mouvements.

Surpris de se trouver face à une telle nervosité - dans la mesure où les Superbike Ducati ont toujours fait preuve d'une stabilité irréprochable -, Moto-Net.Com a interrogé Troy Bayliss pour connaître son sentiment...

"Je suis d'accord avec toi : la 1199 Panigale est une moto "vivante" qui remue !", nous répond la légende du World Superbike. "Mais personnellement j'aime ce type de comportement : ne coupe pas les gaz et tu verras qu'elle reste saine en toutes circonstances, même lorsque ça commence à bouger", nous conseille l'Australien avec un large sourire...

Malgré un scepticisme nourri par l'appréhension, MNC décide de profiter de cette "leçon particulière" de classe mondiale : Troy prétend que la 1199 Panigale ne bronchera pas ? Alors, gaz !

Et les propos de "Baylisstic" se vérifient rapidement : dans un long gauche débuté en 3ème et terminé à fond de 4ème (soit à environ 250 km/h), la 1199 Panigale a beau souffler toute sa hargne et commencer à remuer sous nos fesses, elle n'en reste pas moins rivée sur sa trajectoire et conserve toute sa précision. "C'est la marque de toutes les vraies motos de course !", nous souffle un ingénieur Ducati.

Possible, mais n'empêche : qu'en sera-t-il en dehors de ce circuit au revêtement lisse comme la peau d'un bébé ? Comment réagira la Panigale sur les creux et bosses des routes ouvertes ? Autant de questions qui ne semblent pas vraiment au coeur des préoccupations de Ducati : le mot "route" n'a d'ailleurs pas été évoqué une seule fois lors de la présentation de la Panigale (lire encadré ci-contre).

Heureusement, un facteur important est à prendre en compte dans le cadre d'un usage routier : les aides électronique embarquées sur la 1199 Panigale peuvent vous sauver la mise si la situation venait à dégénérer !